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Transports - Le Sénat entame l'examen du projet de loi instaurant une autorité de régulation des activités ferroviaires

Le 19 février, les sénateurs ont entamé la discussion du projet de loi sur l'organisation et la régulation des transports ferroviaires défendu par Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports. Resituant d'emblée le double contexte d'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire depuis 2006 (sept opérateurs autres que la SNCF couvrent 10% du marché en 2008) et celle des services de transport internationaux de voyageurs au 13 décembre 2009, Dominique Bussereau a planté le décor. Il a rappelé que ce texte s'inscrit dans la lignée des recommandations formulées par le rapport d'Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, et vise avant tout à se mettre en conformité avec le droit communautaire. Plusieurs paquets ferroviaires européens ont été progressivement adoptés depuis 1991.
Le texte actuellement en discussion au Sénat vient transcrire des dispositions du troisième paquet, ainsi qu'une partie de directive relevant du premier paquet. Quant au deuxième paquet, c'est par la voie d'amendements au projet de loi que la transposition imparfaite de ses dispositions devrait être rétablie.
Dès lors, le texte se concentre essentiellement sur les conditions de régulation de la concurrence. Il y a en effet urgence, la France ayant été mise en demeure l'été dernier pour mauvaise transposition. "L'ouverture à la concurrence doit avoir lieu dans des conditions équilibrées et transparentes. Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif de régulation garantissant à tous les opérateurs un accès équitable au réseau ferré", a précisé le secrétaire d'Etat. Une Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) endossera ce rôle. Organisée selon un modèle comparable à celui de la Commission de régulation de l'énergie, elle s'appuiera sur un effectif de soixante personnes, un budget annuel de 8 millions d'euros et disposera d'un pouvoir de régulation, d'investigation et de sanction. Des amendements déposés par la commission des affaires économiques ont renforcé ses prérogatives de contrôle, son indépendance et sa robustesse, comme l'avait préconisé au préalable la Cour des comptes.
L'Araf sera par ailleurs consultée sur les textes réglementaires concernant les chemins de fer, notamment le document de référence du réseau, et formulera des avis sur les tarifs pratiqués. Bref, selon l'expression d'Hubert Haenel, "elle se doit d'être la clé de voûte d'un système reconfiguré".
L'ouverture à la concurrence du TER n'étant pas prévue par le droit communautaire, le projet de loi n'y fait pas référence. Néanmoins, des élus, alsaciens notamment, ayant manifesté leur intérêt pour cette option, le secrétaire d'Etat a précisé que "si des régions en font la demande à l'État, nous pourrons leur donner la possibilité de libéraliser leurs services TER, par une modification législative de la Loti [loi d'orientation sur les transports intérieurs, NDLR], sur laquelle les sénateurs devraient alors se prononcer". Dans ce sens, un groupe de travail ministériel semble se constituer autour de cette problématique. L'article 2 du texte intéresse également les collectivités. En effet, c'est à leur demande qu'il inscrit le développement d'opérateurs de proximité en vue de régénérer des lignes de fret local et de mieux assurer la desserte des ports.
L'opposition a sévèrement critiqué ce texte et tenté de faire passer des premiers amendements, pour la plupart rejetés, sauf un remettant en avant la notion de "service public ferroviaire"."Ce texte met en péril le financement de l'ensemble du réseau et accentuera la désertification ferroviaire de l'Auvergne, du Limousin, du Centre et des régions de montagne pour saturer des lignes déjà surchargées", a ainsi mis en garde Mireille Schurch, sénatrice de l'Allier. Yvon Colin, sénateur de Tarn-et-Garonne, a par ailleurs souligné le décalage ressenti "entre le discours national qui valorise une politique ferroviaire dynamique et la réalité locale, qui voit la suppression de lignes et d'arrêts en gare. Alors que la région Midi-Pyrénées améliore le réseau ferré, elle subit ainsi dans le même temps des suppressions de lignes".
120 amendements ont été déposés sur ce texte. Dominique Bussereau en a déposé un tardivement. Il propose de créer au sein de la SNCF un "service séparé du reste qui devra gérer le trafic et la circulation sur le réseau ferroviaire national, la production et la gestion des sillons". Autre amendement intéressant, celui déposé puis retiré par Nathalie Goulet, sénatrice de l'Orne. Elle proposait en effet "que des collectivités puissent réhabiliter des tronçons de voies ferrées désaffectées" ce qui a soulevé une esquisse de débat. La prochaine séance d'examen est prévue le 9 mars.

 

Morgan Boëdec / Victoires-Editions