Le marché de l’isolation des bâtiments contrarié par un manque de compétences ?

Les emplois associés à l’isolation des bâtiments résidentiels ont régressé de 12% entre 2018 et 2022, selon les données de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Cette contre-performance renvoie selon certains à un déficit important de formation professionnelle. Mais ce diagnostic reste contesté. 

Amélioration du pouvoir d’achat des ménages, emplois non délocalisables, diminution de la consommation d’énergie… Malgré ses différents bienfaits, la filière de la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels peine à décoller. Si l’on retire de son bilan les emplois liés à l’installation d’appareils de chauffage utilisant des énergies renouvelables et de récupération, les emplois associés à l’isolation des bâtiments résidentiels ont régressé de 12% entre 2018 et 2022, d’après le dernier décompte de l’Agence de la transition écologique (Ademe).  

Si le niveau d’investissement public fléché sur ce secteur conditionne le développement de ce marché, l’influence des compétences présentes dans cette filière pourrait également jouer. Un sujet débattu lors de la journée d’échange organisée lundi 24 septembre par la Caisse des Dépôts avec le réseau Action Climat et l’Ademe et consacrée aux évolutions des emplois dans les filières concourant à la transition écologique (voir aussi notre article de ce jour "Les emplois concourant à la transition énergétique' ont progressé de 24%")

L’économiste de l’Ademe Thomas Gaudin estime que cette filière, plus que d’autres, fait face à une pénurie des compétences qui n’est à ce jour pas assez traitée par les politiques publiques. "Il faut regarder de plus près le lien entre l’impact du manque de compétences et d’autres freins liés à la gestion du système compétences du bâtiment sur les marchés et après sur l’emploi", estime-t-il. Un sujet sur lequel l’institution s’investit, notamment aux côtés d’Alliance Villes Emploi, en proposant une méthode (le "support aux dialogues prospectifs") pour impulser une stratégie locale favorable à la transition énergétique comme à l’emploi local. 

Manque d’anticipation des branches professionnelles

Pourtant, ce sujet est loin de faire consensus. La formation "n’est pas la solution", a souligné Sandrine Berthet, déléguée à la transition écologique à la Direction générale des entreprises. "Il ne faut pas former trop tôt à des techniques ou des marchés qui ne sont pas complètement prêts", a-t-elle expliqué pour souligner le rôle premier de la solvabilité des particuliers dans la progression du nombre de rénovations. 

D'autant plus, ajoute-t-elle, que les besoins en nouvelles formations seront faibles dans ce domaine. D’une part car ces compétences existent déjà dans les entreprises et sur le marché et d’autre part parce que les gestes de rénovation énergétique n’impliquent que des formations de "quelques semaines ou mois". S’y ajoute une dernière "difficulté" : "toutes les filières, même celles qui sont le plus en lien avec la transition énergétique – notamment l’efficience énergétique – n’ont pas cette connaissance des besoins à moyen terme", a-t-elle souligné. 

Pour répondre aux pénuries dans le bâtiment, qui vont s’accroître d’ici à 2030, il y a un enjeu "à élargir les viviers, à former des personnes actives, de la féminisation, des mobilités, des retours d’inactivité", selon Hélène Garner, directrice du département Travail Emploi Compétences de France Stratégie, qui a diffusé l’an dernier deux notes consacrées aux besoins de main d’œuvre dans la rénovation énergétique des bâtiments et aux solutions qui peuvent être apportées.