Accès aux soins - Une ordonnance revisite les missions des centres de santé et autorise leur création par des cliniques
Quelques jours après celles relatives à l'autorisation des pharmacies et à l'installation des équipements lourds (voir notre article ci-dessous du 5 janvier 2018), une nouvelle ordonnance du 12 janvier 2018 modifie les conditions de fonctionnement et de création des centres de santé. Comme les deux précédentes, elle est prise en application de l'article 204 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Celui-ci autorise en effet le gouvernement à agir par ordonnance pour "clarifier et adapter" les dispositions du code de la santé publique relatives aux conditions de création, de gestion, d'organisation et de fonctionnement des centres de santé.
Ouverture aux cliniques, mais maintien du caractère non lucratif
Le terme de clarification est effectivement le mieux adapté car, si l'ordonnance ne bouleverse pas le statut des centres de santé, elle toilette en revanche sérieusement leurs missions et leur fonctionnement.
Le principal apport du texte - et le plus contesté dans sa phase de préparation - est qu'il reconnaît le droit des établissements de santé privés à but lucratif (c'est-à-dire des cliniques) à gérer des centres de santé. Une possibilité qui n'était toutefois pas vraiment exclue jusqu'à présent, mais avec une grande ambiguïté dans les textes. Dans un communiqué du 7 septembre dernier, l'Union syndicale des médecins des centres de santé (USMCS) disait ainsi "non à une gestion lucrative des centres de santé" et affirmait que "seuls des organismes et établissements à but non lucratif et des collectivités territoriales doivent être autorisés à créer et gérer des centres de santé".
Sur ce point, l'ordonnance propose un moyen terme : si elle officialise la possibilité d'une gestion par des cliniques, elle réaffirme aussi le caractère non lucratif de ces structures, en l'assortissant d'un certain nombre de règles à même de garantir le respect de ce principe. Par la même occasion, la possibilité de création de centres de santé est également ouverte aux sociétés coopératives d'intérêt collectif.
Des structures dédiées aux soins de premier recours
Les autres dispositions de l'ordonnance sont moins conflictuelles. Le texte "simplifie les conditions actuelles de fonctionnement des centres de santé en définissant des critères moins exigeants et plus adaptés à la réalité du terrain en la matière, tout en veillant à maintenir à l'égard des usagers un accès aux soins de qualité et des conditions de prise en charge, notamment financières, particulièrement favorables". Les centres sont ainsi définis comme des structures dédiées aux soins de premier recours, à vocation pluriprofessionnelle, et qui dispensent des activités de prévention, de diagnostic et de soins.
Pour faciliter la création ou le développement des centres de santé, l'ordonnance rend optionnelles certaines activités jusqu'alors obligatoires, comme l'accueil d'étudiants en stage (tous les centres ne disposant pas des ressources nécessaires pour l'assurer). Le texte renforce en revanche les obligations d'information des usagers sur les conditions de prise en charge : tarifs, conditions de paiement, parcours de soins... S'y ajoute l'obligation d'assurer la traçabilité de cette information dans le dossier médical. Les patients des centres de santé bénéficieront également d'un droit d'accès aux informations les concernant, alors que cet accès était jusqu'alors réservé aux seules informations détenues par des professionnels et établissements de santé.
Fonctionnement facilité, mais engagement de qualité renforcé
Dans le même esprit, l'ordonnance clarifie les statuts des salariés et des bénévoles des centres de santé (une particularité de ces structures). Elle améliore aussi "la qualité de l'accès aux soins délivrés par ces centres", en instaurant une responsabilité du représentant légal de l'organisme gestionnaire du centre de santé au regard de la conformité des obligations incombant à la structure. Le non-respect de ces obligations pourra conduire le directeur général de l'ARS à prononcer la suspension des activités, voire la fermeture du centre.
L'ordonnance du 12 janvier 2018 entrera en vigueur le 1er avril de cette même année. Toutefois, afin de leur permettre de se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions du texte, les centres de santé disposeront d'un délai d'un an à compter de cette date pour transmettre au directeur général de l'ARS leur engagement de conformité. Ils devront également transmettre les informations relatives à l'année 2018 au plus tard le 1er mars 2019.
Références : ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé (Journal officiel du 13 janvier 2018).