Ursula von der Leyen appelle à l’élargissement et l’approfondissement de l’Union européenne

Dans son dernier discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission européenne s’est prononcée pour un approfondissement de la construction européenne et son élargissement, à 30 voire plus. Conséquence de la guerre en Ukraine, l’accent a singulièrement été mis sur le nécessaire renforcement de la sécurité de l’Union, que ce soit dans le domaine de l’industrie ou de l’agriculture, qui revient sur le devant de la scène. Un impératif d’autant plus impérieux que "de forts vents contraires" soufflent sur le plan économique : pénurie de main d’œuvre, inflation et complexité administrative sont singulièrement pointées, cette dernière faisant l’objet d’objectifs plus qu’ambitieux, qui seraient déclinés au niveau national.

"Il est temps pour l’Europe de voir grand […]. Le moment est venu pour l’Europe de répondre à l'appel de l'histoire." Concluant son discours sur l’état de l’Union prononcé ce 13 septembre par quelques envolées faciles, la présidente de la Commission européenne s’est, comme l’an passé (v. notre article du 14 septembre 2022), singulièrement prononcée pour un élargissement de l’Union européenne. 

Construction européenne : plaidoyer pour le "en même temps"

"Dans un monde où la taille et le poids sont importants, il est clairement dans l’intérêt […] de l’Union européenne de compléter notre Union", estime-t-elle, après avoir déclaré que "l’avenir de l’Ukraine, des Balkans occidentaux et de la Moldavie se trouve dans notre Union". Ursula von der Leyen entend toutefois nullement renoncer à l’approfondissement de la construction européenne : "Nous devons faire les deux", insiste-t-elle, invitant à "dépasser ces débats stériles". Et d’arguer qu’"à chaque élargissement, nous avons donné tort à ceux qui déclaraient que nous serions moins efficaces", en soulignant que l’Union s’était récemment accordée à 27 sur NextGenerationEU, sur l’achat de vaccins, sur les sanctions contre la Russie "en un temps record" ou encore sur l’achat de gaz naturel "avec l’Ukraine, la Moldavie et la Serbie". Consciente que chaque politique européenne serait impactée par ce mouvement, la présidente indique que les services de la Commission sont déjà à l’œuvre pour voir comment s’y adapter. 

Retour en grâce de la PAC

On songe en particulier à la politique agricole commune (PAC), dont les équilibres seraient sérieusement bouleversés avec l’entrée de l’Ukraine. Signe des temps, alors qu’Ursula von der Leyen avait ignoré cette politique historique lors de son premier discours (v. notre article du 17 septembre 2020), elle a cette fois tenu à "rendre hommage aux agriculteurs", les assurant de son "respect" et les remerciant de "garantir une alimentaire saine dans l’Union, fondement de notre PAC, et de garantir l’indépendance de notre approvisionnement alimentaire". Estimant que l’agriculture avait "besoin de plus dialogue et de moins de polarisation", la présidente a annoncé l’engagement d’un "dialogue stratégique" en la matière, en faisant part de sa conviction que "l’agriculture et la protection de la nature peuvent aller de pair. Nous avons besoin des deux".

Plaidoyer pour une industrie verte… et en Europe

Auparavant, Ursula von der Leyen n’avait pas manqué de mettre en avant son "pacte vert", "une réponse à l’appel de l’histoire" – décidément très pressante – qui vise à la fois "à protéger la planète" et à "préserver notre prospérité future". C’est surtout la deuxième dimension qu’elle a développée. Convaincue que "l’avenir de notre industrie, des technologies propres doit se construire en Europe", la présidente a notamment annoncé "à partir de ce mois" l’organisation de "dialogues sur les transitions propres avec l’industrie pour aider chaque secteur à élaborer son modèle économique en vue de sa décarbonation […] et pour garantir sa compétitivité". S’y ajoutera singulièrement un paquet législatif sur l’énergie éolienne, "confrontée à une série de défis uniques". Elle n’est pas la seule. Ursula von der Leyen a mis en avant le fait que le marché des voitures électriques était "inondé de voitures chinoises dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives". Pour éviter que le secteur ne subisse le même sort que l’industrie solaire, victime "de pratiques déloyales de la Chine", une "commission d’enquête anti-subventions" sera lancée en la matière. "La concurrence mondiale est bonne pour les affaires, mais elle ne vaut que si elle est équitable", assure la présidente, en plaidant singulièrement, à deux reprises, pour "une réduction des risques, mais pas un découplage d’avec la Chine". Pour l’heure, la réduction des risques semble néanmoins prédominer. Le "club des matières premières critiques" devrait par exemple se réunir pour la première fois prochainement.

Par ailleurs, un rapport sur l’avenir de la compétitivité de l’Union a été confié à Mario Draghi, éphémère président du conseil des ministres d’Italie et ancien président de la BCE.

Parer la menace de l’intelligence artificielle

Côté risques, Ursula von der Leyen a particulièrement insisté sur "les menaces très réelles" que crée l’intelligence artificielle (IA), rapportant l’avertissement d’experts selon lesquels "réduire le risque d’extinction par l’IA devrait être une priorité mondiale, au même titre que les pandémies ou le nucléaire". Se félicitant que l’UE soit "le pionnier mondial des droits des citoyens dans le monde numérique", elle appelle à "faire de même pour l’IA", en instaurant un "nouveau cadre mondial reposant sur trois piliers" : l’instauration de "garde-fous" (évoquant ici la législation de l’UE en la matière, "la première mondiale", "un modèle pour le monde entier") ; une gouvernance, plaidant en l’espèce pour un "Giec de l’IA", et une "orientation de l’innovation de manière responsable".

Forts vents contraires sur le plan économique

Cette réduction des risques semble d’autant plus nécessaire que de "forts vents contraires" soufflent selon elle sur l’économie. Ursula von der Leyen en dénombre au moins trois. 

• D’abord, la pénurie de main d’œuvre et des compétences, "principal goulet d’étranglement de notre compétitivité", qui frappe tous les secteurs, des restaurants contraints à réduire les horaires de service au plus fort de la saison touristique aux hôpitaux qui reportent les traitements. Si "74% des PME" sont confrontées à cette pénurie et que "2/3 des entreprises cherchent des spécialistes en informatique", elle relève dans le même temps que "8 millions de jeunes sont sans emploi et sans formation" (les fameux "Neet"). Comme remède, la présidente de la Commission évoque la consensuelle "amélioration de l’accès au marché du travail", singulièrement pour les jeunes et les femmes, ou le plus conflictuel "besoin d’une immigration de main d’œuvre qualifiée", qu’elle avait déjà promue l’an passé. Elle entend également revivifier le "dialogue social européen". À cette fin, près de 40 ans après celui organisé en 1985 par Jacques Delors, sera organisé l’an prochain un "nouveau sommet de Val Duchesse avec les partenaires sociaux" (un tel événement avait également eu lieu il y a dix ans).

• Ensuite, la persistance d’une inflation forte. "Le retour à l’objectif à moyen terme de la BCE prendra du temps" – soit un taux de 2% –, prévient-elle. Ursula von der Leyen s’est néanmoins félicitée du fait que "l’Europe a commencé à faire baisser les prix de l’énergie", mettant en avant le passage du prix du gaz de 300 euros le MWh l’an passé à 35 euros aujourd’hui. Une "réussite" qu’elle entend "dupliquer" avec "les matières critiques ou l’hydrogène propre". La réforme du marché de l’électricité n’a, elle, pas été évoquée.

• Enfin, la complexité administrative, à cause de laquelle "les PME ratent des occasions de se développer". D’ici la fin de l’année, un représentant de l’UE aux PME sera nommé et placé sous l’autorité directe de la présidente de la Commission. En outre, "pour chaque nouveau texte, un contrôle de compétitivité sera confié à un comité indépendant". Ursula von der Leyen a également promis le mois prochain "des premières propositions pour réduire de 25% les obligations de déclaration pour les entreprises au niveau européen". Plus encore, elle a indiqué qu’un "travail" – à n’en point douter herculéen – va être conduit "avec les États membres pour que cet objectif soit également atteint au niveau national".

Migration : "finir le travail"

Comme lors de son premier discours, Ursula von der Leyen insiste également sur l’épineux dossier de la migration. Plaidant pour que la Bulgarie et la Roumanie rejoignent l’espace Schengen, elle invite les États membres à trouver un accord – qui "n’a jamais été aussi proche" – sur le nouveau pacte sur la migration et l’asile, qui offre selon elle "un nouvel équilibre entre protection des frontières et protection des personnes" (sic), "entre sécurité et humanité". "Finissons le travail", exhorte-t-elle. Vantant par ailleurs le récent partenariat conclu avec la Tunisie, elle indique vouloir "travailler à des accords similaires avec d’autres pays". En outre, déterminée à lutter contre les passeurs et "mettre un terme à ce commerce criminel odieux", elle fait part de sa volonté de "moderniser notre législation, qui date de plus de 20 ans", appelant à une "application plus stricte de la loi" et à un "rôle plus important d’Europol, d’Eurojust et de Frontex". Une conférence internationale sur la lutte contre la traite des êtres humains sera également organisée. Évoquant singulièrement le Sahel, "terreau fertile pour le terrorisme", elle invite les États membres "à faire preuve de la même unité d’intention à l’égard de l’Afrique que celle exprimée à l’égard de l’Ukraine", en "se concentrant sur la coopération avec les gouvernements légitimes". Plus largement, elle déclare travailler "à l’élaboration d’une nouvelle approche stratégique avec l’Afrique", sans en dévoiler davantage.

 

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