Archives

Aménagement numérique - Une proposition de loi pour coordonner l'arrivée du très haut débit sur le territoire

Annoncée depuis plusieurs semaines, une proposition de loi "tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit" a été déposée au Sénat par Patrick Chaize le 10 novembre dernier. Le texte entend tout à la fois  conforter le rôle des collectivités, instaurer un plus grand pouvoir de contrainte face aux opérateurs et assouplir les procédures et la fiscalité pour stimuler encore plus l'investissement. Le texte s'immisce dans un contexte favorable, en portant plusieurs préoccupations du gouvernement sur le front de l'aménagement numérique.

Rapidement après la sortie de SFR qui, pendant l'été, avait annoncé son intention de déployer la fibre optique seul sur l'ensemble du territoire, le sénateur Patrick Chaize, président de l'Avicca, avait affiché son intention de sécuriser les investissements réalisés dans le cadre des réseaux d'initiative publique, et ce par des moyens législatifs. Le constat était simple : rien n'empêche vraiment, à l'heure actuelle, des déploiements de fibre optique concurrents des RIP, alors même que ces derniers remplissent une mission de service public et sont subventionnés pour cause de carence constatée de l'initiative privée. Une situation paradoxale donc, qui pourrait entraîner une concurrence délétère des réseaux en zone peu dense et un gaspillage d'argent public.
Déposée au Sénat le 10 novembre dernier, la proposition de loi de Patrick Chaize permet de poser quelques jalons. Pour permettre de mieux asseoir l'autorité des collectivités et opérateurs qui déploient les réseaux de fibre optique de référence sur un territoire, le sénateur Chaize propose que le ministre chargé des communications électroniques fixe la liste des autorités organisatrices du service public de transport de communications électroniques (article 2). Les déploiements de nouveaux réseaux se devront également de prendre en compte les lignes déjà en service ou en projet (article 1) pour écarter les risques de redondance. L'article 6 ouvre la possibilité de refuser la délivrance d'une permission de voirie à un opérateur, si ce dernier venait à empêcher le déploiement d'un autre réseau déjà en projet. Enfin, l'article 7 insiste sur la notion de "service public local de transport des communications électroniques" en l'inscrivant au titre du chapitre V du code général des collectivités territoriales. Le fil rouge de ces dispositions : permettre à l'État, au régulateur et aux collectivités de mieux contrôler les dynamiques de déploiement sur le territoire.

Un véhicule législatif pour les ambitions du gouvernement

La proposition de loi va cependant plus loin, et rejoint plusieurs des intentions du gouvernement en matière d'aménagement du territoire. Et pour cause : la veille du dépôt du texte, Patrick Chaize était à l'Élysée pour coordonner sa position avec les conseillers du président Macron. En fixant la liste des autorités organisatrices du service public de transport de communications électroniques, l'objectif est en effet également de répertorier l'ensemble des projets de déploiement sur lesquels les opérateurs se sont engagés. Et ainsi, de permettre à l'Arcep (article 5) de prononcer des sanctions pécuniaires en cas de non-respect de ces engagements. Cette disposition, qui s'applique surtout à la zone peu dense d'initiative privée (ou Amii), vise à imposer plus de visibilité sur les déploiements de fibre optique. C'est une volonté forte de la part du gouvernement, qui rencontre un écho certain dans les territoires. Enfin, Patrick Chaize sait alterner le maniement de la carotte et du bâton ; la proposition de loi mentionne également un plafonnement du montant total acquitté par un opérateur au titre de l'Ifer(article 9) pour encourager à densifier les réseaux d'antennes mobiles. Dans le registre de la simplification, l'article 10 vise à un assouplissement des procédures de travaux et d'aménagements quand un opérateur souhaite par exemple remettre à niveau son infrastructure de télécommunications. Un encouragement clair à accélérer le déploiement de la 4G en zone rurale.

Orange et TDF bienveillants

Outre le soutien du gouvernement, le projet de loi bénéficie de la bienveillance de ceux qui voyaient d'un mauvais œil la rebiffade de SFR contre le plan France THD. TDF, nouveau venu sur le marché des RIP, s'est prononcé en faveur du texte. Du côté d'Orange, on dit "comprendre" les aspirations de Patrick Chaize à plus de clarifications. L'opérateur historique a signé, le 9 novembre dernier, la gestion du RIP de la Mayenne en se présentant sous un nouveau jour auprès des collectivités. Là où l'on soupçonnait l'opérateur de privilégier la montée en débit, la Mayenne sera fibrée à 100% dès 2021. Là où l'on se demandait si la concurrence dans la commercialisation des RIP était la priorité d'Orange, l'opérateur s'est affiché aux côtés de Free, qui promet la disponibilité de ses offres en Mayenne dès l'ouverture du RIP. Enfin, 80% de l'investissement du RIP de la Mayenne est porté par le secteur privé. Dans l'affrontement entre SFR et Orange, les réseaux d'initiative publique ont donc leur carte à jouer.