Logement social - Une proposition de loi communiste entend prendre l'argent du "Pinel" pour construire du logement social pour tous
La proposition de loi "favorisant l'accès au logement social pour le plus grand nombre", portée par Michel Le Scouarnec et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen (CRC) au Sénat, doit être discutée ce jeudi 4 février en séance publique. La commission des finances n'ayant pas adopté le texte, la discussion portera sur le texte initial de la proposition de loi.
Il faut dire que l'article 1 propose purement et simplement d'abroger le dispositif Pinel "afin de permettre de réaffecter ces crédits". Les auteurs de la proposition de loi considèrent que "pour mener (des) politiques ambitieuses d'accroissement de l'offre de logement, il convient de réorienter la masse financière affectée aux politiques du logement aujourd'hui".
1,8 milliard d'euros
Ils estiment que "trop d'argent public continue d'alimenter les niches fiscales de type Scellier ou de Robien... ou encore le dispositif Pinel". Ces niches représentent un total de 1,8 milliard d'euros comme l'avait calculé le rapport d'information de la commission des finances sur les dépenses publiques en faveur du logement et la fiscalité immobilière (voir notre article ci-contre du 15 décembre 2015). Une somme "qui serait bien plus utile pour les acteurs du logement social", jugent les communistes, ces niches fiscales ayant "une efficacité sociale plus que limitée et créent par contre un effet d'aubaine évident pour réduire les impôts des intéressés". Bref, "soutenir l'investissement locatif avec cet outil fiscal, c'est au fond encourager ce système spéculatif où le logement intermédiaire ne trouve d'intérêt que dans le cadre d'un marché dont les prix sont anormalement élevés". Dès lors, "les pouvoirs publics doivent cesser de soutenir ce marché immobilier favorisant la rente privée" et "cet argent public doit servir d'autres politiques de constructions et de réhabilitations, ce qui au regard des chiffres du mal-logement est la priorité absolue".
Majorer les plafonds de ressources
Le second article propose de majorer de 10,3% les plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux. Les auteurs de la proposition de loi veulent ici "réaffirmer la dimension généraliste et universelle du logement social, outil du droit au logement mais également de la mixité sociale et culturelle". En cela, ils s'opposent à la vision européenne selon laquelle "le logement dit 'social' doit être réservé à une population très spécifique constituée des personnes les plus démunies". C'est pour eux une "orientation libérale qui justifie d'un service public limité à l'assistanat, à côté d'un marché particulièrement lucratif" et qui "organise également la ghettoïsation de certains quartiers".
Et si la suppression du dispositif Pinel ne génère pas assez d'économies dans les dépenses fiscales de l'Etat, les communistes proposent, à l'article 3 de leur proposition de loi, de baisser le taux de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Un très mauvais signal aux investisseurs
Evidemment, dans son rapport fait au nom de la commission des finances, Philippe Dallier, sénateur LR, n'a pas été très sensible à la démonstration communiste. Après avoir estimé que "la volonté de renforcer la mixité sociale au sein du parc social est un objectif louable", il a considéré que "la suppression du dispositif 'Pinel' enverrait un très mauvais signal aux investisseurs ainsi qu'aux entreprises des secteurs de la construction et de l'immobilier, qui réclament de la stabilité fiscale à l'heure où ils peinent encore à surmonter les effets délétères de la crise économique et où le manque de logements est toujours prégnant dans les zones les plus tendues". Concernant l'article 2, il a jugé que "l'augmentation des plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux n'est pas appropriée, alors que le nombre de ménages ayant accès au parc social est déjà élevé et risquerait de pénaliser les ménages les plus défavorisés en provoquant de possibles effets d'éviction et en allongeant la 'file d'attente'".
Le texte n'a aucune chance d'être adopté. Mais le débat en séance pourrait être des plus intéressants.