Surcharge de travail, épuisement, insuffisante déconnexion : les difficultés quotidiennes des territoriaux
Des agents souvent débordés, irrités, épuisés et qui pensent encore à leur travail le soir ou le week-end. C'est la réalité de la vie de bon nombre de territoriaux, dont rend compte un baromètre, inédit, de la santé mentale des agents de la fonction publique territoriale initié par Idealco et Moodwork.
Le bien-être et la santé mentale des agents territoriaux ont atteint une zone à risque, constatent Idealco, plateforme collaborative et organisme de formation pour les agents territoriaux, et Moodwork, entreprise spécialisée dans la prévention de la santé mentale au travail. Dévoilé durant la semaine pour la qualité de vie et des conditions de travail, le premier baromètre de la santé mentale des agents de la fonction publique territoriale, qu'elles ont conçu en partenariat avec la Mutuelle nationale des fonctionnaires des collectivités territoriales (MNFCT), livre des résultats plutôt inquiétants sur ces sujets.
Sur les 1.851 agents territoriaux ayant répondu au questionnaire en ligne qui leur a été soumis entre le 4 avril et le 3 juin, 45% "se sentent épuisés plus d’une fois par semaine" - dont 20% au moins une fois par jour – et quasiment autant (44%) "ressentent de l’irritation à cause de leur travail plusieurs fois par semaine".
Ces données ne reflètent pas exactement la situation des agents territoriaux, puisque le panel - qui est constitué notamment de 31% de "managers", et 74% de femmes -, n'est pas véritablement représentatif de la composition de la fonction publique territoriale. Mais elles fournissent d'indéniables tendances, qui n'ont guère surpris les préventeurs, responsables de l'action sociale ou du bien-être de collectivités, qui étaient présents le 18 juin aux Rencontres nationales du capital humain de la FPT. C'est au cours de cet événement organisé à Blois par Idealco que le baromètre a été présenté.
Surcharge de travail
"Les résultats confirment ce que ces professionnels voient au quotidien et vivent eux-mêmes", déclare Clément Poirier, responsable du centre de recherche de Moodwork. Ils vont également dans le sens des constats dressés par la consultation en ligne ouverte par le gouvernement sur les conditions de travail dans la fonction publique. Les 110.000 agents publics qui y ont répondu au cours de l'été 2023 ont placé l'épuisement professionnel en tête des problématiques de santé au travail méritant d'être traitées "en priorité" par leurs employeurs (voir notre article). La santé mentale figurait en troisième position.
La fatigue et la colère ressenties par un grand nombre d'agents n'est pas sans lien avec la charge de travail qui leur est demandée. 47% de ceux qui ont été interrogés la trouvent "trop élevée régulièrement (plus d’une fois par semaine)". Pour y faire face, 36% se voient contraints de travailler en dehors de leurs horaires habituels plus d’une fois par semaine. Le pourcentage grimpe de 20 points (à 56%, donc) chez les managers.
Loin des clichés qui décrivent parfois les agents territoriaux comme des travailleurs désœuvrés, il ressort que près des trois quarts des répondants ne ressentent "jamais" d'ennui au travail, ou que s'ils s'ennuient, c'est "seulement quelques fois par an".
Manque de reconnaissance
Par ailleurs, près des deux tiers des agents "pensent à leur travail le soir ou le week-end de manière fréquente". Cette difficile déconnexion est signalée par 82% des managers.
Autre source d'insatisfaction chez les agents territoriaux : le manque de reconnaissance de la part de leur supérieur. 41% des répondants déclarent rencontrer ce problème. En outre, la marge de manœuvre qui leur est accordée dans le travail est considérée comme suffisante par 57% des répondants. Ce qui signifie que 43% aimeraient disposer de plus d'autonomie au travail.
Les tendances qui se dégagent du baromètre sont "assez similaires" à celles que l'on peut observer dans le secteur privé, lequel est marqué par une dégradation de la santé mentale des travailleurs, selon le responsable du centre de recherche de Moodwork.
Un travail jugé utile
Il ne faut pas pour autant sous-estimer le problème que traverse la fonction publique territoriale, qui peut être non seulement à l'origine d'un important absentéisme, mais aussi de difficultés de recrutement. Quand une part importante des agents déclarent être épuisés, leur cadre de travail "ne fait pas rêver", souligne Clément Poirier.
Mais le baromètre confirme que les métiers territoriaux ont du sens chez la grande majorité de ceux qui les exercent. 82% des personnes sondées jugent leur travail utile pour la société. Une majorité d'agents, certes moins large (62%), estimant que leur travail est "stimulant".
Les collectivités peuvent s'appuyer sur ce sentiment d'utilité pour améliorer la santé mentale de leurs agents. Concrètement, elles peuvent recourir à des psychologues, ou des coachs et des formations. Dans ce domaine, la marge de progrès paraît considérable. Ainsi, 52% des répondants déclarent avoir été peu ou pas du tout sensibilisés par leur collectivité à la question des risques psychosociaux, lesquels favorisent les dépressions ou encore les troubles du sommeil.