Politique de la ville - Une circulaire pour mettre en oeuvre la co-construction
Qu'est-ce que la "co-construction" en politique de la ville à l'ère Macron ? Une circulaire de fin d'année est venue préciser le mode d'emploi du gouvernement, en vue de premières annonces en mars sur le plan en faveur des quartiers prioritaires. En décembre, une consultation de conseillers citoyens et un hackathon destiné à faire émerger les idées des habitants ont été également mis en avant.
A Tourcoing le 14 novembre dernier, le président de la République avait appelé habitants et acteurs de la politique de la ville à participer à l'élaboration d'un "plan de bataille" pour les quartiers (voir nos articles des 14 et 16 novembre 2017). Lors d'un comité interministériel des villes prévu pour la fin du 1er trimestre 2018, le Premier ministre devrait annoncer les premiers jalons d'un plan qui a vocation à être alimenté par des propositions du terrain. Pour cela, une circulaire datée du 22 décembre 2017 du ministre de la Cohésion des territoires et de son secrétaire d'Etat est venue préciser la façon d'associer les "parties prenantes à la co-construction de la politique de la ville".
"La mobilisation des parties prenantes doit être la modalité ordinaire de construction de l’action publique en direction des quartiers prioritaires", peut-on y lire. Le ministère de la Cohésion des territoires appelle en particulier à associer les habitants et les conseillers citoyens pour faire remonter des "solutions innovantes et pragmatiques existant sur le terrain", mais aussi pour le suivi et l'évaluation des actions mises en œuvre.
Une rencontre trimestrielle à l'Elysée
Au niveau national, l'élaboration du plan s'appuiera sur un "conseil présidentiel des villes qui réunira tous les trimestres autour du président de la République des personnes issues des quartiers aux profils et aux parcours variés". Ce dernier "aura un rôle de suivi, d’alerte mais également de relais de l’action menée". Des groupes de travail thématiques "associant les acteurs de la politique de la ville et des forces vives de la Nation" alimenteront également le plan.
Courant décembre, les conseils citoyens ont été sondés, via un questionnaire en ligne, sur l'emploi, la formation, l'orientation, l'éducation, la culture et la mobilité. Une rencontre d'une centaine de conseillers citoyens, tirés au sort parmi 300 volontaires, s'est ensuite tenue le 16 décembre. Ce premier hackathon - un second devrait suivre - a permis de faire émerger six axes prioritaires et 21 pistes d'actions sur l'emploi, la formation et l'éducation (sur les résultats de la consultation et du hackathon, voir l'encadré ci-dessous).
Les services déconcentrés appelés à faire remonter un premier bilan des contrats de ville
La circulaire détaille par ailleurs le processus de labellisation d'actions "innovantes ou remarquables, dans un objectif de mutualisation des bonnes pratiques" dans le cadre des 40 ans de la politique de la ville (voir notre article du 9 octobre 2017). Les collectivités sont également invitées à candidater jusqu'au 31 janvier pour accueillir l'une des quatre manifestations nationales prévues entre mars et juin - sur la rénovation urbaine, la culture, l'innovation et les acteurs de la politique de la ville.
A l'échelon local, les services déconcentrés devront rendre des comptes précis en envoyant au ministère "d’ici le 20 février au plus tard une synthèse de cinq pages maximum sur les concertations menées, les conclusions tirées et vos propositions opérationnelles en annexe". Les remontées attendues : "des actions concrètes innovantes et récentes qui ont fait leur preuve et qui pourraient être reproduites ainsi que les premières leçons que vous tirez du déploiement des contrats de ville".
Des groupes thématiques nationaux et locaux sur huit thématiques : indicateurs de suivi, appui au secteur associatif, emploi, éducation...
La circulaire liste l'ensemble des acteurs devant être consultés, dont les collectivités, les associations, les bailleurs, les conseils citoyens, la Caisse des dépôts, les adultes-relais ou encore les établissements scolaires.
Les services de l'Etat sont tenus en particulier de recueillir les propositions des élus locaux et d'organiser un à trois ateliers thématiques territoriaux destinés à alimenter les groupes nationaux. Huit thématiques sont énumérées : la définition d’indicateurs de suivi et de mobilisation du droit commun, l'appui au secteur associatif, l'image des quartiers, l'emploi et le développement économique, la culture, la lutte contre les discriminations, l'éducation
et le sport.
Cinq "prototypes d'actions de terrain" issus du hackathon
L'enquête réalisée en ligne, en décembre, auprès des conseillers citoyens a permis de recueillir entre 900 et 1.100 réponses selon les questions. Ces dernières portaient sur l'emploi, la formation et l'orientation professionnelle, l'éducation, la culture et la mobilité, la parentalité.
On y apprend notamment que le premier frein à l'emploi, du point de vue des habitants des quartiers prioritaires, est le manque de qualification. Sont ensuite cités les discriminations et le manque de réseau personnel. Autre résultat qui n'est pas une surprise : la mobilité serait problématique dans les quartiers, pour 63% des répondants. L'aide à l'obtention du permis de conduire est la solution jugée la plus efficace. Concernant la parentalité, les deux premières difficultés identifiées sont les difficultés économiques et le manque d'autorité vis-à-vis des enfants ; l'isolement n'arrive qu'après.
Les quelques cent participants au hackathon se sont appuyés sur ces résultats pour "travailler sur des pistes d'action à mettre en place localement" en matière d'emploi, de formation et d'éducation. Ils ont dans un premier temps identifié six axes prioritaires : "construire une cellule de soutien aux familles avec tous les acteurs" ; "valoriser les réussites des décrocheurs scolaires 'rattrapés'" ; "améliorer la découverte des métiers et l’orientation" ; "former l’ensemble des acteurs du secteur contre les préjugés" ; "construire un lieu dédié au développement de l’emploi et de l’entreprenariat dans le quartier" ; "construire un réseau associant tous les acteurs de l’emploi et de l’entreprenariat au profit des habitants". 21 projets d'actions ont ensuite été élaborés par des groupes de conseillers citoyens puis présentés au secrétaire d'Etat Julien Denormandie. Ce dernier a retenu cinq projets destinés à constituer des "prototypes d'actions de terrain". Citons notamment le projet d'un espace emploi avec les centres sociaux à Villiers-le-Bel (95), l’instauration d’une clause d'insertion dans les marchés publics à Sarcelles (95) et la mise en place d'une cellule de soutien et d'écoute familles à Roubaix (59).
C.Me.