Economie circulaire - Un rapport remis au gouvernement propose d'étendre les filières REP
En attendant la présentation prochaine de la feuille de route du gouvernement sur l'économie circulaire, un rapport sur le devenir des filières de "responsabilité élargie des producteurs" (REP) a été remis ce 14 mars aux secrétaires d'Etat Brune Poirson et Delphine Gény-Stephann par Jacques Vernier, président de la commission des filières REP et ancien maire de Douai. Il suggère notamment d'étendre le nombre de filières, d'instituer des pénalités financières sur les éco-organismes pour non atteinte de leurs objectifs en termes de collecte ou de recyclage et d'ajuster la fiscalité pesant sur les collectivités.
En pleins préparatifs de la feuille de route gouvernementale sur l'économie circulaire, Jacques Vernier, président de la commission des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) et anicien maire de Douai, a remis ce 14 mars aux secrétaires d'Etat Brune Poirson et Delphine Gény-Stephann le rapport sur le devenir de ces filières qui lui avait été commandé en octobre dernier par les ministres de la Transition écologique et de l'Economie et des Finances.
"Ce rapport est le fruit de nombreuses auditions et nous sera utile pour nourrir nos arbitrages et achever la rédaction de la feuille de route du gouvernement pour l’économie circulaire qui sera publiée fin mars. La vision et la qualité du travail fourni par Jacques Vernier viennent compléter les propositions issues des consultations et de la concertation avec les acteurs menées ces quatre derniers mois", a salué Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique. "La feuille de route 'économie circulaire' doit intégrer tous ces aspects et je suis convaincue que le rapport de Jacques Vernier, sur l’avenir des filières à responsabilité élargie nous permettra de faire évoluer le dispositif existant afin de le rendre plus efficace pour permettre une accélération de la transition de la France vers une économie circulaire. Je ne doute pas que les entreprises françaises sauront relever le défi des objectifs ambitieux que nous nous sommes assignés et faire émerger de nouvelles filières d’activités non délocalisables et créatrices d’emplois", a déclaré de son côté Delphine Geny-Stephann, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances.
38 propositions, 11 mesures phares
Jacques Vernier avait pour mission d'examiner en particulier plusieurs grandes questions : faut-il étendre le dispositif des REP à d'autres produits ? Comment mieux influer sur l'éco-conception et développer des filières de recyclage sur le territoire ? Comment mieux informer les citoyens ? Comment améliorer la définition des objectifs de collecte et valorisation ainsi que les sanctions associées ? Sur quels champs l'Etat doit-il être régulateur ?
Le rapport de près de 90 pages comporte 38 propositions dont 11 sont considérées comme des "mesures phares". Tout d'abord, il se prononce en faveur de la création de nouvelles filières REP. "Bien que les filières REP se soient beaucoup plus développées en France que dans d’autres pays, elles ne couvrent, en ce qui concerne les déchets ménagers, que moins du tiers de nos déchets, relève-t-il. On considère en effet que sur 573 kg/an de déchets ménagers et assimilés, 160 kg sont couverts par une REP, 200 kg sont des déchets organiques (biodéchets), 200 kg sont des déchets "autres".
5 nouvelles filières REP
Ces déchets "autres" ne devraient-ils pas être, eux aussi, de la responsabilité des producteurs ?", interroge le rapport qui préconise de créer 5 nouvelles filières REP pour les jouets, les articles de sport et de loisir, les déchets du bâtiment, les huiles alimentaires et les huiles de moteurs usagées. Il propose également d'étendre la REP des emballages ménagers aux cafés, hôtels et restaurants, celle des déchets chimiques des ménages aux déchets assimilés des artisans, présents dans les déchèteries municipales, et celle des véhicules hors d'usage aux voiturettes, motos, quads, etc.
"Eco-contribution amont" pour les filières hors REP
Pour les produits restant hors filière REP et dont les déchets pèsent sur les finances des collectivités locales, Jacques Vernier suggère de créer une "éco-contribution amont" et de faire transiter les sommes vers les collectivités par le biais de l'éco-organisme gérant les filières financières actuelles, à savoir Citeo. En termes de fiscalité, il propose d'"étudier la création d’une TGAP 'amont' sur tous les produits non inclus dans une REP, si possible affectée durablement au financement du service public de gestion des déchets" et de "compenser la forte augmentation prévue de la TGAP sur l’enfouissement et l’incinération par une diminution de la fiscalité 'déchets' (notamment TVA) des collectivités", afin de favoriser les communes les plus "vertueuses".
Plans de prévention dans certaines entreprises
Au chapitre de l'éco-conception, Jacques Vernier défend par ailleurs l'idée de demander aux entreprises d’une certaine taille de remettre tous les 5 ans un plan de prévention et d’écoconception, individuel ou sectoriel et d’évaluer le plan quinquennal précédent à l’occasion du dépôt du plan quinquennal suivant. La mesure a été mise en œuvre avec succès en Belgique, auprès de 700 entreprises, soutient le rapporteur. Il est par ailleurs favorable à l'expérimentation d'un système de consigne dans une collectivité volontaire, où le taux de collecte serait très bas. Il faudrait selon lui mettre en place cette consigne, non seulement pour les emballages dont le matériau est recyclable, mais aussi pour les emballages réemployables.
Rôle et gouvernance des éco-organismes
D'autres mesures concernent le rôle des éco-organismes. Jacques Vernier propose ainsi de permettre aux éco-organismes financiers comme Citeo, qui rétribue les collectivités mais n'intervient pas opérationnellement dans la collecte, le tri et la valorisation des déchets de récupérer la compétence de tri et de revente des matières des collectivités locales volontaires. L’Etat est pour sa part invité à "prendre en charge financièrement le manque de financement de la filière 'papiers' et donc le manque à gagner des collectivités locales, dû aux décisions prises par l’Etat dans les deux domaines du livre et de la presse". Le rapport propose aussi d'assigner aux éco-organismes des objectifs quantitatifs d'activité confiée à l'économie sociale et solidaire, notamment en matière de préparation à la réutilisation. Jacques Vernier préconise également d'instituer des pénalités financières sur les éco-organismes pour non atteinte des objectifs de collecte, de recyclage, etc., à l'image des sanctions pécuniaires mises en place pour les ventes d'énergie. Il suggère également de prévoir qu’en cas de défaillance d’un éco-organisme, les éco-contributions versées par les producteurs soient immédiatement transférées à l’un des éco-organismes en charge des filières financières, afin de ne pas pénaliser les collectivités locales. Il se montre en outre favorable à une division par cinq du volume de la réglementation, en remplaçant certaines obligations de moyens par des obligations de résultat sanctionnables et "en évitant le 'fouillamini' de textes redondants". Il propose aussi d'agréer les éco-organismes (et systèmes individuels) pour une durée illimitée, au lieu de six ans actuellement, "avec cependant revoyure périodique de quelques items" (barèmes, objectifs…). Une seule commission des filières REP (au lieu de 14) pourrait être instituée. Elle serait apte à donner son avis sur les cahiers des charges et les agréments des éco-organismes, "au nom de l’intérêt général". Il faudrait aussi selon Jacques Vernier "créer une autorité administrative indépendante exerçant l’essentiel des tâches effectuées actuellement par l’Ademe et le ministère, financée en grande partie par les producteurs, capable de prononcer des sanctions, lesdites sanctions étant affectées à l’Ademe".
Améliorer la communication
En termes de communication, le rapport propose de modifier la loi pour que la contribution en nature de la presse serve à des campagnes de communication sur la prévention, le tri sélectif et le recyclage de tous les produits et pas seulement des papiers. L’Ademe serait aussi invitée à fournir aux collectivités locales des encarts tout prêts (pour différents formats papier et pour leur site Internet) sur toutes les filières REP. Enfin, Jacques Vernier appelle à rendre obligatoire l’apposition matérielle du Triman (symbole du produit recyclable) sur les produits eux-mêmes ou sur un objet clairement visible par le consommateur au moment de son achat.