Administration électronique - Archivage électronique : l'Intérieur se prononce sur le "cloud" dans un contexte maussade
La transmission électronique des actes dématérialisés au contrôle de légalité ou des pièces comptables dans le cadre d'Hélios ne dispense pas d'une conservation au même titre que les documents papier. Plus généralement, la dématérialisation des échanges entre les collectivités et les administrations, qui accroît la production de documents nativement numériques, impose désormais l'usage de dispositifs de conservation fiables, garantissant l'intégrité, la fiabilité, la pérennité et la traçabilité des données.
Si les obligations existent, leur mise en œuvre reste plus incertaine. "L'archivage électronique sécurisé est encore une source d'incertitude pour les collectivités", constate le sénateur Hervé Maurey dans une question écrite adressée au ministère de l'Intérieur (1). Soulignant le manque de moyens d'expertise des petites communes pour évaluer les solutions disponibles, y compris celles qui sont proposées sur "le cloud", il demande à cette administration de préciser les dispositions qu'elle compte prendre "pour permettre aux collectivités de répondre dans les meilleures conditions à leurs obligations de stockage des documents dématérialisés".
Grilles d'évaluation et cahiers des charges
Dans sa réponse (2), le ministère de l'Intérieur rappelle tout d'abord que des ressources sont proposées en ligne aux collectivités territoriales pour les accompagner dans le choix d'une solution. Le service interministériel des archives de France (Siaf) propose sur son site web une grille d'évaluation des systèmes permettant de vérifier "la conformité des offres disponibles vis-à-vis des normes et standards existants". De son côté, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) diffuse un guide "archivage électronique" d'aide à la rédaction des cahiers des charges pour l'acquisition d'un tel système.
"Stocker" ou "archiver"?
Par ailleurs le ministère donne un éclairage sur l'offre existante. Celle-ci est proposée par des opérateurs, "le plus souvent publics". Elle peut répondre aux besoins des collectivités de petite taille, à condition que ces dernières disposent "d'accès internet avec un débit suffisant". Parmi les initiatives citées, l'accent est mis sur les plateformes communes déjà déployées dans quelques départements (Landes, Aube, Yvelines) et régions (Bretagne, Bourgogne), tout en soulignant leurs limites. Pour assurer un archivage "au sens juridique de système d'archivage à valeur probante", ces structures doivent se soumettre à une procédure d'homologation de "tiers archiveur", délivrée par le Siaf. Or pour l'instant, les opérateurs agréés ne se bousculent pas au portillon : on en dénombre trois sur le secteur public – l'Agence landaise pour l'informatique (Alpi), la bibliothèque nationale de France et le centre informatique de l'enseignement supérieur (Cines)- et huit sur le secteur privé (3).
Faute d'agrément, les organismes archiveurs demeurent de simples stockeurs de données. Ils apportent certes un progrès par rapport au stockage interne, mais pas une garantie complète sur le plan juridique.
Oui au cloud, mais sous conditions
Pour la première fois le ministère se prononce sur le cloud computing. Il offre des solutions "à moindre coût" concède cette administration qui "conseille" toutefois aux collectivités intéressées de faire plutôt appel aux deux "clouds souverains" français, Numergy et Cloudwatt, dont les serveurs sont installés sur le territoire national. On notera au passage que d'autres acteurs, tels que l'opérateur OVH ne sont pas mentionnés alors que, comme leurs concurrents, ils relèvent du droit français et semblent en mesure d'offrir les mêmes garanties sur le sol national. Dans tous les cas, les prestations de ces entreprises restent également limitées. Faute de l'agrément "tiers archiveur", elles ne sont pas plus que les autres en mesure de proposer "un service d'archivage intermédiaire qui garantirait la valeur probante de l'acte ainsi conservé".
Pour terminer, le ministère se veut rassurant en indiquant que la future loi sur le patrimoine, prévue pour 2014, "devrait dissiper les zones d'ombre qui résultent de la transposition implicite au numérique des règles du Code du patrimoine qui régissent l'archivage papier". Espérons que le texte final sera plus adapté au numérique, qu'il donnera une meilleure lisibilité aux acteurs publics sur les procédures d'archivage électronique et que les clarifications stimuleront le marché de l'offre qui ne brille pas pour son dynamisme.
Philippe Parmantier / EVS
(1) Question écrite du N°08479 – Jo du 10-10-2013.
(2) Publiée au JO du 21 aout 2014
(3) Atos Worldline, Bull, CDC Arkhineo, Cines, Imprimerie nationale, Locarchives, Navaho, Novarchive et Orsid (Groupe Docapost).