Absentéisme des agents : des pistes pour économiser plus de 1 milliard d'euros

Pour réduire l'absentéisme dans la fonction publique et ainsi générer des économies de plus de 1 milliard d'euros pour les comptes publics, un rapport des inspections générales (Finances et Affaires sociales) propose d'instaurer un ou deux jours de carence supplémentaires, et de réduire la rémunération des agents durant la période des arrêts maladie. Ces pistes qui ont été remises au gouvernement de Gabriel Attal dans le cadre de la "revue des dépenses" ne sont, sans surprise, pas du tout du goût des syndicats.

Les agents publics ont été absents en moyenne 14,5 jours en 2022 pour un motif de santé, selon les résultats de l'enquête Emploi de l'Insee, rappelés par les inspections générales dans le rapport qui vient d'être transmis au Parlement et publié. Avec des disparités importantes selon les employeurs (10,7 jours pour l'État, 17,1 pour la fonction publique territoriale et 18,1 pour la fonction publique hospitalière). "Est-il vraiment légitime et pouvons-nous encore nous permettre que le nombre de jours d’absence parmi les personnels des collectivités locales soit de 17 par an", s'interrogeait début mars le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, l'un des plus fervents partisans de la revue des dépenses "relative à la réduction des absences dans la fonction publique" (voir notre article), commandée officiellement le 22 février dernier par le Premier ministre, Gabriel Attal. En comparaison, les salariés du secteur privé n'ont été absents que 12 jours en 2022, soulignait l'hôte de Bercy. 

L'absentéisme des agents publics lié à la santé a, de fait, beaucoup progressé à partir de 2020, du fait de la crise sanitaire. Cette dernière a été "à l’origine des deux tiers de la progression des absences pour raison de santé constatée entre 2019 et 2022 dans le régime général", indique le rapport. L'année 2022 a vu un pic s'agissant des absences pour raisons de santé dans la fonction publique. En 2023, celles-ci ont reflué sans toutefois revenir à leur niveau d'avant-crise, précise le rapport. Qui relativise l'écart entre l'absentéisme mesuré dans la fonction publique et celui qui prévaut dans le secteur privé. 

Un coût de 15 milliards d'euros en 2022

Les agents publics présentent, en effet, des caractéristiques (davantage de femmes et un âge plus élevé) et occupent des emplois qui les exposent davantage à l'absentéisme que le secteur privé. Ces éléments expliquent 95% de l'écart mesuré avec le secteur privé en ce qui concerne les absences au travail, pour les fonctions publiques d'État et hospitalière, et 53% pour la fonction publique territoriale.

Sur la base des statistiques d'absences pour raison de santé les plus élevées (celles de 2022), la mission évalue à 15,1 milliards d'euros le coût direct de cet absentéisme (sans inclure le coût lié au remplacement des personnels absents). Pour la seule fonction publique territoriale, le coût atteint 5,8 milliards d'euros. 

En neutralisant le coût des spécificités propres aux agents et aux emplois publics, la mission évalue à 0,7 milliard d'euros l'écart de coût entre les taux d'absence de la fonction publique et du secteur privé, ce surcroît de charges concernant "quasi-exclusivement" la fonction publique territoriale.

Mais la facture de l'absentéisme dans la fonction publique a vraisemblablement reculé en 2023, en lien avec le reflux des absences pour raison de santé.

Rémunération partielle des agents en arrêt maladie

Les inspections proposent un cocktail de solutions pour réduire l'absentéisme. Selon elles, l'instauration d'un ou deux jours de carence supplémentaires permettrait de baisser le nombre des absences de courte durée et, donc de faire des économies (289 millions d'euros par an pour les trois versants dans l'hypothèse la plus haute). De premiers résultats ont été obtenus avec l'instauration en 2018 d'un jour de carence dans la fonction publique. "Toutes choses égales par ailleurs", la décision "a eu pour effet une réduction d’environ 11% de la prévalence des arrêts maladie de moins de trois jours et d’environ 10% de la prévalence des arrêts maladie de moins de quatre jours", évalue la mission. En revanche, "aucun effet significatif du jour de carence n’est identifié sur les arrêts inférieurs à deux jours et sur les arrêts supérieurs à trois, quatre, cinq, six ou sept jours", complète-t-elle. Les économies liées à la mesure se sont élevées à 134 millions d'euros en 2023 pour le budget de l’État.

Pour limiter la durée des arrêts maladie dans la fonction publique et générer là encore des économies, la mission met aussi sur la table la possibilité de baisser la rémunération des agents durant leur absence pour raison de santé, par exemple à 90%, voire 80% de leur plein traitement. Dans la première hypothèse, l'économie pourrait atteindre 300 millions d'euros "par versant" et "à niveau d'absentéisme identique".

L'introduction de trois jours de carence et d'une rémunération des journées d'absence à 90% du plein traitement créerait une économie de près d'1,2 milliard d'euros, bénéficiant pour plus d'un tiers aux employeurs territoriaux.

"Stigmatisation des fonctionnaires"

La mission estime par ailleurs que les employeurs publics pourraient renforcer leurs actions de prévention des absences et de contrôle des congés pour raison de santé, en les inscrivant dans "un plan de lutte contre l'absentéisme".

Les propositions des inspections s'apparentent à "de vieilles recettes dont l’impact positif n’a jamais été prouvé, et qui pénalisent les malades qui - décidément- sont une cible budgétaire", a critiqué la CFDT (troisième syndicat de la fonction publique). La piste consistant à réduire la rémunération des agents durant leur arrêt de travail "est un scandale et une manipulation", s'est insurgé de son côté Force ouvrière, en dénonçant un rapport qui "stigmatise à nouveau les fonctionnaires". Le deuxième syndicat du secteur public pointe la responsabilité des "suppressions de postes", des "restructurations permanentes", de la "surcharge de travail" ou encore de la réforme des retraites dans la "dégradation de la santé des agents".