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Transports - Un rapport propose un train de mesures pour relancer le fret ferroviaire

L'Assemblée nationale vient de mettre en ligne le rapport d'information de Yanick Paternotte sur le fret ferroviaire. Dans le cadre de l'instauration d'un comité de suivi sur les questions ferroviaires par le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée, le député du Val-d'Oise avait été chargé en novembre dernier de formuler des propositions pour relancer le transport de marchandises par chemin de fer, en grande difficulté depuis plusieurs années. "Au cours des cinq dernières années, près de 3,5 milliards d'euros auraient été injectés par l'Etat et la SNCF dans l'économie du fret ferroviaire en vue de la soutenir, note ainsi Yanick Paternotte. Cette action volontariste n'a malheureusement pas abouti, les pertes du secteur ayant atteint 350 millions d'euros en 2008. Avec la crise mondiale - qui pose notamment le problème de la capacité de réaction rapide du ferroviaire aux aléas de l'activité économique -, les pertes pourraient atteindre 600 millions cette année." Une situation que le député juge "à bien des égards paradoxale". En effet, "la légitimité du chemin de fer à acheminer les marchandises qui irriguent l'activité économique est plus forte que jamais car elle est au coeur des enjeux environnementaux", souligne-t-il.
Il propose donc dix mesures pour relancer le fret ferroviaire. La première consiste à ouvrir la grande vitesse au fret ferroviaire, y compris la nuit : ouverture des lignes et encouragement au développement du fret rapide - fret express et fret cargo.

Il suggère aussi de réintroduire la mixité d'usage des rames et des infrastructures entre le transport de voyageurs et le fret. Cela pourrait passer par "la (re)constitution de convois mixtes, composés de wagons de voyageurs et de messagerie, en particulier dans les TER mais aussi, à plus long terme, dans d'autres configurations. On pense notamment aux zones de montagne, aux territoires dans lesquels la circulation de poids lourds crée le plus de dommages pour la sécurité et l'environnement, ainsi qu'aux zones suburbaines dans lesquelles le trafic est souvent saturé". Autre voie possible : "L'affectation de capacités du réseau à la circulation de convois de fret expérimentant des formes nouvelles, en particulier pour la desserte fine des centres villes aujourd'hui saturés et pollués." Dans les grandes métropoles régionales qui disposent de tramways, il suggère ainsi d'utiliser ce réseau - y compris la nuit, lorsque les rames de voyageurs sont à l'arrêt - pour acheminer jusqu'au coeur des villes le fret aujourd'hui livré par les camions de moyen tonnage et les camionnettes. "Combiné à l'utilisation de véhicules électriques pour assurer la desserte finale, le "cargotram" offre la perspective d'un mode doux, efficace et porteur des valeurs environnementales que les citoyens des grandes villes plébiscitent aujourd'hui", souligne Yanick Paternotte.

Le rapport propose aussi de "confier à un établissement public - qui pourrait être Réseau ferré de France - la gestion des gares de fret et des embranchements fret (voies de débord)", actuellement propriétés de l'Etat.

Les régions ou les chambres régionales de commerce et d'industrie (CRCI) qui le souhaitent pourraient devenir les chefs de file de la gestion du fret de proximité, "en vue de favoriser l'émergence de plusieurs plates-formes de fret régionales (hubs régionaux) reliées entre elles, multimodales, conçues selon les besoins spécifiques des chargeurs locaux, dans - et entre - les principaux centres d'activité névralgiques de notre pays", avance encore Yanick Paternotte qui insiste aussi sur la nécessite de "garantir au fret des sillons de qualité" et de "proposer aux opérateurs ferroviaires de fret des tarifs de péages abordables".

Il faudrait aussi "favoriser la réalisation des embranchements nécessaires à l'activité des opérateurs ferroviaires de proximité, ainsi que d'opérations de contournement de certaines métropoles", estime le député qui suggère de construire, hors agglomération, des lignes dédiées au fret pour limiter l'impact des transports sur l'environnement.

Le rapporteur insiste aussi sur la nécessité d'"accompagner la régénération du réseau, en favorisant notamment les partenariats public-privé (PPP)". Il propose également de filialiser la branche fret de la SNCF en créant un établissement public permettant de garantir aux personnels en place leur statut et leur rémunération.

Pour répondre au défi environnemental, il plaide pour un renforcement de la réglementation sur les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds et veut faire échec à la généralisation des camions de très grande capacité - gigaliners de 25 mètres et 60 tonnes - en vue de préserver le wagon isolé. Enfin, il propose "d'imaginer des modes de financement innovants pour généraliser les mesures de protection environnementales : parois anti-bruit, enfouissement, opérations paysagées, réhabilitation de friches industrielles, etc." destinées à "renforcer l'acceptabilité du fret - notamment nocturne - par les riverains".

 

Anne Lenormand