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Administration numérique - Vitam sera la future solution d'archivage public portée par l'Etat

Lancé le 9 mars en présence de la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, et de Thierry Mandon, secrétaire d'Etat chargé de la réforme de l'Etat et de la simplification, le programme Vitam vise à créer une solution d'archivage unifiée pour l'administration. Sur le plan des grands principes, elle sera conforme au concept d'Etat plateforme, adaptée à l'explosion des données, déjà amorcée, et largement réutilisable, y compris par les collectivités territoriales... sur une base volontaire.
La croissance des volumes de données nativement numériques crée une situation d'urgence sur l'archivage des documents et plus généralement des objets numériques de toute nature, produits par l'administration. Aussi, le projet Vitam (Valeurs immatérielles transmises aux archives pour mémoire) qui vient d'être initié cette semaine est un chantier stratégique pour l'administration centrale. Sa finalité est bien de répondre à tous les besoins de conservation de l'administration : en matière d'archivage courant - dossier RH actif d'un agent -, d'archivage intermédiaire - éléments dont la durée d'utilité administrative n'est pas dépassée - et d'archivage définitif – pièces conservées pour des raisons historiques, statistiques et juridiques et pour des durées de conservation qui peuvent être indéfinies comme les registres d'état civil. L'exercice est complexe en raison de la diversité des pratiques observées sur le terrain. Car si la plupart des ministères assurent directement l'archivage courant et intermédiaire et confient à celui de la Culture leur archives définitives, certains ministères comme ceux de la Défense et des Affaires étrangères font exception à la règle en assurant leur archivage définitif en interne. Cette diversité de pratiques appelait une certaine remise en ordre afin d'optimiser les investissements et harmoniser si possible les systèmes.

Un socle d'archivage unique et réplicable

C'est, à l'origine, cette exigence qui avait conduit en 2011 les trois ministères de la Défense, de la Culture et des Affaires étrangères, tous trois missionnés pour l'archivage définitif, à se rapprocher pour mettre en commun leurs ressources. Il apparaissait déjà pertinent de concevoir, ensemble, un socle d'archivage unique, réplicable dans les trois administrations. L'idée fera progressivement son chemin pour donner naissance, aujourd'hui, au programme Vitam. Piloté par la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic) il a pour objet de développer un socle unifié réutilisable par les trois administrations et au-delà... Le futur produit n'est pas une plateforme, au sens physique du terme, mais une "brique logicielle" regroupant l'ensemble des fonctionnalités mutualisables telles que l'indexation, la gestion des métadonnées, le stockage, la recherche et la pérennisation des fichiers. Les trois ministères initiateurs, premiers destinataires du programme, conserveront la main sur leurs processus métiers, c'est-à-dire sur les modes d'organisation et de versement des documents, "trop spécifiques pour être mutualisables". Ce qui imposera aussi des développements pour adapter leurs processus internes comme les chaînes de traitement dédiées au classement de l'information, les processus de contrôle des versements ou les droits d'accès.

Principe : séparer fonctions communes et usages métiers

Ce principe de séparation entre les fonctions métiers qui restent en place dans chaque institution et une infrastructure d'archivage unifiée (Vitam) est créateur de valeur ajoutée, comme le souligne un responsable du projet : "Les administrations ont plus à gagner à développer leurs solutions au-dessus d'une plateforme normalisée, qu'à concevoir des applications spécifiques et indépendantes." D'autant que le socle Vitam sera développé en open source et proposera des interfaces de programmation pour faciliter l'intégration des logiciels métiers et bureautiques notamment utilisés par les ministères (messagerie, ressources humaines, gestion des décisions de l'administration...).

Collectivités : un programme d'adaptation spécifique

Au-delà des trois premiers utilisateurs, ce socle unifié pourra être réutilisé par d'autres ministères, pour leurs archives courantes et intermédiaires, et aussi par les opérateurs publics et les collectivités territoriales. "Dans les deux derniers cas, la réutilisation sera volontaire", ajoute le même responsable. L'ouverture fera l'objet du programme spécifique Adessor, porté par le service interministériel des archives de France (Siaf) qui est déjà en relation directe avec les missions des archives des ministères et les archives départementales. Le Siaf procédera notamment par appels à projets pour amorcer le processus d'élargissement et de déploiement. Mais il ne suffira pas d'installer le socle Vitam sur une plateforme et de tourner la clé pour que tout se mette à fonctionner. Des développements relativement importants seront nécessaires, ce qui induira sans doute de porter localement les projets à une bonne échelle de mutualisation, départementale voire même régionale si la loi le permet.

Big data et recherche ultrarapide

Dans une perspective de rattrapage de l'archivage numérique, le projet devrait logiquement intéresser une sphère publique élargie. D'autant que la composante technologique devient tout aussi déterminante dans les choix à venir. Les prévisions de besoins d'archivage du ministère de la Culture pour les quinze prochaines années se comptent désormais en dizaines de milliards d'objets. Or l'architecture des bases de données relationnelles semble de moins en moins adaptée à une gestion massive d'information et de documents généralement hétéroclites, composés de textes, d'images, de vidéos, d'objets 3D, de bases de messagerie ou de réseaux sociaux... La prise en compte des contraintes actuelles a d'ailleurs justifié le rejet des solutions sur étagère au profit d'un développement spécifique de Vitam afin d'intégrer les dernières avancées dans les domaines du "big data" et des moteurs de recherche ultrarapides désormais requis dans la gestion des archives courantes et intermédiaires.

Des retours sur investissement prévisionnels à 3 ans

Sur le plan économique, Vitam offre également quelques arguments. Il est financé dans le cadre du programme d'investissements d'avenir à hauteur de 15 millions d'euros. Mais ses promoteurs estiment le retour sur investissement à 3,3 ans, dans l'hypothèse basse d'un périmètre limité aux trois ministères, qui passerait à 2,4 ans avec une centaine d'organismes exploitant le socle Vitam. Les premières maquettes avancées sont attendue pour l'été 2016 et la première version de production pour 2017.