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Urbanisme - Ville durable : les seize démonstrateurs s'affichent en grand

Où en sont les seize démonstrateurs industriels pour la ville durable (DIVD) ? Ces projets urbains appuyés par l’Etat embarquent des entreprises et des collectivités dans un effort d'innovation et d'exemplarité en termes de développement durable. Un forum les a réunis le 14 juin pour relancer la dynamique. Au lendemain de cette rencontre, les ministères de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires ont annoncé les 7 nouveaux lauréats retenus dans le cadre de la deuxième session de l’appel à projets lancée le 27 janvier dernier.

 

C'est l'histoire de seize projets et d'une démarche collective associant des entreprises et territoires au sein de consortiums publics-privés, qui déploient localement des innovations à divers niveaux de la conception urbaine. Un exemple ? La centrale "virtuelle" permettant de gérer à Marie-Galante, en Guadeloupe, l'ensemble des flux d'énergie de l'île. Un projet porté par la communauté de communes avec une association, dont les chefs de file sont Vinci Construction et la Compagnie nationale du Rhône (CNR, filiale d'Engie). "La démarche des démonstrateurs industriels pour la ville durable est résolument originale et conduit à dialoguer et travailler différemment", a souligné Hélène Peskine, nouvelle secrétaire permanente du Plan urbanisme construction architecture (Puca), lors d'un forum sur le sujet qui s'est tenu le 14 juin aux Magasins généraux, à Pantin (Seine-Saint-Denis). 
Lancée fin 2015 via un appel à projets, la démarche mobilise une équipe interministérielle dédiée. Elle implique des collectivités en tant que partenaires (création d'une structure dédiée), facilitatrices du projet (appels à projets, aides, convention d'occupation domaniale) ou bien encore acheteuses (commande publique). Et débouche, motive Hélène Peskine, "sur la création d'une communauté d'acteurs, de premiers enseignements communs et le lancement prochain d'un dispositif d'évaluation des projets en cours".
"A Rennes, le travail avec les élus et services de la métropole est fluide et le contexte de gouvernance bien établi. La métropole a l'habitude, cela se voit, du travail coopératif public-privé", confie-t-on chez Dassault Systèmes, qui met en place avec elle un "jumeau numérique" de la ville. Le but : que les services de la collectivité s'emparent de l'outil offrant en 3D une vision systémique de l'ensemble des projets d'aménagement, permis de construire déposés, réseaux urbains présents, etc. "Pour ainsi transformer les pratiques professionnelles de gestion de la ville, mieux anticiper l'aménagement urbain et partager les décisions entre élus, services et citoyens", complète Gérard Le Bihan, directeur général du pôle de compétitivité rennais Images et réseaux, associé à ce projet bénéficiant d'un fort portage politique.

Besoin d'exemples

Point commun des projets ? "Ils ont vocation à devenir la vitrine de l’excellence française en matière de ville durable. Or il y a un fort besoin dans ce domaine. Des élus nous demandent régulièrement quels sont les exemples français à même des les inspirer", témoigne Hervé Allègre, délégué général de l’Institut pour la ville durable (IVD). Présidée par le maire de Dunkerque Patrice Vergriete, cette association dotée d'un collège de collectivités se structure et semble décoller. "Les collectivités comprennent l'intérêt de peaufiner une stratégie ville durable. Nice par exemple, mais aussi des villes moyennes. La transition vers une ville durable se joue parfois en douceur. Cette manière douce, ce soft power à la française, sont une spécificité à faire valoir", ajoute-il. "Du côté des entreprises françaises présentes à l’étranger, nous aidons à créer et animer des clubs ville durable - quatre le sont déjà", a glissé Céline Mauerhan, adjointe au chef de bureau à la Direction générale du Trésor. 

Débloquer les verrous

Point fort de la méthode démonstrateurs industriels pour la ville durable : l’Etat accompagne la démarche pour lever les verrous techniques, juridiques et financiers à l'innovation. "Une fois les blocages identifiés, ces groupes verrous permettent d'acter les engagements de l’Etat pour contribuer à les lever", résume Hélène Peskine. Deux groupes de travail réunissent chacun une dizaine de porteurs de projets de démonstrateurs, éclairés par des "experts bienveillants". Celui sur la mutualisation locale de l'énergie et l'autoconsommation d'électricité (voir notre article dans l'édition du 7 juin 2017) a identifié des obstacles plus psychologiques que réglementaires. Celui sur les outils contractuels d'innovation recense de réelles difficultés liées aux règles régissant l'action publique territoriale. En cause, les obligations procédurales qu'elles imposent allongeraient "les délais de réalisation, déferaient les communautés d'intérêt qui ont pu se constituer et dissuaderaient in fine la poursuite de l'effort". 
Autre focus, autres obstacles, ceux qui se dressent sur la route du développement du véhicule autonome. "A Lyon, nous testons des solutions jusqu'en 2019 sur le quartier de La Confluence. Une navette autonome y effectue une trentaine de rotations par jour sur un site piéton. Le but est d'aller plus loin dans le cadre du démonstrateur et d'étudier avec Keolis, membre du consortium, comment ce service peut être développé sur voirie classique", indique Maxime Valentin à la SPL Lyon Confluence, créée par la métropole lyonnaise. A la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), on recense une trentaine d'opérations de ce type en France. Et on annonce que le décret facilitant l'expérimentation de véhicules autonomes sortira à l'automne 2017.

Sept nouveaux démonstrateurs retenus
A l'issue de la deuxième session de l'appel à projets "Démonstrateurs industriels pour la ville durable" lancée le 27 janvier dernier, 7 nouveaux lauréats ont été retenus, ont annoncé les ministères de la Transition écologique et solidaire et de la Cohésion des territoires ce 15 juin.
5 nouveaux démonstrateurs rejoignent les 16 lauréats de la session 2015-2016 :
- SmartMargne porté par Omexom et I2R à Marmagne (Cher) : "Innovation et mise en application de la loi concernant l’autoconsommation collective et le service de flexibilité associées à une politique d’efficacité énergétique qui comprend la rénovation et l’acculturation des usagers, le déploiement de l’électromobilité et l’implication citoyenne", selon le communiqué des ministères.
- CORDEES – Clichy Batignolles porté par Paris Batignolles Aménagement à Paris : "Création d’un facilitateur de quartier pour faire le lien entre trois solutions pour la transition énergétique (nouvel accord de l’énergie, plateforme de gestion des données énergétiques, nouveaux services urbains)". Ce facilitateur fournira des recommandations techniques, assurera la coopération entre les parties prenantes, guidera les usagers dans l’appropriation des différents dispositifs et coordonnera la création et la mise en œuvre de services, précisent les ministères. "Il s’agira du premier réseau intelligent de Paris, avec une gouvernance unique et un modèle précurseur d’écosystème énergétique", soulignent-ils.
- Cycle Terre porté par GPA à Sevran : ce démonstrateur "interroge l’utilisation de la terre comme nouveau matériel de construction de la ville et propose pour ce faire de réutiliser les terres excavées dans le cadre de la création du réseau du Grand Paris Express pour des constructions en terre à Sevran. Les principaux acteurs de la terre et de la construction sont réunis avec pour objectif de constituer une démonstration de la possibilité d’une véritable filière industrielle".
- Capital Santé porté par la SERM SA3M à Montpellier. Il s'agit d'un "projet de plateforme servicielle intelligente 'My Eurêka' intégrant des offres évolutives à l’attention de tous, complété d’une plateforme physique 'pôle autonomie santé' pour l’autonomie et la santé aux 4 âges de la vie". "Ces deux opérations ont pour vocation de constituer la vitrine démonstrative du savoir-faire de Montpellier Capital Santé dans son objectif de démocratiser rapidement et durablement les aides à l’autonomie, soulignent les ministères.
- Maroni Lab porté par l’EPFA Guyane à St Laurent du Maroni : le projet consiste à mettre en place une plateforme d’information et de production de données interdisciplinaires pour créer un espace de réflexion sur Saint Laurent du Maroni et fédérer des initiatives à plusieurs échelles, favoriser l’échange entre les élus, les acteurs locaux, la société civile et les habitants. "A terme, ajoutent les ministères,  il s’agira d’accompagner des projets et de générer des expérimentations urbaines et des processus adaptés à la singularité du territoire, et de mettre au point une fabrique de la ville à travers les projets d’auto-construction".
2 candidatures lauréates de la première session de l’appel à projets élargissent en outre leur périmètre ou leurs thématiques de projets :
Rêve de Scènes Urbaines porté par l’association éponyme emmenée par Vinci à Plaine Commune, Sarcelles et Tours. Il s’agit de faire bénéficier des territoires partenaires du retour d’expérience de la démarche poursuivie sur le territoire de Plaine Commune, et le cas échéant, de développer des projets innovants sur d'autres territoires. La dynamique de ce  démonstrateur pourra être renforcée grâce à l’apport d’entreprises innovantes venant d’autres territoires. Le projet prévoit aussi d’effectuer un transfert méthodologique encadré dans le cadre d’un partenariat inter-cluster.
EMUL - Euroméditerranée Metropolitan Urban Lab de l’EPA Euroméditerranée avec la Métropole Aix Marseille Provence : le démonstrateur prévoit d’"accélérer la structuration d’une démarche d’open-innovation, de démultiplier l’identification de solutions pertinentes pour la ville durable méditerranéenne, avec un potentiel de maturité et de duplicabilité élevé pour répondre aux besoins identifiés dans l’OIN [opération d'intérêt national, ndlr]. Le projet est construit autour de 8 cas d’usages concrets à l’appui de projets territorialisés pour recentrer les enjeux économiques, environnementaux et sociaux." A.L.