Une proposition de loi remet sur le tapis l'exonération des droits Sacem pour les petites communes
Serpent de mer des relations entre la Sacem et les collectivités, la question des droits d'auteur est remise au goût du jour par une proposition de loi. Cette fois, c'est une exonération pour les communes de moins de deux mille habitants qui est demandée au nom du lien social dans les territoires ruraux.
Une exonération totale de redevance des droits d'auteur pour deux évènements gratuits par an en faveur des communes de moins de deux mille habitants, telle est la mesure contenue dans l'article unique d'une proposition parlementaire de loi (PPL) déposée récemment par le député des Vosges Stéphane Viry (LR). Les droits d'auteur sont les droits payés à la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) à l'occasion de la diffusion d'œuvres musicales dans le cadre de fêtes organisées par une municipalité, à l'exception de la Fête de la musique ou de rares manifestations, tel le Téléthon, pour lesquelles aucun droit n'est perçu.
Pour son promoteur, cette PPL vise à résoudre une équation où l'on cherche à faire cohabiter l'animation d'un territoire souvent rural et la préservation des finances publiques pour des collectivités peu fortunées. En effet, d'un côté, explique Stéphane Viry dans l'exposé des motifs, "dans de nombreuses petites communes françaises, des manifestations gratuites sont organisées par les élus municipaux dans le but d’animer la vie des villages", manifestations qui font de la commune "le foyer de liens sociaux". De l'autre, les droits musicaux à acquitter "représentent une part importante du budget dévolu à l’organisation d’une manifestation et constituent parfois un frein pour les communes", pointe le député.
Actuellement, un maire doit demander une autorisation à la Sacem pour diffuser un répertoire de musique et les droits à acquitter sont proportionnels aux recettes de l’évènement, lesquelles incluent les entrées, la restauration, la vente de programmes, etc. Dans le cas d'un évènement gratuit pour le public, la Sacem réclame un pourcentage des frais d'organisation engagés.
Au-delà de l'accord AMF/Sacem
Avec le temps, toutefois, plusieurs aménagements en faveur des collectivités, et notamment des plus petites, ont été obtenus. Aux termes de la loi du 3 juillet 1992, qui elle-même reprenait des dispositions datant de 1956, les communes et les sociétés d'éducation populaire agréées bénéficient d'une réduction de la redevance dans le cadre de l'organisation de leurs fêtes locales et publiques.
En 2011, un accord entre l'Association des maires de France (AMF) et la Sacem a permis aux communes de moins de deux mille habitants, moyennant le paiement d'un forfait annuel, de bénéficier d'une autorisation simplifiée pour les manifestations qu'elles accompagnent en musique à raison de deux ou trois évènements par an.
En 2018, cet accord a été renouvelé. Il prévoyait de surcroît de nouveaux forfaits et des procédures de nouveau simplifiées. Il a notamment ouvert la possibilité pour les communes et intercommunalités de prendre en charge l’ensemble des diffusions de musique dans les établissements scolaires ou parascolaires, et a créé pour les communes de moins de cinq mille habitants des forfaits illimités couvrant tant les évènements que la diffusion quotidienne de musique (équipements municipaux, attentes téléphoniques, etc.).
Les pouvoirs publics "pas compétents" ?
La PPL de Stéphane Viry s'inscrit dans la continuité de l'accord AMF/Sacem de 2011 tout en proposant d'étendre sa portée : son texte vise toujours les communes de moins de deux mille habitants, qui représentent 84,5% des communes françaises, il limite toujours l'exception prévue à deux évènements gratuits par an, mais il va plus loin en proposant de passer du paiement d'un forfait à une exonération.
Quel sera l'accueil réservé à ce texte ? En 2018, dans une réponse à une question du député de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier portant sur la redevance due par les associations, la ministre de la Culture avait rappelé les assouplissements consentis par la Sacem tout en précisant qu'elle était attentive à ce que "les organismes de gestion collective des droits d'auteur et des droits voisins prennent en compte les préoccupations exprimées par les associations, notamment en ce qui concerne la simplification des modalités d'accès aux œuvres et la modération des rémunérations demandées". On peut imaginer que cette position vaut également pour les petites communes.
Mais la ministre avait surtout souligné la totale indépendance de la Sacem en ce qui concerne la redevance : "Les pouvoirs publics ne sont pas non plus compétents pour intervenir dans la fixation de la rémunération des titulaires de droits, qui ne constitue en aucun cas une redevance de nature fiscale ou une ressource publique." Le soutien à la PPL, qui a été renvoyée à la commission des Affaires culturelles et de l'Education de l'Assemblée nationale, ne viendra donc pas du gouvernement.