Il reste beaucoup à faire pour prévenir et maîtriser l’absentéisme des agents
L'anticipation des transitions professionnelles et la prévention de la santé devraient être davantage développées, dans le but de limiter les absences au travail dans les collectivités, pointe une étude de l'Observatoire de la Mutuelle nationale territoriale (MNT) soulignant la complexité du sujet.
Les absences pour raison de santé ont connu dans les collectivités une tendance haussière depuis le début des années 2000, pour s’établir à 9,7% en 2022, selon le dernier baromètre du groupe Relyens (voir notre article du 2 octobre). Cela signifie qu’une collectivité employant 100 agents titulaires constate, en moyenne, l'absence pour raison de santé de près de 10 d'entre eux sur l'année. Un taux moyen qui est assez largement supérieur à celui du secteur privé (6,19% en 2021). Mais l’écart se resserre lorsqu’on le compare à certaines familles de métiers – par exemple, 7,35% d’absentéisme pour les professionnels de la santé dans le secteur privé, en 2021. Il faut noter, par ailleurs, que des différences significatives existent entre les collectivités : les arrêts de travail sont plus nombreux et plus fréquents dans les plus grandes structures, mais ils sont sensiblement plus longs dans les petites.
Selon un panel de 503 acteurs territoriaux (élus, directeurs des ressources humaines, directeurs généraux et directeurs adjoints de services - DGS et DGA -, professionnels en charge de la santé des agents territoriaux) interrogés en décembre par BVA pour la MNT, "le report de la charge de travail sur les autres agents" apparaît comme la première difficulté liée aux absences au travail, devant "la réorganisation et la gestion des ressources pour les remplacements". Au total, les absences au travail pour raison de santé ont un coût direct pour les collectivités, que Sofaxis (aujourd’hui Relyens) a évalué à 2.233 euros par agent employé, en 2021. La difficulté à gérer le retour des agents après leur congé maladie et le risque d’une dégradation du service rendu aux usagers sont aussi mis en avant.
Reconversions professionnelles
Or moins de la moitié des acteurs territoriaux (48%) ayant répondu au sondage de la MNT jugent que le sujet de l'absentéisme "est globalement bien traité" par leur collectivité, tandis que 16% estiment qu’il "reste pas mal de choses à faire, mais que le plan de marche est clair". En revanche, pour un cinquième (21%), "le plan de marche n’est pas encore assez abouti" et 10% avouent qu’ils ont "du mal à y voir clair". Pour autant, 60% des DRH, DGS et DGA interrogés assurent que le taux d'absentéisme fait l'objet d'un suivi régulier.
Les collectivités souscrivent des assurances statutaires, ce qui leur permet d’obtenir un remboursement pour les absences de leurs agents. Toutefois, avec la croissance continue de l'absentéisme dans les collectivités, le coût de ces assurances grimpe. En outre, de plus en plus fréquemment, des assureurs décident de se retirer du marché.
Il existe, heureusement, d'autres solutions. L’anticipation par les collectivités des situations d’usure professionnelle de leurs agents – lesquelles constituent un terrain très favorable aux absences – en est une. Mais elle est insuffisamment mise en oeuvre, selon l’enquête, qui s’appuie sur de nombreux témoignages de terrain. Comme celui du docteur Florence Carruel, présidente de l'Association nationale de médecine préventive des personnels territoriaux (ANMPTT) : "Lorsque des agents sont confrontés à une inaptitude sur leur poste nécessitant un changement de métier, c'est un casse-tête épouvantable". Autre levier RH à la disposition des employeurs, la prévention "peine", elle aussi, "à s'imposer et à se déployer". La moitié des répondants au sondage MNT déclarent ainsi que leur collectivité ne propose "aucun dispositif de prévention et de bien-être au travail".
Les "managers de proximité" démunis
L'une des raisons tient au manque de moyens des services des ressources humaines. La charge de travail de leurs responsables augmente, les exposant à un réel risque d’épuisement, alerte l'étude. Le "renforcement des compétences RH" est toutefois jugé prioritaire par plus de la moitié des personnes du panel. Les "managers de proximité" ne sont pas mieux lotis : peu formés aux questions de santé au travail, ils disent se sentir souvent "démunis, insuffisamment préparés et seuls". Pourtant, ils sont les mieux placés pour détecter les "signaux faibles" venant tant de chaque agent que du collectif, qui peuvent alerter sur une situation en voie de dégradation.
Une autre carence concerne le document unique d'évaluation des risques (Duerp). Son absence n'étant pas sanctionnée dans le secteur public, il est insuffisamment mis en place. Cela peut être interprété comme le symptôme d’une prise de conscience insuffisante de la part des élus à l'égard de leurs responsabilités en matière de santé et de sécurité des agents, analyse un médecin du travail d'un centre de gestion.
Certaines collectivités tentent de limiter les absences au travail par "des pratiques de sanction et de contrôle", ou encore des primes d'assiduité. Mais, ces solutions "n'agissent qu'à court terme sur les symptômes organisationnels de l'absentéisme et non sur ses causes", estime Gregor Bouville, professeur en sciences de gestion (université Lyon 3) cité par l’étude. En revanche, la politique préventive qui "vise à influer sur les déterminants organisationnels de l'absentéisme", s'avérerait efficace "à long terme".