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Petite enfance - Vaccinations obligatoires : ce qui va changer pour les Eaje et les maternelles

Quelques jours après la publication de la loi 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui instaure huit nouvelles vaccinations obligatoires pour les jeunes enfants (voir notre article ci-dessous du 4 janvier 2018), Agnès Buzyn publie un communiqué et un dossier de presse pour expliquer les modalités de cette action de prévention et répondre aux critiques contre cette mesure. L'enjeu est d'autant plus important que l'Ifop vient de publier le 8 janvier, pour le compte de la fondation Jean-Jaurès et de Conspiracy Watch (l'observatoire du complotisme), la première étude d'envergure sur le complotisme. Or les résultats montrent que 55% des Français se disent d'accord avec l'affirmation "Le ministère de la Santé est de mèche avec l'industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins". Ceci place la question des vaccins - il est vrai d'actualité - en tête de toutes les théories du complot, devant l'assassinat de Kennedy, le 11 Septembre, l'origine du sida, les chemtrails, l'homme sur la Lune ou les attentats de Charlie...

Onze vaccins obligatoires pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2018

Le communiqué de la ministre de la Santé et le dossier qui l'accompagne s'efforcent donc, après avoir rappelé le rôle essentiel des vaccins dans la protection de la santé, de rétablir les faits. En pratique, et depuis le 1er janvier 2018, huit nouveaux vaccins - jusqu'alors recommandés - sont obligatoires pour les enfants de moins de deux ans. Il s'agit des vaccins contre la coqueluche, la rougeole, les oreillons, la rubéole, l'hépatite B, le méningocoque C, le pneumocoque et l'Haemophilus influenzae b. Ils s'ajoutent aux trois vaccins, déjà obligatoires, contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DT-polio ou DTP).
Au total, ces onze vaccins obligatoires représentent dix injections (compte tenu des injections multiples et des injections de rappel), réalisées a priori en six rendez-vous médicaux entre la naissance et les 18 mois de l'enfant. Tous ces actes sont intégralement pris en charge par l'assurance maladie.
L'extension à onze vaccins s'applique aux enfants nés à partir du 1er janvier 2018. Le calendrier vaccinal 2018 - qui nécessite diverses consultations préalable (notamment l'avis de la Haute Autorité de santé) - et le décret sur l'entrée en collectivité "seront prochainement publiés". Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2018, seul le DT-polio est obligatoire. Comme auparavant, les autres vaccinations restent toutefois recommandées (sauf, passé deux ans, le vaccin contre le pneumocoque, qui n'est plus nécessaire sauf situation spécifique).

La condition de vaccination vérifiée à partir du 1er juin 2018

Le respect de l'obligation vaccinale, donc la réalisation des onze vaccins, conditionnera l'entrée des jeunes enfants en collectivités : crèches, haltes-garderies, assistantes maternelles, écoles, colonies de vacances... Cette obligation de vaccination pour l'entrée en collectivités n'est pas nouvelle. Simplement, elle s'appliquait jusqu'alors aux trois vaccins du DT-polio, les seuls obligatoires.
Pour laisser aux parents concernés le temps de se mettre en règle, la condition de respect des onze vaccins obligatoires sera vérifiée seulement à partir du 1er juin 2018. Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2018, seul le DT-polio continuera d'être vérifié pour l'admission en collectivité. En pratique, les parents seront invités, lors de l'inscription, à communiquer les pages vaccinations du carnet de santé de l'enfant ou tout document d'un professionnel de santé attestant la réalisation des vaccins ou, le cas échéant, le certificat de contre-indication lorsque l'enfant ne peut pas être vacciné pour un motif médical.
S'il apparaît que l'enfant n'est pas à jour de ses vaccinations, seule une admission provisoire sera possible. Les parents auront alors trois mois pour procéder aux vaccinations manquantes. En cas de refus persistant, "le responsable de la structure sera fondé à exclure l'enfant".

Un effort d'information considérable

La mise en place de cette réforme s'accompagne d'un important effort d'information, qui va s'amplifier dans les prochaines semaines. De nombreux outils sont d'ores et déjà présentés dans le dossier de presse (voir lien ci-dessous).
Du côté des parents, le ministère de la Santé propose notamment cinq infographies et quatre vidéos d'experts pour expliquer les principes de la vaccination. Un site dédié - "vaccination info service" - est aussi mis en ligne (avec une version pour les professionnels prévue pour le printemps 2018). Une série de manifestation est par ailleurs prévue pour la Semaine européenne de la vaccination, à la fin du mois d'avril 2018, et des documents seront mis à disposition sur internet et dans les cabinets médicaux.
Du côté des professionnels de santé - outre la version adaptée du site évoqué ci-dessus -, Santé publique France met déjà à disposition, sur son site internet, une série de documents pédagogiques et techniques.
Enfin, pour les professionnels de la petite enfance, le ministère de la Santé va éditer un "document d'aide au contrôle", destiné aux personnes en charge de la vérification des vaccinations dans les structures d'accueil des enfants. Ces professionnels seront également destinataires de documents pédagogiques sur la vaccination, afin de pouvoir répondre aux questions des parents. Des documents d'information seront aussi édités à destination des personnels des mairies procédant aux inscriptions des enfants.

Sanction pénale pour refus de vaccination : supprimée... mais toujours possible

Agnès Buzyn a profité également de cette occasion pour rétablir un certain nombre de vérités. Outre les explications sur la dégradation de la couverture vaccinale de la France et sur l'importance des vaccins, la ministre de la Santé rappelle que "plus de 70% des enfants sont déjà vaccinés contre les onze maladies", dans la mesure où la grande majorité des parents faisait déjà pratiquer les vaccins recommandés.
Elle rappelle aussi que "si chaque Etat membre de l'Union européenne est souverain pour élaborer sa politique vaccinale, les vaccins contre les onze maladies, dont les huit rendus obligatoires en France par la réforme, correspondent à des vaccins qui sont largement utilisés en Europe, qu'ils soient obligatoires ou recommandés".
Seule - petite - surprise : alors que la ministre de la Santé avait laissé entendre que le refus de vaccination ne ferait plus l'objet de sanctions pénales (à ne pas confondre avec le refus d'inscrire l'enfant en collectivité), une question-réponse du dossier de presse indique certes que "la sanction pénale spécifique au refus de vaccination est supprimée". Mais la réponse ajoute aussitôt : "Parce que ne pas faire vacciner son enfant le met en danger et peut mettre en danger les autres, le fait de compromettre la santé de son enfant, ou celui d'avoir contaminé d'autres enfants par des maladies qui auraient pu être évitées par la vaccination, pourront toujours faire l'objet de poursuites pénales".