Un rapport inter-inspections alerte à son tour sur le risque que font peser les pesticides et leurs métabolites sur l’eau potable
Un rapport Igas/IGEDD/CGAAER, enfin rendu public, alerte sur la dégradation de l’eau potable due aux pesticides et à leurs métabolites. Il propose notamment, en amont, de revoir le dispositif de protection des aires de captage et, en aval, d’aider les collectivités où la situation est la plus critique à faire face au coût des solutions curatives.
Remis en juin, le rapport commun Igas/IGEDD/CGAAER relatif à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l’eau potable est désormais accessible. Principale conclusion : la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine se dégrade, mais cette dégradation résulte avant tout d’une amélioration du "thermomètre", de nouveaux métabolites étant pris en compte ("la préservation de la qualité des ressources en eau est en échec pour ce qui concerne les pesticides", est-il relevé). Amélioré, ce thermomètre devrait néanmoins l’être davantage encore, plaident les auteurs de l’étude, qui jugent que la règlementation "ne prend pas suffisamment en compte les effets combinés potentiels sur la santé de mélanges de différentes substances chimiques". Pour autant, ils estiment que l’accent mis sur ces substances "ne doit pas faire oublier les autres voies d’exposition principales que sont l’alimentation et l’air".
Responsabiliser les metteurs sur le marché et les agriculteurs
Déplorant que les collectivités responsables du service de l’eau potable, les préfets et les autorités sanitaires soient "obligés de porter une responsabilité en continuant à distribuer des eaux dont la qualité n’est pas conforme alors que les causes de cette dégradation de cette qualité relèvent de tiers", les auteurs jugent "illusoire de prétendre régler le problème" sans renforcer en amont l’évaluation des effets des métabolites lors de l’approbation de leurs substances mères d’une part, et sans généraliser les pratiques culturales à bas niveau d’intrants dans les aires d’alimentation de captages d’autre part. En l’espèce, ils estiment que l’actuel dispositif de protection des captages, "complexe et peu efficace, est à revoir". D’autant plus que les solutions curatives, coûteuses, "vont impacter le prix de l’eau". Ils jugent d’ailleurs "indispensable" d’augmenter les recettes des agences de l’eau obtenues via la redevance pour pollution diffuse.
Renforcer la protection des aires de captage
Constatant que les "zones soumises à contraintes environnementales sont peu mises en œuvre", ils recommandent ainsi d’instituer une telle zone sur toutes les aires de captage en dépassement ou proches des limites de qualité pour les pesticides et leurs métabolites, en complément du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux de la collectivité, et "avec un programme d’actions avec objectifs et indicateurs de résultats". Et en cas de non atteinte des objectifs de ce premier plan, ils recommandent de restreindre, voire d’interdire, l’usage de produits phytopharmaceutiques sur ces aires, moyennant des indemnités compensatoires pour les agriculteurs concernés.
Nécessaire solidarité territoriale
Alors que le besoin de solidarité territoriale est régulièrement affirmé, les auteurs plaident également pour "apporter un financement public aux investissements de traitement à un taux d’autant plus élevé que la densité de la population desservie est faible", avec un co-financement "pouvant atteindre 80% de la subvention", issue de l’État (via la DETR et la DSIL et les crédits de planification écologique), de l’agence de l’eau et du conseil départemental au titre précisément de la compétence de solidarité territoriale de ce dernier. Le solde serait assuré par un prêt à très long terme, "du type aqua prêt de la Banque des Territoires".
Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
Ils déplorent encore une information des consommateurs, "bien qu’obligatoire, inégale et souvent incomplète". Tout en soulignant en conclusion le risque que "des mesures de gestion difficiles à comprendre par les consommateurs" n’altèrent la confiance de ces derniers dans la qualité de l’eau potable, "un des produits alimentaires les plus contrôlés".