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Sports - Valérie Fourneyron dénonce sévèrement les dérives du CNDS

Lors de son audition par la commission des affaires culturelles élargie de l'Assemble nationale dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, le 29 octobre, la ministre des Sports est largement revenue sur la mauvaise situation financière du Centre national pour le développement du sport. Elle a lourdement mis en cause la "dérive de la tutelle de l'établissement", autrement dit, ses prédécesseurs.

Dans le langage des arts martiaux, on appelle cela un ippon. Le coup parfait qui donne la victoire. Un ippon, David Douillet et Chantal Jouanno, athlètes émérites, connaissent. Mais ils ne s'attendaient certainement pas à être attaqués loin des tatamis. C'est en effet dans l'atmosphère feutrée d'une commission des affaires culturelles élargie de l'Assemblée que leur successeur au ministère des Sports a porté ses attaques. Lors d'une séance consacrée à l'examen des crédits des missions Sport, Jeunesse et Vie associative du projet de loi de finances (PLF) pour 2013 (sur ces crédits, lire notre article du 2 octobre ci-contre), Valérie Fourneyron est largement revenue sur la situation du Centre national pour le développement du sport (CNDS).
Avant ce point d'orgue, la ministre des Sports s'était échauffée sur deux sparring-partners. Le premier avait été le consortium du Stade de France et ses parties prenantes, la Fédération française de football (FFF) et la Fédération française de rugby (FFR). Un récent rendez-vous a remis autour de la table des acteurs qui, pour certains, ne se parlaient plus depuis 2009. "Il faut assurer l'avenir du Stade de France qui est aujourd'hui dans une situation juridique extrêmement fragile", a soutenu la ministre. La FFF mécontente de sa nouvelle convention, signée en 2010, la FFR qui songe sérieusement à construire son propre stade et un contrat dont la constitutionnalité a été remise en cause sont autant d'éléments qui fragilisent l'enceinte dionysienne. A cela, il convient d'ajouter la volonté de l'Etat de ne plus compenser l'absence de club résident. "L'Etat a participé à hauteur de 115 millions d'euros quand tous les exercices du consortium ont été excédentaires. Et nous étions partis sur 16 millions pour 2013", a déploré la ministre, avant de conclure ce chapitre : "J'ai souhaité qu'on se retrouve autour de la table pour que l'Etat ne soit plus la variable d'ajustement. Nous ne nous interdisons rien, cela peut aller jusqu'à la résiliation du contrat, la rupture."
Autre attaque en règle : celle dirigée contre le projet de déménagement du Musée national du sport. Pour Valérie Fourneyron, ce musée qui recense "une des plus importantes collections au monde, et pas seulement sur le sport français", est dans une impasse. D'un côté, l'établissement actuel voit passer "à peu près 50 personnes par jour alors que les trois quarts des collections sont dans des hangars", et 22 salariés travaillent dans un bâtiment de l'avenue de France, à Paris, qui n'appartient pas au ministère et où l'Etat a investi 5 millions d'euros. D'un autre côté, le déménagement dans le futur stade de Nice nécessite 8,4 millions d'euros, "or il n'y a pas un euro de crédit pour cet investissement", précise la ministre, qui ajoute : "L'Etat a déjà participé à hauteur de 20 millions au PPP du stade de Nice qui voudrait que l'investissement, les frais de personnel et les frais de fonctionnement soient en totalité payés par l'Etat sans aucune participation d'une collectivité locale. C'est un montage dont beaucoup rêvent, mais pour l'instant il n'est absolument pas faisable." La solution de Valérie Fourneyron ? Que la mairie de Nice investisse, charge au ministère de lui reverser un loyer.

A ce rythme, le CNDS "n'existerait plus"

L'attaque la plus franche a donc porté sur le CNDS, dont la mauvaise situation actuelle (lire notre article du 3 octobre ci-contre) résulte, selon Valérie Fourneyron, "d'une dérive de la tutelle de l'établissement". Une tutelle qui aurait imposé "une accumulation de dépenses non soutenables sur le moyen terme [et] fait dériver l'établissement vers le sport professionnel". Si rien n'est fait en 2012, la dette résiduelle au 31 décembre 2012 pourrait s'élever à 487 millions d'euros. Et Valérie Fourneyron d'enfoncer le clou : "A ce rythme, le fonds de roulement de l'établissement serait négatif de 175 millions d'euros en 2016. Autant dire que l'établissement n'existerait plus."
Une dérive que la ministre illustre de quelques exemples : l'Euro 2016, pour lequel il faudra trouver 40 millions d'euros dans la trésorerie du CNDS sur les 160 millions de subventions prévues. Dans son réquisitoire, Valérie Fourneyron n'a pas hésité à rappeler des déclarations de ses prédécesseurs : "On disait 'je veillerai à ce que le prélèvement sur le fonds de roulement de l'Euro [sic] ne porte pas atteinte aux prérogatives du CNDS dans le développement du sport pour tous.' Malheureusement, on n'y a pas veillé." Avec les arénas, ce sont près de 20 millions d'euros d'engagements qui ont été pris sans financements, et une enveloppe de 50 millions d'euros sur cinq ans "qui n'a jamais existé". Sur les grands événements, on n'est passé de "0 euro en 2008 à 24 millions d'euros engagés en 2012".

"On n'a pas tenu compte des déséquilibres pour prioriser nos investissements"

Après le diagnostic, les remèdes. Valérie Fourneyron proposera un plan de redressement au prochain conseil d'administration du CNDS, le 13 novembre. "Redressement des comptes d'abord, a-t-elle expliqué, avec un plan d'économies incontournable, qui consistera d'abord à réduire les engagements pluriannuels qui créent de la dette, dont 23 millions étaient initialement prévus pour les équipements en 2012 [et seront reportés sur l'exercice 2013]." Par ailleurs, les dépenses liées aux grands événements, aux arénas (qui ne feront plus l'objet de financements bonifiés) ou aux actions internationales seront fortement réduites. "L'objectif est d'inverser la courbe, de retrouver à moyen terme une situation financière saine qui permette d'assurer la pérennité des missions de l'établissement mais aussi de répondre aux engagements qui ont déjà été pris", a déclaré la ministre. Et pour mieux se concentrer sur ses missions et se recentrer sur le sport pour tous, le CNDS ne s'occupera plus d'actions internationales. "C'est au mouvement sportif d'en déterminer la stratégie et c'est ce qu'il souhaite." Enfin, le budget du CNDS préservera les fonds dédiés à l'emploi et les orientera vers la correction des inégalités de pratique et l'accompagnement des emplois d'avenir. Il développera sa stratégie en faveur de la santé par le sport avec les actions cofinancées avec les agences régionales de santé (ARS) et simplifiera ses procédures "en supprimant une bonne part de la comitologie [sic] installée ces dernières années, qui n'a pas, et c'est le moins que l'on puisse dire, fait preuve de son efficacité", a encore affirmé Valérie Fourneyron.
Dernier angle d'attaque de la ministre des Sports sur les dérives du CNDS : l'équilibre des territoires. "Quand on compare le recensement des équipements sportifs aux décisions [de subventions] prises dans le cadre du CNDS, à l'évidence, on n'a pas tenu compte des déséquilibres qui pouvaient exister sur les territoires pour prioriser nos investissements." Sur ce thème, Valérie Fourneyron a dévoilé sa vision : "Le bon niveau de réflexion pour l'investissement est le territoire régional." Mais, aussitôt, elle a tenu à préciser : "Je ne dis pas de mettre la région comme un chef de file, mais il y a un périmètre qui semble assez cohérent au niveau des régions pour pouvoir avoir un schéma régional du sport."
Enfin, sur le refus d'augmenter le taux de prélèvement sur les paris de la Française des jeux, qui financent le CNDS, lors du récent vote du volet recettes du PLF (lire notre article du 24 octobre ci-contre), la ministre a botté en touche : "Des recettes supplémentaires pour le CNDS dans l'avenir, on ne s'en plaindra pas, mais ce n'est pas à la hauteur de la situation de l'établissement." Un vaste chantier est donc ouvert alors qu'un nouveau directeur général du CNDS est attendu pour la fin de l'année.