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Social - Accès aux droits : l'Assemblée pointe le décalage entre les ambitions et les moyens

Débattant des politiques en faveur de l'accès aux droits sociaux, les députés ont dressé un constat accamblant. Parmi les solutions avancées : une allocation sociale unique "modulable, contrôlable et plafonnable" et le fait de confier aux départements le rôle de chef de file. Ségolène Neuville a mis en avant les avancées du quinquennat et évoqué de nouveaux services en ligne simplifiés.

L'Assemblée nationale organisait le 10 janvier un débat en séance sur le rapport du comité d'évaluation et de contrôle consacré aux politiques publiques en faveur de l'accès aux droits sociaux, présenté à l'automne dernier par Gisèle Biémouret, députée (PS) du Gers, et Jean-Louis Costes, député (Les Républicains) du Lot-et-Garonne (pour le contenu du rapport, voir notre article ci-contre du 21 novembre 2016). Un débat qui prend place alors que le thème du revenu universel - à ne pas confondre toutefois avec un minimum social - occupe une place inattendue dans la campagne électorale.

"Un grand chantier de simplification"

Dans son introduction, Jean-Louis Costes a souligné à nouveau un "constat accablant" : "Six milliards d'euros de prestations sociales ne profitent pas à ceux qui devraient en être les bénéficiaires et la fraude atteindrait les quatre milliards d'euros. Le système est inadapté et à bout de souffle. La preuve : plus de huit millions de personnes vivent encore en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays [...]". Le député appele donc à "réfléchir à la mise en place d'un système plus simple, tout d'abord au niveau de sa gouvernance", de même qu'à l'ouverture d'un "grand chantier de simplification" des démarches et des prestations.
Une orientation reprise à son tour, en termes plus mesurés, par Gisèle Biémouret, rappelant une disposition plus modeste : l'engagement des travaux sur la fusion du RSA et de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), versée aux chômeurs en fin de droits. La députée du Gers a également indiqué que le non recours aux droits peut être estimé à "deux à trois milliards d'euros par an, bien supérieur à celui de la fraude sociale" et qu'il "a un impact négatif sur le pacte social, d'abord parce que ceux qui sont ou se sentent à l'écart du système de protection sociale en éprouvent du ressentiment, ensuite parce que le 'curatif' coûte finalement plus cher que la prévention".

Un constat partagé

Elle a aussi rappelé la principale conclusion du rapport, proposant de faire des départements "les chefs de file uniques de la lutte contre le non-recours, ou en laissant à chaque conseil départemental, dans ce rôle de chef de file, le soin de désigner localement une structure d'accueil unique et un référent de parcours".
Le débat n'a pas remis en cause le constat d'ensemble sur les carences de l'accès aux droits. Mais si le constat est à peu près unanime sur les raisons d'une telle situation - non automaticité des droits sociaux, complexité de certains minima, lourdeur des procédures, défaut d'information, manque de "proactivité" de la part des acteurs sociaux... -, les solutions avancées semblent moins évidentes. Il se dégage néanmoins des échanges une relative convergence en faveur d'une allocation sociale unique "modulable, contrôlable et plafonnable", dans la lignée du rapport Sirugue "Repenser les minima sociaux". De même plusieurs députés ont jugé "tout à fait pertinente" la proposition consistant à confier aux départements le rôle des chefs de file de l'accès aux droits.

Le salut par le numérique ?

De son côté, Ségolène Neuville a rappelé et défendu l'action du gouvernement, notamment à travers la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. La secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l'exclusion a cependant reconnu que le système social français est l'un des plus complexes au monde, tout en indiquant que "cela est lié à la prise en compte très fine des situations de chacun au regard de l'âge, d'un éventuel handicap ou encore du niveau de dépendance, pour ne citer que quelques exemples".
Ségolène Neuville a notamment insisté sur le renforcement de l'accès à l'information et aux droits à travers la mise en place des "100.000 rendez-vous des droits" par les CAF et les caisses de MSA. L'objectif initial a été largement dépassé, avec un total de 240.000 rendez-vous en 2016. La secrétaire d'Etat a aussi rappelé la mise en ligne du simulateur multi-prestations mes-aides.gouv.fr - sans toutefois préciser la fréquentation du site - et la mise en œuvre du premier accueil social inconditionnel de proximité, par une circulaire du Premier ministre de juillet 2016.
Si Ségolène Neuville s'est bien gardée de prendre position sur le revenu universel - et même sur la fusion des minima sociaux -, elle a en revanche mis en avant les perspectives offertes par le numérique. Après le succès de la prime d'activité, la secrétaire d'Etat a ainsi évoqué la possibilité, "dans quelques semaines", de procéder à une demande de RSA en ligne. Cette démarche sera étendue, "dès le premier semestre 2017", aux demandes de couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et d'aide à la complémentaire santé (ACS), avec une simplification du formulaire et une réduction du nombre de pièces justificatives.
Dans le même esprit, Ségolène Neuville a également évoqué le lancement de l'expérimentation du "coffre-fort numérique". Une évolution qui suppose toutefois, pour éviter d'installer des fractures supplémentaires, de développer l'accompagnement aux usages du numérique, notamment en modernisant les formations initiales et continues des travailleurs sociaux.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Assemblée nationale, débat sur les politiques publiques en faveur de l'accès aux droits, 10 janvier 2017.

 

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