Protection sociale complémentaire : un "accord de méthode" national pour amplifier la réforme
Dans le sillon d'un décret d'avril dernier, la majorité des représentants des employeurs territoriaux et des organisations syndicales de la fonction publique territoriale ont signé le 12 juillet un "accord de méthode" concernant la participation des collectivités à la protection sociale complémentaire de leurs agents. Cet accord inédit pose les bases d'une négociation nationale, qui sera suivie de négociations locales.
Tous ont parlé de moment "historique". Vu de loin, cela pourrait surprendre, ledit moment étant la signature d'un "accord de méthode" sur la protection sociale complémentaire des agents territoriaux. Accord de méthode signifiant que concrètement… tout reste à faire. Alors pourquoi évoquer une "étape inédite et majeure" ? Parce que c'est la première fois qu'employeurs territoriaux et organisations syndicales élaborent de concert et concluent un accord de ce type au niveau national, de leur propre initiative et de façon bilatérale, sans présence de l'Etat. Le fait que l'accord ait été conclu de façon majoritaire est également notable. "Nous sommes presque au complet des deux côtés", s'est réjouie Muriel Fabre, la secrétaire générale de l'Association des maires de France (AMF) le 12 juillet lors de la signature de l'accord dans les locaux de l'association. Côté représentants des employeurs territoriaux, pratiquement tout le monde est là en effet : AMF, Départements de France, Régions de France, Intercommunalités de France, France urbaine, maires ruraux (AMRF), petites villes (APVF). Sans oublier la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). Côté organisations syndicales, on trouve la CFDT, FO, l'Unsa, la FA-FPT… et même la CGT. Celle-ci n'avait pas signé le "pré-accord" de février dernier mais se dit aujourd'hui prête à "entamer une vraie négociation".
Un peu d'histoire. Il y a onze ans, "les collectivités n'avaient pas le droit de participer à la protection sociale complémentaire (PSC) de leurs agents", tel que l'a rappelé Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux. Cette possibilité a été ouverte par un décret de 2011. Dix ans plus tard, une ordonnance du 17 février 2021 (voir notre article) est venue fixer le cadre d'une réforme visant à introduire l'obligation de participation des employeurs publics. Puis il y a eu le décret du 20 avril 2022 (voir notre article du 21 avril), qui a notamment précisé les garanties minimales concernées, que ce soit côté complémentaire santé ou côté prévoyance, ainsi que le niveau minimal de participation des employeurs. Ce décret fixe ainsi à un minimum de 15 euros par mois la participation des collectivités ou EPCI à la complémentaire santé de chacun de leurs agents. Et à 7 euros par mois le plancher en matière de prévoyance.
Mais le monde territorial a d'emblée voulu aller au-delà du décret - "poursuivre" et "approfondir" "l'ambition" de la réforme. Notamment pour définir les modalités de prise en charge par les employeurs et déterminer un "cadre de référence" des futures négociations locales. Le simple fait de se mettre d'accord n'a toutefois pas été une mince affaire. "Il a fallu s'apprivoiser, se comprendre", euphémise Muriel Fabre.
"On y a pris goût !"
L'accord de méthode vise à aboutir à un "document commun" (autrement dit à un accord de contenu) au cours du premier trimestre 2023. Avec, si nécessaire, des demandes de modifications réglementaires voire législatives (il faudra probablement retoucher l'ordonnance et le décret). La négociation entre employeurs et organisations syndicales qui s'ouvre maintenant va consister à définir des garanties "socles" pour tous les agents, des "dispositions nationales venant encadrer les pratiques contractuelles et les différents régimes de participation" ainsi que "des dispositions en matière de pilotage et de portage social des dispositifs de participation".
"Nous allons avancer sur ce contenu dans les mois à venir. Certains points seront plus tendus que d'autres", prévoit Emmanuelle Rousset, qui représentait France urbaine (dont elle copréside la commission Fonction publique territoriale) et a été la "cheville ouvrière" de cette "première étape". La CGT, par exemple, liste d'ores et déjà ses principales attentes : une définition "la plus large possible" des bénéficiaires de la PSC, la portabilité, "un panier suffisant", les ayants-droit, l'indexation de la participation des employeurs…
L'idée est d'aboutir à "un cadre de référence national, mais avec des marges de manœuvre locales", explique Emmanuelle Rousset. Viendra ensuite, donc, le temps des "négociations locales". Pour que l'accord soit "décliné dans toutes les communes", selon les termes de Dominique Régnier, de FO. Viendront aussi, très concrètement, les discussions avec les mutuelles ou assureurs. La FNCDG indiquant à ce sujet quelle compte "élaborer un cahier des charges qui pourra servir aux collectivités lorsqu'elles consulteront les opérateurs". "Les centres de gestion seront très mobilisés sur le sujet", souligne Michel Hiriart, le président de la Fédération, évoquant "des conventions au niveau départemental ou supra-départemental".
Tous sont en tout cas convaincus de l'importance du sujet de la PSC en termes de justice sociale à l'égard des agents territoriaux. Mais aussi, par ricochet, en termes de qualité du service public et d'attractivité de la fonction publique territoriale. Et tous se disent satisfaits de cette nouvelle forme de "négociation collective" venant entre autres montrer que la territoriale ne doit pas nécessairement se contenter d'être une "déclinaison" de ce qui se fait pour la fonction publique d'Etat. "Faire valoir la spécificité de la fonction publique territoriale… on y a pris goût !", reconnaît Muriel Fabre. Plusieurs des protagonistes se disent d'ailleurs déjà que la méthode pourrait être mise en œuvre sur d'autres sujets : temps et conditions de travail, fins de carrières, attractivité… voire politiques salariales.