Archives

Urbanisme - Un rapport sénatorial propose de renforcer les outils fonciers des collectivités

Publié le 14 octobre, un rapport du groupe de travail sénatorial relatif aux outils fonciers à la disposition des élus locaux propose 25 mesures pour améliorer leur efficacité. Les sénateurs appellent ainsi à une "planification plus lisible, plus cohérente et plus efficace" des documents d'urbanisme et veulent "donner aux élus locaux les moyens fiscaux de mener une véritable politique foncière" et recommandent de "mieux utiliser les outils institutionnels".

La mobilisation du foncier est le "nerf de la guerre" pour construire des logements, attirer des entreprises ou aménager l'espace public. Mais face à l'extrême complexité des moyens qui leur sont offerts (documents d'urbanisme, agences foncières, fiscalité), les collectivités ont du mal à élaborer une vraie stratégie foncière de long terme. Dans le cadre d'un groupe de travail commun à la commission des lois et à la commission des finances du Sénat, un rapport co-rédigé par Yvon Collin (RDSE, Tarn-et-Garonne), Philippe Dallier (UMP, Seine-Saint-Denis), François Pillet (UMP, Cher) et René Vandierendonck (PS, Nord) dresse un "état des lieux critique" des outils actuels de maîtrise du foncier et avance vingt-cinq recommandations pour renforcer leur efficacité. "Le travail transversal que nous avons mené depuis octobre 2012 débouche dans un contexte législatif dont la densité, du projet Métropole au projet pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), laisse espérer que notre rapport ne sera pas abandonné, suivant la formule de Marx, 'à la critique rongeuse des souris', a expliqué René Vandierendonck lors de l'examen du rapport en commission le 1er octobre. Nous avons choisi de nous placer au niveau des maires et de nous inscrire dans le mouvement de simplification des normes - un autre texte à venir."

Schéma régional intégrateur

Les sénateurs proposent d'abord de rendre la planification "plus lisible, plus cohérente et plus efficace". Outre le fait que les prescriptions et documents d'urbanisme se sont multipliés, "la succession des études d'impact allonge considérablement le temps de l'aménagement (quatre années de plus en quinze ans)", relèvent-ils. Ils appellent donc à engager une réflexion pour alléger le nombre d'études d'impact et clarifier leur régime. Pour renforcer la cohérence et la lisibilité des documents d'urbanisme, "un schéma régional intégrateur gagnerait à être mis en place, notent-ils. Le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) pourrait assumer ce rôle et conforter celui de la région en matière d'aménagement du territoire. Il permettrait en outre de faciliter la préparation des documents d'urbanisme infrarégionaux, via la mise en place de cadres prescriptifs nouveaux, qui seraient co-élaborés avec les autres niveaux de collectivités territoriales". De manière plus générale, les sénateurs jugent aussi indispensable de stabiliser les normes urbanistiques existantes dans le temps.

Différer la mise en place des PLUi

En plein débat sur la généralisation du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), les rapporteurs estiment que la démarche est "pertinente" mais "nécessite un temps d'appropriation". Aussi plaident-ils pour que soit différée la mise en place des PLUi en laissant aux maires "leur pouvoir d'initiative et leur droit de veto". Par ailleurs, "les expériences réussies de PLUi démontrent que son succès repose sur la participation étroite des communes et de leur EPCI à son élaboration", soulignent-ils. En matière de contentieux, ils proposent de spécialiser les juges de l'expropriation dans le ressort de chaque cour d'appel afin de "'professionnaliser' la fixation de l'indemnité d'expropriation". Ils veulent aussi rendre l'utilisation du droit de préemption "plus conforme à ses objectifs initiaux". "80% des communes dotées d'un document d'urbanisme ont eu recours à cet outil alors que le nombre de transactions faisant l'objet d'une décision de préemption demeure faible, constatent-ils. En effet, cet outil est surtout utilisé par les collectivités pour connaître les conditions dans lesquelles s'exercent les transactions sur leur territoire." Ils estiment donc "indispensable" de moderniser le droit de préemption en l'adaptant mieux aux besoins des collectivités – comme l'a déjà proposé le Conseil d'Etat dans une étude. Ils souhaitent également que soient abondés des fonds régionaux de couverture du risque d'augmentation du coût des terrains acquis par le biais du droit de préemption en cas de contentieux.

Des moyens fiscaux adaptés

Les sénateurs veulent aussi "donner aux élus locaux les moyens fiscaux de mener une véritable politique foncière". "Les outils fiscaux de la politique foncière que souhaitent mettre en oeuvre les collectivités territoriales sont contraints par les initiatives de l'Etat, notent-ils. La décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 a rappelé que l'ensemble des impositions (Etat, collectivités, régimes sociaux) était pris en compte pour apprécier la capacité contributive. De plus, la fréquence des réformes fiscales décidées par l'Etat, s'agissant en particulier des plus-values immobilières (PVI) s'est accélérée." Alors que le régime de taxation issu de la loi du 19 juillet 1976 s'est appliqué pendant 27 ans, "pas moins de quatre réformes dont la complexité est allée croissant ont été soumises au Parlement depuis 2004", soulignent-ils. Il est donc nécessaire selon eux de "mettre un terme à cette instabilité de la règle fiscale qui suscite un phénomène de rétention du foncier et favorise sa cherté". Ils appellent à une "meilleure association des collectivités aux éventuelles réformes de l'Etat touchant la taxation du foncier" et préconisent un "moratoire d'une durée minimale de cinq années entre chaque réforme de taxation des PVI". Qu'elles soient incitatives ou pénalisantes, l'efficacité des mesures de 'choc foncier' est soumise à de "grandes incertitudes", estiment-ils. Pour cette raison, ils préconisent deux grandes orientations : "privilégier un régime d'imposition simple et lisible pour le contribuable" et "écarter toute solution ayant pour effet de transférer le poids de l'impôt foncier depuis les résidences secondaires et terrains nus vers les résidences principales". Les sénateurs observent aussi que les collectivités utilisent très peu les instruments fiscaux dont elles disposent, qui sont "nombreux, complexes et mal connus". Seules 6.184 communes et 4 EPCI ont institué en 2012 la taxe forfaitaire sur la cession des terrains rendus inconstructibles. Fin 2012, 59 communes et 17 EPCI avaient délibéré sur la taxe sur les friches commerciales. Les rapporteurs recommandent donc "une évaluation préalable à toute modification du régime de ces dispositifs, et une identification des bonnes pratiques des collectivités qui utilisent les dispositifs existants, par exemple la sectorisation de la taxe d'aménagement". Ils alertent en outre sur la mise en place de la majoration des valeurs cadastrales appliquées à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Celle-ci s'appliquera de plein droit le 1er janvier 2014 dans certaines zones tandis qu'ailleurs, les collectivités pourront délibérer pour fixer cette majoration. "L'Etat doit donc fournir aux collectivités concernées les simulations nécessaires pour qu'elles puissent délibérer en ayant à leur disposition toutes les informations utiles", insistent les rapporteurs.

Mieux utiliser les outils institutionnels

La dernière partie du rapport comporte des propositions pour mieux utiliser les outils institutionnels. Les sénateurs appellent ainsi à préciser et à clarifier les modalités régissant la consultation préalable de France Domaine. Le défaut de précision du contenu de la saisine de France Domaine, qui procède à l'évaluation des biens, est en effet jugé responsable des retards dans la conduite des projets des collectivités locales. De plus, estiment les rapporteurs, "les méthodes d'évaluation utilisées par France Domaine mériteraient d'être encadrées par catégorie de biens et que soient clarifiés les critères d'utilisation des différentes méthodes existantes". Ils réclament aussi la mise en place d'un "outil national interministériel d'observation du foncier" permettant d'avoir "une vision agrégée et transversale" des problématiques foncières. Parallèlement, ils jugent nécessaire d'inciter les collectivités de plus de 10.000 habitants à s'équiper de systèmes d'information géographique (SIG) normalisés. Par ailleurs, ils appellent à "articuler au mieux" les actions des établissements publics fonciers (EPF) et proposent dans cette optique de "réaffirmer la priorité des EPFL (EPF locaux, NDLR) sur les EPFE (EPF d'Etat, NDLR) et d'interdire la superposition de deux EPF sur un même territoire". Ils suggèrent aussi de "réformer la carte des EPF en les adaptant aux spécificités territoriales, en favorisant l'échelle départementale pour les EPFL et en privilégiant l'extension du périmètre des EPFL existants pour couvrir les 'zones blanches'". Ils veulent également assouplir les conditions d'adhésion des EPCI à un EPFL et appellent en outre l'administration fiscale à revoir sa position sur l'assujettissement EPF à la TVA. L'idée serait de définir des opérations "hors marché" non assujetties à la TVA pour reconnaître le fait que "les EPF contribuent parfois à 'remettre sur le marché' certains biens, en particulier ceux nécessitant d'importants frais de dépollution". Enfin, les rapporteurs souhaitent renforcer la représentation des collectivités dans les conseils d'administration des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Ils veulent en même temps renforcer les Safer sur leur coeur de métier et "encadrer davantage les pouvoirs coercitifs dont elles disposent. En outre, il conviendrait de renforcer l'objectivité des critères de recours des Safer au droit de préemption".