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Accès aux soins - Déserts médicaux : le Cese plaide - un peu - pour une approche contraignante

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a adopté, le 13 décembre, son avis sur les déserts médicaux. Présenté au nom de la commission temporaire "Déserts médicaux" par Sylvie Castaigne, médecin et professeure des universités, et Yann Lasnier, secrétaire général de la Fédération Léo Lagrange, l'avis a été adopté par 131 voix pour, 10 contre et 21 abstentions. Selon la présentation du document, le Cese a "précocement repéré" l'importance de la question des déserts médicaux "en réalisant une veille des pétitions en ligne". Le sujet est pourtant au cœur des débats sur les inégalités territoriales depuis plus de dix ans (voir les nombreux articles de Localtis sur la question) et a déjà fait l'objet de plusieurs rapports parlementaires ou autres. L'avis du Cese vise à compléter le plan "Renforcer l'accès territorial aux soins" présenté par la ministre de la Santé le 13 octobre 2017 (voir notre article ci-dessous du même jour).

Diversifier l'origine territoriale et sociale des étudiants

Les déserts médicaux, qui peuvent concerner des zones rurales mais aussi des quartiers urbains sensibles, concernent aujourd'hui "au moins 8% de la population". L'avis du Cese se veut pragmatique - "l'imposition d'une solution unique n'étant ni possible, ni souhaitable" - et préconise, à travers une dizaine de propositions, "une diversité d'outils ajustés aux besoins évolutifs des territoires et des patients".
Sur la médecine ambulatoire - l'avis n'aborde pas la question des soins hospitaliers -, le Cese préconise ainsi de "changer le regard sur la médecine générale, notamment en renforçant la formation sur les soins primaires dans le cursus médical, en améliorant les conditions d'exercice (maisons et centres de santé), en allégeant les procédures administratives incombant aux médecins et en diversifiant les modes de rémunération.
Si ces propositions ont déjà été formulées à plusieurs reprises - et reçoivent même un début de mise en œuvre -, le Cese suggère aussi des mesures plus originales, comme le fait de "diversifier l'origine territoriale et sociale des étudiants en médecine pour équilibrer à terme leur répartition sur les territoires". Cela pourrait passer par le développement de filières d'initiation aux métiers de la santé dans les lycées implantés dans les territoires sous dotés, par la multiplication des passerelles entre cursus universitaires ou encore par une meilleure information sur les contrats d'engagement de service public (CESP). Plus classique : le Cese propose aussi d'augmenter et de diversifier les terrains de stage en médecine ambulatoire.

Une liberté d'installation, mais sous conditions

Sur la question de l'installation des médecins - qui cristallise les oppositions entre "incitatifs" et "coercitifs" (voir nos articles ci-dessous des 13 et 19 octobre 2017) -, l'avis adopte une position médiane, en prônant "une liberté d'installation des médecins qui ne doit pas remettre en cause l'égalité d'accès aux soins".
En pratique, il s'agirait, au terme d'une période de sensibilisation et de concertation avec les médecins d'une durée de trois ans, de choisir entre deux options : soit "prendre des mesures coercitives directement contraires à la liberté d'installation des médecins" ; soit - solution qui a la préférence du Cese - "combler les lacunes de l'offre médicale par le développement d'exercice mixte ambulatoire-hôpital de praticiens hospitaliers de médecine générale et spécialistes des disciplines cliniques effectuant des consultations avancées dans les zones les moins dotées, ainsi que le développement de centres de santé" avec des médecins salariés.
Rejoignant les préconisations de la Cour des comptes (voir notre article ci-dessous du 22 septembre 2017), le Cese préconise aussi d'utiliser "dès maintenant" le levier du conventionnement sélectif, tout en expliquant que "porter atteinte à la liberté d'installation des médecins libéraux est difficilement acceptable par ces derniers et ne serait pas forcément efficace". L'idée est de prévoir, pour les médecins spécialistes en secteur 2, une "contrepartie" au conventionnement - et donc au remboursement de leurs actes et consultations par l'assurance maladie -, sous forme de la réalisation de "consultations avancées" dans un hôpital local ou un centre de santé situé en zone sous dotée.

Evaluer les aides pour supprimer les effets d'aubaine

Toujours sur l'installation des médecins, les autres propositions consistent à repositionner les ARS comme échelon de pilotage opérationnel des structures regroupées, à augmenter le temps médical disponible par des mesures immédiates (par exemple avec des incitations à l'emploi d'une secrétaire médicale pour les médecins du secteur 1 dans les zones sous dotées), mais aussi à "soumettre à évaluation les aides à l'installation".
Le Cese estime en effet que "la plupart des aides financières, quoique substantielles, sont inefficaces", en considérant que ces aides "sont perçues par des médecins qui étaient déjà ou se seraient installés de toute façon". L'avis propose donc, après évaluation, de supprimer celles qui engendreraient des effets d'aubaine.

Anticiper la "médecine du futur"

Enfin, sur la "médecine du futur", l'avis du Cese formule trois propositions. La première s'inscrit totalement dans la stratégie santé proposée par le gouvernement, en préconisant de développer le volet de la prévention tout au long de la vie, par exemple en autorisant les maisons de santé pluridisciplinaires et les centres de santé à faire appel à des jeunes en service civique au titre de la contribution aux missions de prévention et d'éducation à la santé sur le territoire.
La seconde proposition, déjà engagée par le ministère, consiste à "répartir différemment" les tâches entre professionnels de santé, en redéfinissant, "de manière radicale", leurs périmètres d'intervention.
Enfin, la troisième préconisation consiste à développer la télémédecine en conventionnant les actes correspondants via des "mécanismes innovants de rémunération forfaitaire et transversale" et en finançant ces nouvelles dépenses par une baisse du nombre, voire des tarifs, des séjours hospitaliers, des consultations et des transports sanitaires auxquels la télémédecine peut se substituer.

 

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