Cadences et postures pénibles sont le lot quotidien de nombreux agents territoriaux
La Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) publie une étude sur les conditions de travail dans la fonction publique avant le début de la crise liée au Covid-19. Une contribution particulièrement instructive au moment où le Parlement s'apprête à examiner le projet de loi de réforme des retraites, qui pose la question de la prise en compte de la pénibilité au travail.
Les données de l'étude - qui sont issues de la dernière enquête sur les conditions de travail menée par la DGAFP, avec la Dares et la Drees (deux directions ministérielles en charge de la statistique publique) - dressent un état des lieux des conditions de travail dans la fonction publique, avant le déclenchement de la crise sanitaire. S'appuyant sur les réponses de plusieurs milliers d'agents publics, elles révèlent notamment que les contraintes et expositions physiques font partie du quotidien de nombreux agents territoriaux. En 2019, 47% des agents de l'échantillon déclaraient rester longtemps debout et 42% indiquaient qu'ils devaient porter ou déplacer des charges lourdes (soit des taux de réponses inférieurs à ceux des agents hospitaliers, mais quasi-identiques à ceux des salariés du privé). Par ailleurs, 41% disaient effectuer des mouvements douloureux ou fatigants.
La fonction publique territoriale comportait, en 2019, la part la plus importante d'agents exposés à un bruit intense (18%, contre 13% dans les autres versants, mais à égalité avec le privé). En matière d'exposition aux fumées et aux poussières, les agents territoriaux étaient, là encore, les plus concernés : 32% d'entre eux déclaraient respirer celles-ci (un taux deux fois plus élevé que dans les deux autres versants et quasi égal à celui du privé).
Moins de contraintes de rythme dans le secteur local
En revanche, les agents territoriaux étaient moins soumis aux contraintes de rythme. 35% de ceux qui ont répondu à l'enquête ont déclaré "devoir toujours ou souvent se dépêcher pour faire leur travail (contre 45% en moyenne dans la fonction publique et dans le secteur privé) et 26% ont affirmé "travailler toujours ou souvent sous pression" (36% dans l'ensemble de la fonction publique et un tiers dans le privé).
Autre caractéristique des conditions de travail des agents territoriaux : le travail le dimanche y est assez courant. 43% des hommes et 20% des femmes employés dans les collectivités, et ayant répondu au questionnaire, ont déclaré travailler ce jour-là, ne serait-ce qu'occasionnellement. 52% des hommes et 26% des femmes ont indiqué par ailleurs travailler la nuit, le matin de bonne heure, ou le soir, y compris occasionnellement. En revanche, seulement 6% des agents territoriaux n'avaient pas 48 heures de repos consécutives - contre près d'un quart chez les agents hospitaliers.
Dans la fonction publique territoriale, les "conflits de valeurs" affectaient, en 2019, davantage les femmes. Un quart d'entre elles (contre 15% des hommes) ont déclaré ne pas avoir assez de temps pour effectuer correctement leur travail. La proportion d’agentes n’ayant pas la fierté du travail bien fait atteignait 40% (contre 35% chez leurs homologues masculins). On observe sur ce point-là une dégradation de la situation des femmes : en 2013, le taux de réponse des femmes sur cet item avait été de 29%. A noter encore : 31% des femmes et 26% des hommes employés dans la fonction publique territoriale ont déclaré, en 2019, ne pas avoir de collaborateurs ou de collègues en nombre suffisant. Des proportions assez semblables à celles que l'on trouvait dans le privé.
Près d'un tiers des territoriaux déplorent un manque de reconnaissance
Autre difficulté vécue par une part importante des agents territoriaux : l'accueil du public, qui a généré, en 2019, des tensions pour 41% d'entre eux. Stable par rapport à celui de 2013, ce taux était donc significatif, mais il s'avérait inférieur à celui des autres versants (53% à l'Etat et 63% dans les hôpitaux).
Le sentiment de manque de reconnaissance tendrait à croître dans le secteur public local. 31% des agents territoriaux estimaient en 2019, "au vu de leurs efforts, ne pas recevoir le respect et l’estime que mérite leur travail", contre 27% six ans plus tôt. Mais les agents des deux autres versants restaient plus nombreux à afficher leur déception sur ce plan là (respectivement 38% pour l'Etat et 43% pour l'hospitalière).
Au sein de la fonction publique dans son ensemble, des différences importantes peuvent être observées en ce qui concerne les conditions de travail des diverses catégories d'agents. Les "ouvriers" et, dans une moindre mesure, les "employés" sont logiquement plus souvent exposés que les cadres et les agents exerçant des "professions intermédiaires", aux contraintes physiques (porter des charges lourdes, subir des secousses…), à l'obligation d'effectuer des mouvements douloureux ou fatigants, ou encore au fait de respirer des fumées et des poussières. En outre, ils sont moins nombreux à pouvoir faire varier les délais fixés. En revanche, ils travaillent moins souvent sous pression temporelle et ont moins d’objectifs chiffrés à atteindre que les cadres.