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Pouvoirs locaux - Un rapport sénatorial appelle à une "rénovation" des contrôles de l'Etat sur les collectivités

Le contrôle de légalité n'est plus qu'une "passoire" et le contrôle budgétaire prend le même chemin, dénonce le sénateur Jacques Mézard dans un rapport sur les contrôles de l'Etat sur les collectivités locales. Il appelle à un renforcement du rôle de conseil des préfectures.

"Devenu une véritable passoire", le contrôle de légalité est "en train de disparaître" en dépit de son fondement constitutionnel, s'inquiète le sénateur Jacques Mézard dans un rapport sur les différents contrôles juridiques opérés par l'Etat sur les collectivités locales. La cause de l'inquiétude du sénateur n'est pas la réduction du nombre des actes devant être soumis au contrôle de légalité par les collectivités. Du fait d'un recentrage effectué depuis 2006 sur quelques grandes priorités, comme la commande publique, l'urbanisme ou l'intercommunalité, celui-ci est passé de 8,3 millions en 2004 à 5,5 millions en 2009.
Les craintes exprimées par le sénateur du Cantal dans ce rapport, réalisé pour la délégation sénatoriale aux collectivités et à la décentralisation, tiennent plutôt au nombre des personnels affectés au contrôle de légalité qui, du fait de la révision générale des politiques publiques, a été réduit de 20% en 3 ans, pour atteindre 920 agents équivalents temps plein en 2011. Des agents qui, c'est une surprise, sont en majorité de catégorie B (47%) et très minoritairement de catégorie A (19%). Le niveau de compétence de ces agents est-il suffisant, s'interroge Jacques Mézard, qui souligne le décalage existant avec le personnel très qualifié qu'emploient les collectivités. Le contrôle de légalité,  conclut-il, n'est plus qu'une "fiction" et lorsqu'il intervient, ses responsables peuvent donner l'impression qu'ils n'ont "pas la volonté d'obtenir gain de cause". Tout se passe "comme si les services déféraient certains actes pour se couvrir d'un éventuel engagement de leur responsabilité, ou considéraient le déféré comme une simple menace suffisant à obtenir le retrait d'un acte illégal", décrit le sénateur.

Renforcer les moyens alloués au contrôle

De tels dysfonctionnements ne semblent pas encore affecter le contrôle budgétaire des collectivités locales. Mais cela ne tardera pas, assure le sénateur… Car cette mission a, elle aussi, été touchée de "plein fouet" par la RGPP. Elle fonctionnait en 2011 grâce à 311 agents de l'Etat, qui étaient encore 418 en 2009.
S'agissant, enfin, de l'examen de la gestion qu'effectuent les chambres régionales et territoriales des comptes, celui-ci "semble mal calibré par rapport à son objectif qui est de constituer un instrument d'aide à la gestion des collectivités".
La réduction de l'efficacité des contrôles de l'Etat sur les collectivités territoriales est d'autant plus dommageable que ceux-ci sont demandés par des élus locaux soucieux de sécurisation dans un "environnement juridique complexe et mouvant". De l'Etat, les élus locaux attendent donc un rôle de conseil fort. Pour le sénateur, l'Etat devrait répondre à cette attente en particulier dans le domaine des normes. Il pourrait ainsi mettre en place, en sous-préfecture ou en préfecture, une réunion annuelle d'information à destination des collectivités au sujet des normes qui s'appliquent à elles. Cette réorientation des actions de contrôle devrait se faire avec des moyens renforcés, comme l'affectation d'un nombre minimum d'agents de catégorie A dans chaque préfecture et une plus grande coopération entre les préfectures et les directions départementales des finances publiques. Les chambres régionales des comptes devraient également voir leur rôle de conseil renforcé. Les élus pourraient leur demander d'étudier un sujet particulier dans le cadre d'un examen de la gestion de la collectivité.

Thomas Beurey / Projets publics

Contrôle de légalité : une circulaire pour recadrer les priorités

Comme en écho aux critiques exprimées par le rapport Mézard, le contrôle de légalité vient de faire l'objet d'une circulaire  du ministère de l'Intérieur, signée Claude Guéant et Philippe Richert, datée du 25 janvier et mise en ligne le 2 février. Consacrée à la "définition nationale des actes prioritaires en matière de contrôle de légalité", cette circulaire adressée aux préfets de département entend préciser "au sein des domaines prioritaires du contrôle de légalité que sont la commande publique, l'urbanisme et l'environnement et la fonction publique territoriale, les actes dont le contrôle présente un enjeu majeur et qui nécessitent un contrôle particulièrement vigilant".
Plus globalement, elle revient sur le "cadre stratégique" issu du recentrage du contrôle de légalité initié en 2006 (circulaire du 17 janvier 2006 relative à la modernisation du contrôle de légalité) et précisé par la suite (deux circulaires en 2009, trois en 2010…), qui s'articule sur "trois niveaux de contrôle" : les priorités nationales, les priorités locales et les contrôles aléatoires.
S'agissant des priorités nationales, cette nouvelle circulaire liste ainsi quels sont les actes prioritaires dans le champ de la commande publique (marchés de fournitures et de services de plus de 200.000 euros, marchés de travaux de plus de 1 million d'euros, avenants supérieurs à 5% du montant du marché initial, délégations de services publics, concessions de travaux…) et insiste sur le fait que les marchés des collectivités cofinancés par des fonds européens (Feder) doivent faire l'objet d'une attention particulière. Même chose dans le domaine de l'urbanisme, avec l'énumération des documents et actes devant être systématiquement contrôlés : les documents d'urbanisme (Scot, PLU), certaines autorisations individuelles (par exemple lorsque celles-ci concernent les établissements recevant du public ou interviennent sur des périmètres ou des zones spécifiques) et certains "montages juridiques auxquels ont recours les aménageurs" (ZAC, SPL d'aménagement, BEA…). Enfin, troisième champ érigé au rang de priorité nationale : la fonction publique territoriale (FPT), afin de "veiller à l'application homogène des règles sur le territoire". Cela concerne à la fois les actes de recrutement, certaines décisions d'inscription sur liste d'aptitude, les délibérations fixant le régime indemnitaire, etc. La circulaire met notamment l'accent sur la question des emplois fonctionnels, des quotas et du recours aux contractuels. En sachant qu'une prochaine circulaire spécifique à la FPT est annoncée.
Deuxième niveau, donc : les priorités locales, principalement liées aux "caractéristiques du département" (telles que, par exemple, des actes concernés par les zones des lois Littoral ou Montagne), mais aussi aux "fragilités" de certaines collectivités ayant déjà donné lieu à des irrégularités.
Mais au-delà de ces priorités nationales ou locales, "aucun acte ne doit par principe être exclu du contrôle". Les services préfectoraux sont donc invités à mettre en oeuvre dans tous les domaines un contrôle organisé "selon les ressources" dont ils disposent, que ce soit par sondage, méthode aléatoire, "système d'information permettant de détecter les anomalies"…
Dans un second temps, la circulaire rappelle les outils à disposition des préfectures, dont le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (Piacl), qui peut être sollicité pour tous les dossiers "complexes" nécessitant "une expertise supplémentaire", notamment pour les gros dossiers liés au droit des contrats (DSP, contrats de partenariat…).
Dès cette année, les préfectures devront constituer pour le 30 juin "un document de synthèse résumant la stratégie de contrôle et les résultats obtenus".

Claire Mallet