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Aménagement numérique - L'Arcep veut plus de fiabilité dans le déploiement de la fibre optique

En réponse à une demande du Sénat datant de cet été, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a rendu public un avis détaillé portant sur les objectifs et les modalités de couverture du territoire en très haut débit. Ce texte, qui fait suite aux intentions de SFR de doubler Orange et les réseaux d'initiative publique sur leurs propres terrains, rappelle que le déploiement de réseaux concurrents serait "extrêmement préjudiciable" dans les zones moins denses. Pour autant, le régulateur appelle à plus de pluralité dans les déploiements, que ce soit par un repartage de la zone d'initiative privée ou par une association plus étroite des opérateurs commerciaux aux déploiements de fibre optique des zones d'initiative publique.

Durant l'été, le Sénat, par l'intermédiaire de son président Gérard Larcher et du président de l'Avicca Patrick Chaize, avait saisi l'Arcep pour que le régulateur fasse ses observations sur les remous en cours dans les politiques d'aménagement numérique. En cause, la volonté du gouvernement d'ajouter un nouvel objectif intermédiaire au plan France THD, visant un "bon haut débit" pour tous en 2020, et les velléités de SFR de bouleverser le marché de la fibre optique en déployant sur fonds propres, partout, y compris dans la zone RIP. À propos des nouveaux objectifs du gouvernement, l'Arcep souligne que l'ambition du "bon haut débit" ne doit pas "dévier de l'objectif final" du THD, et que cela ne "diffère pas l'arrivée des infrastructures pérennes" ; en somme, le régulateur souhaite éviter que la 4G ou le satellite se substitue durablement au déploiement de la fibre optique, autrement plus performante.

Repartager la zone d'initiative privée

C'est sur les modalités de déploiement de la fibre optique que l'avis de l'Arcep se fait le plus novateur. Entendant l'intention d'investir de SFR, le régulateur plaide plus explicitement que jamais pour "un repartage rapide et pragmatique de la zone d'initiative privée", pour laisser plus de place à SFR mais aussi à Bouygues Télécom, qui a exprimé son intérêt pour déployer plus de fibre optique. En effet, le rythme actuel de déploiement en zone AMII ne satisfait par l'Arcep ; pour atteindre les objectifs du plan France THD, Orange, pourtant l'opérateur le plus actif à ce jour, devrait augmenter ses cadences de déploiement de 60%. L'Arcep souhaite aussi lutter contre les pratiques de préemption de zones, par lesquelles les opérateurs amorcent un déploiement sans le finir, dans le seul but d'empêcher l'accès d'un territoire à un concurrent. Le régulateur prépare de nouvelles dispositions pour préciser l'obligation de complétude de déploiement, et ses délais.

Mieux inclure les opérateurs commerciaux dans les RIP

Du côté des réseaux d'initiative publique, l'Arcep semble avoir entendu les protestations de SFR, qui reflètent l'incompréhension entre opérateurs grand public et collectivités. "Les réseaux d’initiative publique doivent réfléchir aux conditions permettant de conférer aux opérateurs commerciaux des droits plus proches d’une forme de copropriété", précise le régulateur. Les RIP pourraient alors bénéficier de cofinancements et accélérer leur commercialisation auprès des grands opérateurs. En effet, pour l'heure, c'est surtout Bouygues Télécom qui accélère sa présence sur les RIP : l'opérateur a signé un accord avec Covage en septembre, puis avec TDF mi-octobre, alors que ce dernier inaugurait son premier nœud de raccordement optique dans le Val d'Oise. Orange et SFR, quant à eux, restent quasi-absents sur les RIP qu'ils n'exploitent pas. Malgré les propositions de l'Arcep, la partie n'est pas gagnée : auparavant, des négociations pour des co-investissements sur les RIP avaient déjà eu lieu, sans succès.

Un statut de "réseau d'aménagement numérique"

Pour répondre aux ambitions des opérateurs d'en faire plus, l'Arcep propose d'introduire le statut de "réseau d'aménagement numérique". Distinct d'un réseau d'initiative publique, le dispositif viendrait faciliter les démarches de déploiement d'un opérateur qui s'engagerait, en zone AMII ou en zone RIP, à "réaliser un réseau FttH complet, dans un calendrier précis et sur une zone cohérente suffisamment importante". Le statut permettrait aussi de combattre plus efficacement les velléités d'autres opérateurs d'effectuer des déploiements redondants. La Commission européenne travaille aussi en ce sens, en prévoyant que les intentions d'investissement soient beaucoup plus engageantes qu'auparavant. Dans ce cadre précis, l'Arcep verrait d'un bon œil l'intervention de SFR, en accord avec les collectivités, si ces dernières voulaient s'épargner les subventions nécessaires à la mise en place d'un RIP. Mais il faudra passer par des dispositions législatives, pour que ce statut devienne réalité. Une proposition qui tombe à point nommé, alors que le sénateur Patrick Chaize (Ain, LR) réfléchit à une proposition de loi pour sécuriser les investissements des RIP.