1.000 cafés : le dispositif peine à prendre son rythme de croisière
L'initiative "1.000 cafés" a donné naissance ou soutenu quelque 200 lieux depuis son lancement en septembre 2019. Certains y voient une initiative intéressante qui n'a pas encore trouvé son rythme de croisière, d'autres estiment qu'elle va à l'encontre de l'ancrage local nécessaire pour ces commerces ruraux.
Produit marketing ou véritable impulsion dans les villages ? Le programme "1.000 cafés" lancé en septembre 2019 dans le cadre de l'Agenda rural visait à redynamiser la vie quotidienne dans des communes de moins de 3.500 habitants, qui ne disposent plus d'un café ou dont le dernier risque de disparaître, avec l'ouverture de nouveaux lieux de vie. Par ce projet, le groupe SOS acquiert des locaux, en partenariat avec les mairies intéressées, les remet aux normes et les confie à des porteurs de projets à travers un appel à candidatures, pour créer des cafés multiservices.
A l'heure actuelle, 100 cafés ont ouvert ou sont en cours d'ouverture et 100 sont soutenus ou ont été soutenus. Car avec la crise du covid, au-delà des ouvertures, le dispositif s'est donné pour mission de soutenir le tissu existant ayant souffert des fermetures lors des confinements. "On pourrait ouvrir 1.000 cafés car nous avons un peu plus de 1.000 candidatures, explique Chloé Brillon, directrice secteur action territoriale au groupe SOS et présidente de 1.000 cafés, mais pour nous, il s'agit d'ouvrir des lieux pérennes, c'est un vrai travail de dentelle, il faut une municipalité mobilisée, facilitatrice et un gérant qui sache tenir plein de casquettes différentes ; cela demande aussi un foncier et un local aménagé et fonctionnel".
100 euros par mois et 2% du chiffre d'affaires
Pour une contribution de 100 euros par mois et de 2% de leur chiffre d'affaires, l'équipe de 1.000 cafés aide les porteurs de projets dans leur gestion et leur organisation, mais aussi dans le développement d'activités et de services (points presse, relais colis, ateliers numériques…) selon les besoins des territoires. Le programme a été subventionné par l'Etat à hauteur de 180.000 euros. Des discussions sont en cours avec l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) pour la nouvelle programmation.
Mais le concept ne convainc pas tout le monde. "C'est une bonne idée, mais ça ne décolle pas, estime Gilles Noël, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), maire de Varzy (58), ils n'ont pas atteint leur vitesse de croisière, et il y a besoin d'aller sur le terrain, de passer des conventions avec les territoires". Même remarque pour certains acteurs du secteur, à l'image d'Henri-Georges Madeleine, co-fondateur de Champ commun. Ce commerce coopératif de proximité propose une formation à l'entrepreneuriat social et solidaire pour une promotion de quinze personnes durant six mois. "Le programme 1.000 café se situe dans une logique qui va à l'encontre d'un ancrage local, considère le responsable de Champ commun, il est porté par une structure parisienne, les commandes sont réalisées au niveau national, ce qui empêche de travailler avec les producteurs locaux".
Le manifeste "1.000 fois non"
Champ commun a participé à la rédaction et à la publication d'un manifeste intitulé "1.000 fois non", diffusé par le Forum des cafés collectifs de proximité. Un moyen d'exprimer leur désaccord face à "une telle démarche qui vient vider de leur substance des initiatives reposant sur une mobilisation citoyenne et locale". "Nous accompagnons des projets qui veulent démontrer qu'une autre économie est possible", précise Henri-Georges Madeleine.
Pour d'autres, le budget est démesuré par rapport aux résultats. "C'est un gouffre financier, avec 400.000 euros pour 70 cafés seulement", insiste l'AMRF. Moins sévère, Bernard Delcros, sénateur du Cantal et président du Parlement rural, regrette le manque de pérennité du dispositif. "C'est une bonne initiative, cela reste des lieux importants pour les territoires ruraux, mais il faut l'inscrire dans la durée", signale-t-il.
"Nous ne sommes pas la seule solution, tempère Chloé Brillon, mais nous avons créé un bon petit laboratoire pour faire le point sur les freins qui se posent dans le cadre des fermetures, depuis des années, et sur les solutions". D'autres initiatives sont en effet développées sur le territoire national, à l'instar des épiceries participatives Monépi ouvertes dans le cadre de l'appel à candidatures "Bouge ton coq" (voir notre article du 31 janvier 2023). Le gouvernement vient également de lancer un programme de soutien aux commerces ruraux (voir notre article du 7 mars 2023) sachant que, selon l'Insee, 21.000 communes ne disposent de plus aucun commerce.
Reste à voir si les 1.000 cafés seront toujours soutenus dans le plan France Ruralités en cours de finalisation (voir notre article du 6 avril 2023). Il devrait être présenté avant l'été.