Protection sociale complémentaire : employeurs et syndicats s'entendent pour renforcer les droits des fonctionnaires territoriaux
À l'issue d'une négociation inédite, sept associations d'élus locaux - dont l'Association des maires de France - et les six syndicats représentatifs de la fonction publique territoriale ont signé, ce 11 juillet, un accord qui définit un socle minimal de garanties en matière de prévoyance, pour les 1,9 million d'agents des collectivités. Un financement plancher par l'employeur, à hauteur de la moitié de la cotisation, est également prévu. Les signataires parlent d'une "avancée sociale majeure".
Des responsables nationaux des principaux syndicats de la fonction publique territoriale et des représentants des associations nationales d'élus locaux, réunis au siège de l'Association des maires de France (AMF) à Paris, pour la signature d'un accord fixant les principes d'une future négociation, en l'occurrence sur la participation des collectivités à la protection sociale complémentaire de leurs agents. Cet événement, qualifié d'"historique" à l'époque, s'est produit il y a un an (voir notre article du 13 juillet 2022). Depuis, les partenaires ont bûché, confrontant leurs divergences au cours d'une douzaine de réunions. "Cela n'a pas été un long fleuve tranquille", mais "tout le monde a joué le jeu", dans "une ambiance de respect et de travail", relate Emmanuelle Rousset, vice-présidente de Rennes Métropole, qui a piloté cette négociation pour la coordination des employeurs territoriaux. Ces travaux ont été fructueux, puisqu'ils ont abouti, ce 11 juillet, à la signature d'un accord collectif sur la mise en œuvre du volet en matière de prévoyance (couverture des risques d'incapacité, d'inaptitude et d'invalidité), de la réforme de la protection sociale complémentaire, qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2025.
Un accord que l'ensemble des organisations syndicales représentatives de la fonction publique territoriale (CGT, CFDT, FAFPT, FO, FSU et Unsa) ont signé. Même la CGT – qui était critique dans la première phase de préparation de l'accord de méthode, début 2022 – a déclaré être "enthousiaste", par la voix de son représentant, Damien Martinez. En revanche, la "famille" des employeurs territoriaux n'était pas au complet. Les instances de Régions de France et de Départements de France ne rendront qu'en septembre leur position sur l'accord. "On espère évidemment que [les deux associations] reviendront vers nous positivement, pour que ce soit un accord unanime", a lâché Murielle Fabre, secrétaire générale de l'AMF, au cours de la cérémonie de signature qui s'est déroulée, au siège de l'association, en présence de la presse.
Aléas de la vie
Pour les élus présents, l'accord qui a été signé ce 11 juillet, est "historique". Son contenu constitue, en effet, "une avancée sociale majeure pour la fonction publique territoriale", laquelle "est confrontée aux enjeux d'attractivité et d'usure professionnelle, du fait notamment de la réforme des retraites", a estimé Michel Hiriart, président de la fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). Cet accord est aussi, en application de l'ordonnance de février 2021 sur la négociation et les accords collectifs dans la fonction publique, le premier à être formalisé, à l'échelle nationale, entre les représentants des élus locaux et ceux des personnels, et ce sans la participation de l'État. Il reflète "la maturité" de la fonction publique territoriale, "quarante ans après sa création", a considéré Thomas Fromentin, vice-président "RH et administration" d'Intercommunalités de France.
L'accord vise à ce que l'ensemble des agents territoriaux puissent disposer d'un contrat d'assurance en matière de prévoyance, alors qu'aujourd'hui seulement "la moitié" d'entre eux sont protégés contre "les risques de la vie", selon FO. La situation de ces derniers peut rapidement devenir précaire, si leur arrêt maladie se prolonge au-delà de 90 jours : dans ce cas, ils ne perçoivent plus qu'un demi-traitement.
Participation de l'employeur à 50% de la cotisation
Plusieurs avancées sont prévues. D'abord, la participation minimale de l'employeur s'élèvera à 50% de la cotisation, dans le cadre de contrats de prévoyance à adhésion obligatoire. Rappelons que l'ordonnance de février 2021 sur la protection sociale complémentaire dans la fonction publique fixait à 20% "d'un montant de référence", la participation minimale des employeurs territoriaux au coût des garanties en matière de prévoyance. Ensuite, l'accord garantit aux agents le maintien de 90% de leur rémunération nette (primes comprises) en cas d'arrêt de travail dépassant trois mois. C'est mieux que les règles prévues par un décret d'avril 2022 (voir notre article du 21 avril 2022), puisque celles-ci assurent un maintien de 90% du traitement indiciaire brut et de la nouvelle bonification indiciaire et 40% du régime indemnitaire. Par ailleurs, selon les signataires de l'accord, ce dernier introduit "des mécanismes de solidarité qui n'existaient pas auparavant", d'une part entre les agents actifs et les retraités, d'autre part entre les employeurs territoriaux.
L'accord prévoit aussi de mieux encadrer les pratiques des opérateurs. Mais ce point est fortement critiqué par les assureurs mutualistes de la fonction publique territoriale. Ceux-ci ont récemment agité le risque d'une hausse des cotisations santé payées par les jeunes, dans le cadre des "contrats labellisés" et donc un mouvement de résiliation qui aura l'effet inverse de celui escompté, à savoir une hausse des cotisations des retraités.
Négociations locales
Des dispositions réglementaires et législatives doivent être prises à présent pour traduire les engagements de l'accord dans les textes. La balle est donc dans le camp du gouvernement. Un gouvernement que les élus locaux et les représentants des personnels ont appelé à la "diligence". Le dispositif devra en effet être prêt pour l'échéance du 1er janvier 2025. Il faudra aussi laisser un temps suffisant aux employeurs territoriaux qui auraient la volonté de lancer localement des négociations avec les responsables syndicaux, pour mettre en œuvre l'accord national.
Côté syndical, on distingue quelques points de vigilance concernant ces discussions. "Il serait regrettable que, localement, le financement de la protection sociale complémentaire se fasse au détriment du versement de la prime de pouvoir d'achat, facultative pour les agents de la fonction publique territoriale", déclare Dominique Régnier, secrétaire fédéral de la fédération FO des personnels des services publics et de santé. "Pour que les organisations syndicales locales puissent s'approprier un sujet qui est technique, il serait très judicieux qu'ils reçoivent une formation", fait remarquer de son côté Sylvie Ménage, secrétaire générale de la fédération UNSA territoriaux.
Forts de leur succès, les représentants des employeurs et des syndicats ont l'intention de lancer, en 2024, des négociations sur le volet santé de la réforme de la protection sociale complémentaire, qui s'appliquera à compter du 1er janvier 2026. Bien d'autres domaines pourraient faire l'objet d'accords, pointent les protagonistes, qui mentionnent notamment la qualité de vie au travail, ou le télétravail.