2024, année record pour l’électricité renouvelable

L’édition 2024 du baromètre Observ’ER de l’électricité renouvelable en France montre que les EnR continuent d’avoir le vent en poupe, en particulier la filière photovoltaïque. L’autoconsommation, tant individuelle que collective, rencontre un succès toujours grandissant. Au niveau régional, toutes les régions métropolitaines auront connu une production électrique renouvelable en hausse en 2023. Et pour la première fois, une région métropolitaine – Grand Est – aura couvert plus de la moitié de sa consommation d’électricité grâce aux EnR. La région Hauts-de-France a, elle, déjà largement dépassé ses objectifs de production fixés dans son Sraddet à horizon 2030, alors que l’Île-de-France en est toujours très très loin.

En matière de déploiement des énergies renouvelables (EnR), Cassandre se serait-elle trompée ? Lors de la présentation, ce 24 janvier, de l’édition 2024 du baromètre Observ’ER de l’électricité renouvelable en France, l’heure était, pour une fois, plutôt à l’optimisme. "On a franchi un seuil. Quand les énergies renouvelables atteignent, en 2024, 32% de la consommation d’électricité, clairement nous ne sommes plus dans les balbutiements. Nous sommes entrés dans le monde industriel", déclare Vincent Jacques Le Seigneur, président d’Observ’ER. "Jamais la production d’électricité renouvelable n’aura été aussi forte en France et jamais la puissance raccordée n’aura autant progressé", se félicite pour sa part la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), en soulignant que "le pays est désormais en phase avec ses objectifs à 2030 et 2035". 

Ne pas crier victoire trop tôt

À son habitude, Vincent Jacques Le Seigneur s’emploie toutefois à tempérer les ardeurs. Il souligne d’abord que la progression est, comme l’an passé (voir notre article du 25 janvier 2024), "principalement due au photovoltaïque". Ensuite, il relève que le déploiement des EnR "repose principalement sur deux acteurs" qui ne sont pas en grand forme :
- d’une part, les collectivités locales, confrontées "aux coups de rabot budgétaires". "La baisse des dotations de l’État va certainement limiter les marges de manœuvre", appuie Charles-Antoine Gautier, directeur général de la FNCCR. Il se veut néanmoins confiant : "Nous avons quand même bon espoir que les projets se poursuivent malgré tout, grâce à l’appui de grosses structures comme les syndicats d’énergie à une maille départementale ou à la création de sociétés d’économie mixte de production d’énergie renouvelable" ;
- d’autre part, une industrie française du renouvelable plus qu’à la peine. "La rumeur court que Photowatt va fermer définitivement", souffle Vincent Jacques Le Seigneur… quelques instants seulement avant qu’un porte-parole d’EDF Renouvelables n’indique à l’AFP que la direction de l’entreprise avait pris la décision de fermer cette dernière usine française de panneaux solaires. 

Enfin, l’expert met en relief un contexte politique qu’il juge "pour le moins délétère, et pas seulement outre-Atlantique", pour les EnR. 

Auvergne-Rhône-Alpes toujours en tête de la production électrique renouvelable grâce à l’hydroélectricité

Pour autant, à ce stade, le verre paraît davantage plein que vide. "La production électrique renouvelable de 2023 aura été supérieure à celle de 2022 pour chaque région métropolitaine", décrit le baromètre. Un résultat dont les auteurs de l’étude soulignent qu’il est "loin d’être logique", en mettant en avant le fait qu’en 2022, quatre des cinq premières régions en tête du classement de la production électrique renouvelable avaient vu cette dernière reculer du fait de mauvaises conditions météorologiques. Sans surprise, Auvergne-Rhône-Alpes reste en tête de cette production, portée par "son imposant parc de centrales hydroélectriques", lequel représente 84% de la production d’électricité renouvelable du territoire. 

Si l’on met cette dernière source d’énergie à part, c’est la région Hauts-de-France qui arrive en tête, grâce à son parc éolien. Une région qui arrive également largement en tête au regard du degré d’atteinte des objectifs de production que se sont fixés les régions dans leurs Sraddet [schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires] pour 2030, puisque les Hauts-de-France dépassent déjà largement l’objectif assigné (15.051 GWh en 2023, pour un objectif de 9.605 MWh). Seule autre région dans ce cas, dans des proportions sans commune mesure, la Corse, avec 300 GWh produits l’an passé pour un objectif de 205 GWh en 2030. À l’inverse, tout reste à faire ou presque pour l’Île-de-France, qui a produit 702 GWh en 2023, loin des 12.250 GWh visés en 2030. La Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui affichent les plus gros objectifs en valeur absolue (respectivement 23.900 et 20.570 GWh en 2030) ont à ce stade parcouru le quart du chemin (respectivement 8.953 et 5.510 GWh produits en 2023).

Grand Est, première région métropolitaine à couvrir plus de la moitié de sa consommation avec les EnR

Au vu de la taille très disparate des régions, il apparaît toutefois plus pertinent d’examiner le taux de couverture de la consommation électrique par les filières renouvelables (29,9% en moyenne en France en 2023). Et en l’espèce, c’est la région Grand Est qui donne le la. Elle était en 2023 la seule région métropolitaine à couvrir plus de la moitié de sa consommation grâce aux EnR (51,3%). "C’est la première fois qu’une région métropolitaine dépasse le seuil des 50% sur cet indicateur", note le rapport. Outre-mer, la Guyane (73%) et La Réunion (56,6%) font encore mieux. 

Suivent de près Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes (47,7%) et l’Occitanie (46,3%). Dans le peloton, figurent la Corse (38,4%), la Nouvelle-Aquitaine (36%), la Guadeloupe (35%, pour 2022 toutefois), les Hauts-de-France (33,6%), Provence-Alpes-Côte d'Azur (32,1%) et Centre-Val-de-Loire (30,6%). 

Distancés, la Martinique (27%, en 2022), la Bourgogne-Franche-Comté (23,9%) et les Pays-de-la-Loire (23,8%), et plus encore la Bretagne (19%) et la Normandie (14,3%). En queue de peloton, Mayotte (6%, en 2022) et l’Île-de-France (2,4%).

Sraddet 2030 : une territorialisation des objectifs marquée

Alors qu’il espère une mise en œuvre très rapide de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) troisième du nom, mise en consultation en novembre dernier, Frédéric Tuillé, cheville ouvrière du baromètre, déplore qu’il manque toujours "une régionalisation de ce document, qui aiderait les territoires à mieux affirmer leurs objectifs et leurs stratégies". Et qui permettrait aussi "d’achever la définition des zones d’accélération" – une "planification exigée par l’État dans un laps de temps trop court pour que les collectivités puissent s’emparer sérieusement de cette question", déplore au passage Charles-Antoine Gautier.

L’examen des objectifs Sraddet à 2030 met toutefois en lumière une assez forte territorialisation de l’exercice, la plupart des régions restant dans leurs couloirs :
- misent ainsi d’abord sur l’éolien : la Bourgogne-Franche-Comté (l’éolien y représente 56% de la production EnR en 2023) ; la Bretagne (59%) ; le Centre-Val-de-Loire (70%) ; Grand Est (53%) ; les Hauts-de-France (92%) ; la Normandie (72%), Nouvelle-Aquitaine (où le photovoltaïque arrive en tête de la production électrique EnR en 2023) et les Pays-de-la-Loire (72 %) ;
- comptent avant tout sur l’hydroélectricité Auvergne-Rhône-Alpes (67% de la production d’EnR en 2023), la Corse (70%) et la Guyane (86%) ;
- spécificité pour ceux qui misent d’abord sur le photovoltaïque : ce n’est pas la source d’énergie la plus productive actuellement. C’est le cas de l’Occitanie et de Provence-Côte d'Azur, où l’hydroélectricité a fourni respectivement 49% et 67 % de la production EnR en 2023. C’est également le cas de la Martinique, de la Réunion et de l’Île-de-France, où c’est la biomasse qui représentait dans ces régions la principale source de production d’EnR en 2023 – respectivement 63%, 60% et 48% ;
- enfin, la Guadeloupe continuera de miser prioritairement sur la biomasse (solide, déchets et biogaz), déjà la principale source d’électricité EnR en 2023 (39%, devant l’éolien, le photovoltaïque et la géothermie, environ 19% chacun).

Énorme succès de l’autoconsommation

De manière générale, Frédéric Tuillé souligne l’énorme succès emporté cette année encore par l’autoconsommation, tant individuelle que collective. S’agissant de cette dernière, il dénombre à peu près 800 projets portés directement par des collectivités. "C’est un moyen d’avoir de meilleurs résultats en termes d’acceptabilité", explique-t-il. "Un levier essentiel pour réussir la transition énergétique", rappelle Charles-Antoine Gautier.