Entre 2020 et 2022, les emplois "concourant à la transition énergétique" ont progressé de 24%

L’Ademe constate une progression forte des emplois dans les énergies renouvelables et dans les transports terrestres sobres en énergie. En revanche, le bilan est plus mitigé du côté des emplois liés à l’isolation des bâtiments. 

Dans son dernier bilan des marchés et emplois "concourant à la transition énergétique", présenté mardi 24 septembre à l’occasion d’une table ronde organisée par la Caisse des Dépôts (1), l’Ademe décompte en 2022 plus de 421.000 emplois directs au sein des secteurs des énergies renouvelables et de récupération, des transports terrestres sobres en énergie et peu émetteurs, et dans le bâtiment résidentiel. Soit une progression de 24% en deux ans. 

Avec 137.000 emplois en 2022, soit une hausse d’un quart en deux ans, le secteur des transports "sobres en énergie" devient dominant, portée par le doublement des emplois liés aux véhicules hybrides non rechargeables et rechargeables, qui regroupent 20.800 équivalents temps plein en 2022. La filière des voitures électriques progresse de 70%. En revanche, la croissance en emplois liée aux infrastructures des transports collectifs urbains - catégorie qui ne compte ni les chauffeurs ni les effectifs liés à la maintenance - n’est que de 5,8%. 

Explosion des emplois dans la chaleur renouvelable individuelle

Le nombre d’ETP dans le secteur des énergies renouvelables et de récupération a progressé de 38% depuis 2020. Mais cette hausse importante s’explique d’abord par la progression très rapide de la filière de la chaleur renouvelable auprès des particuliers, en hausse de 61% en deux ans grâce au succès des pompes à chaleur aérothermiques individuelles, des chauffe-eaux thermodynamiques et des appareils individuels de chauffage au bois. 

Les effectifs dans les ENR électriques progressent de 24%, menés par le solaire photovoltaïque (+44%), suivi de l’hydroélectricité (+18%) et de la filière éolienne (+13%). Les emplois dans le biogaz par méthanisation et élimination de déchets non dangereux progressent de 14% en deux ans et ceux des biocarburants de 7%. 

En revanche, les emplois dans la chaleur renouvelable collective régressent de 5% par rapport à 2020 en raison d’un recul des emplois dans les chaufferies biomasse et dans la géothermie. Seuls les effectifs travaillant dans les réseaux de chaleur progressent. 

Un bilan mitigé en matière d’isolation 

Le bilan des emplois dans la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels est beaucoup plus mitigé. Car si les effectifs dans l’isolation des parois opaques augmentent de 20% entre 2018 et 2022, les emplois liés au remplacement des ouvertures régressent de 40% sur la même période. Au total, le nombre d’emplois associés à la rénovation énergétique de l’enveloppe régresse de 12%. 

Malgré l’explosion des installations d’appareils de chauffage performants (pompes à chaleur, chauffe-eaux, appareils au bois…) posés en rénovation, le compte n’y est donc pas totalement en termes d’efficacité énergétique. "C’est un résultat très incompatible avec l’objectif d’un parc résidentiel rénové aux normes BBC (bâtiment basse consommation) d’ici à 2050", a commenté Saghar Saïdi, économiste d’In Numeri, qui a contribué à la publication de l’étude. 

Un constat qui renvoie à l’importance de maintenir les aides publiques tout en les ajustant pour qu’elles permettent des rénovations plus globales. A cet égard, les coupes budgétaires prévues sur MaPrimeRénov sont un mauvais signal. La rénovation des bâtiments fait partie de ces secteurs où les besoins d’investissements sont particulièrement "importants", a souligné Maxime Ledez, chargé de recherche – Investissement climat chez I4CE. "Les aides publiques orientent le marché et in fine, l’emploi et la formation", renchérit Hélène Garner, directrice du département Travail Emploi Compétences de France Stratégie (voir aussi notre article de ce jour "Le marché de l’isolation des bâtiments contrarié par un manque de compétences ?").

Menaces sur les véhicules hybrides et électriques

Qu’en sera-t-il dans les prochaines années ? Dans le cas des véhicules peu émetteurs (électriques et hybrides), les perspectives dépendent notamment de l’état de la concurrence internationale. Or celle-ci est aujourd’hui "extrêmement féroce", alerte Thomas Grjebine, économiste au Cepii (centre de recherche et d'expertise sur l'économie mondiale. 

Ces dernières années, ce marché s’est fortement développé sous l’influence de l’évolution des règlementations européenne et française mais il est aujourd’hui très perturbé par une forte chute des ventes en France, et menacé par l’écoulement des automobiles produites dans des usines chinoises en surcapacité. De quoi appauvrir potentiellement la croissance en emplois dans l’Hexagone dans les prochaines années.

Accompagner les transports urbains et les énergies renouvelables 

Dans son étude, l’Ademe appelle aussi à un renforcement des mesures d’accompagnement aux transports collectifs urbains. Les investissements liés aux transports collectifs urbains pourraient mécaniquement diminuer du fait de l’avancement des grands projets (comme le Grand Paris Express), selon Maxime Ledez, chargé de recherche – Investissement climat chez I4CE. Idem pour l’éolien offshore. Et l’expert de signaler l’importance de maintenir le soutien à SNCF réseau pour continuer à développer le ferroviaire et donc les emplois associés aux infrastructures, où le nombre d’emplois a progressé ces dernières années. 

Le rôle du fonds Chaleur – également menacé par des coupes – est également majeur pour développer les sources alternatives de chauffage collectif. En cas de coupe, "il y a un risque que les porteurs de projet diminuent leurs investissements", selon Maxime Ledez. Pour l’Ademe, "l’accompagnement au développement des filières EnR&R doit s’intensifier", d’autant que "les estimations préliminaires 2023 montrent que la quasi-totalité des filières EnR&R réalisent des chiffres d’affaires inférieurs à la trajectoire PPE [programmation pluriannuelle de l’énergie]". 

(1) Une table ronde organisée en partenariat avec Réseau Action Climat et l’Ademe.