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Vers une reconnaissance à l’international des indications géographiques artisanales

Le Parlement européen vient de donner son feu vert à l'adhésion de l'Union européenne à un accord sur la protection des indications géographiques agricoles et artisanales à l'international. Cette adhésion à l' "acte de Genève" doit encore être validée par le Conseil d'ici au printemps.

Un pas de plus vient d’être franchi vers la reconnaissance des indications géographiques protégées (IGP) à l’échelle européenne et mondiale. Le Parlement européen a voté, mercredi 23 janvier, l’adhésion de l’Union européenne à un accord dit "Acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne" sur les appellations d’origine et les indications géographiques. Les députés ont donné leur feu vert à une proposition de la Commission datant du 27 juillet 2018. Démarre à présent une négociation avec le Conseil, pour une adoption définitive attendue au printemps 2019. 

Extension aux produits artisanaux

L’arrangement de Lisbonne est un traité de 1958 administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Il compte 28 pays membres, parmi lesquels sept appartiennent à l’Union européenne, c’est le cas de la France. Sachant qu’au niveau de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les négociations s’enlisent, les pays signataires de l’arrangement de Lisbonne avaient décidé en 2015, à travers "l’Acte de Genève", de réactiver cet outil et d’en étendre la portée aux indications géographiques (notion un peu plus large que celle des appellations d’origine reposant sur un lien plus étroit avec le lieu d’origine). Entre temps, dans un arrêt du 25 octobre 2017, la Cour de justice de l’Union européenne avait donné une "compétence exclusive" à l’Union pour négocier dans ce domaine. L’autre grande nouveauté de l’Acte de Genève est l’extension des IGP aux produits non agricoles : les fabrications artisanale, industrielles et manufacturées. En clair, le linge basque ou la porcelaine de Limoges bénéficieront du même degré de protection que le Roquefort ou le Champagne. Le besoin de défendre les produits manufacturés s’était notamment manifesté en France avec l’affaire des faux couteaux Laguiole. Une chronique qui dépassait la seule vente de couteaux puisque la ville de Laguiole s’était vue un temps dépossédée de l’usage de son propre nom. Pour remédier à ce genre de situations, la loi consommation du 17 mars 2014 était venue étendre les indications géographiques protégées aux produits manufacturés et protéger le nom des collectivités, grâce à un dispositif d’alerte de l'Inpi (Institut national de la propriété intellectuelle). 

Plus de 3.000 productions artisanales concernées

Le but de l'accord de Genève est à présent d’offrir un cadre cohérent à l’échelle internationale et plus protecteur pour les producteurs. Car la protection des IGP est aujourd’hui soumise aux aléas des accords bilatéraux. On a souvent présenté l’accord Ceta avec le Canada comme un succès dans ce domaine, alors que le sujet constituait l’un des points de frictions de la négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis sur le TTIP, avorté depuis. En effet, les Etats-Unis ne reconnaissent que les marques et non les terroirs. Après l'adoption définitive de l'accord de Genève, la Commission devra identifier la liste des IGP qu'elle souhaite protéger. "L’Europe compte plus de 3.000 productions artisanales qui pourraient bénéficier de cette protection internationale. Ratifier cet accord c’est donc assurer une meilleure reconnaissance des savoir-faire de nos territoires, leur permettre d’accéder à de nouveaux marchés, garantir leur protection et leur rayonnement dans le monde", s’est félicitée l’eurodéputée Virginie Rozière (Radicale de gauche), dans un communiqué du 23 janvier. Dans un rapport de 2015, elle avait appelé la Commission à se doter d’une législation sur les IGP non agricoles. Ce qui n’a toujours pas été fait. La signature de l’accord de Genève remplirait donc cette fonction. La députée en profite pour redemander à la Commission de se mettre au niveau sur les IGP artisanales. "Comment laisser les couteaux Laguiole être produits partout dans le monde ? Tant qu’ils ne seront pas protégés, on continuera à tromper les consommateurs qui veulent acheter des couteaux issus d’un savoir-faire reconnu d’Aubrac en Occitanie. On ne peut pas accepter ça", souligne l’élue du Sud-Ouest, également conseillère régionale en Occitanie.