Culture - Un rapport du Sénat promeut le mécénat comme "outil indispensable de la vitalité culturelle"
Quinze ans après la loi "Aillagon", un rapport signé du sénateur Alain Schmitz estime que le mécénat culturel est plus que jamais un "outil indispensable de la vitalité culturelle". Il suggère notamment de développer le "mécénat territorial" dans le cadre duquel les collectivités pourraient impulser et animer des "clubs de mécènes", en partenariat avec les Drac.
Juste avant la fin de la session parlementaire, Alain Schmitz, sénateur (LR) des Yvelines, a présenté devant la commission des affaires culturelles du Sénat un rapport intitulé "Le mécénat culturel : outil indispensable de la vitalité culturelle". Ce rapport est le fruit des travaux d'une mission d'information sur le mécénat culturel, regroupant une douzaine de sénateurs et présidée par Maryvonne Blondin, sénatrice (PS) du Finistère.
Le document n'a pas fait l'objet d'une publication, mais a donné lieu à une présentation devant la commission des affaires culturelles du 25 juillet, ainsi qu'à un document de synthèse. Sa diffusion intervient, en outre, alors qu'on célèbre le quinzième anniversaire de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations (dite loi Aillagon).
La culture est "passée au second rang"
La mission d'information juge d'ailleurs le dispositif mis en place par la loi Aillagon "particulièrement attractif". Celle-ci a en effet sécurisé la pratique du mécénat sur le plan juridique, tout en encourageant son développement par le biais d'incitations fiscales. Preuve du succès de cette approche : la dépense fiscale correspondante s'est fortement accrue, passant de 150 millions d'euros en 2005 à 930 millions d'euros en 2016, ce qui fait de l'État le premier contributeur des actions de mécénat...
Le problème est que la culture, longtemps privilégiée par le mécénat, est désormais "passée au second rang", derrière le social et se trouve aujourd'hui pratiquement à égalité avec le sport. Le social représente en effet 29% des entreprises mécènes pour 22% du budget total, contre 24% et 13 à 15% pour la culture (soit 500 millions d'euros).
S'appuyant sur les auditions de la mission, le rapport relève d'ailleurs que "même dans le domaine culturel, [...] les donateurs privilégient les projets à forte composante sociale, tels ceux qui visent à faciliter l'accès à la culture des jeunes ou des publics empêchés". Une évolution qui s'explique en particulier par le développement rapide de la RSE (responsabilité sociétale et environnementale) au sein des entreprises.
Pour autant, le mécénat culturel reste "une manne essentielle pour les acteurs culturels dans la période actuelle", marquée notamment par les restrictions budgétaires des collectivités. Il se traduit par le recours croissant à une combinaison de financements publics et de financements privés. Cela vaut notamment pour les musées, le spectacle vivant ou le patrimoine.
Le mécénat ne doit pas compenser le désengagement de l'État et des collectivités
Le rapport de la mission d'information dégage aussi un certain nombre de conclusions. Ainsi, il considère que "le mécénat n'a pas vocation à compenser le désengagement de l'État". En d'autres termes, il ne doit pas servir de prétexte à une baisse de financements de l'État et des collectivités.
Ensuite, la mission s'étonne d'"un manque de données problématique" sur la réalité, la répartition et les modalités du mécénat. Elle estime néanmoins que le potentiel de dons en matière de mécénat culturel "peut encore être accru", en particulier parmi les PME et les TPE, mais aussi chez les particuliers (même si l'appel aux dons lancé par Stéphane Bern en faveur du patrimoine, à côté du futur loto, se révèle pour l'instant assez décevant).
La mission d'information juge également indispensable de développer le "mécénat territorial". Les Drac pourraient notamment jouer un rôle moteur pour fédérer les acteurs locaux et animer des rencontres en vue de faciliter la création de réseaux entre le monde de la culture et le monde de l'entreprise. Pour leur part, les collectivités pourraient impulser et animer des "clubs de mécènes", en s'appuyant sur la création de fonds de dotation.
Des "inquiétudes fortes" sur les récentes réformes fiscales
Sur le plan juridique et financier, la mission d'information s'inquiète de la multiplicité des régimes de fonds et fondations, "qui peut se révéler dissuasive". S'y ajoutent des "inquiétudes fortes autour des récentes réformes fiscales". La remarque vise l'entrée en vigueur du prélèvement à la source à partir du 1er janvier 2019 et la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) par la loi de finances pour 2018. Selon la mission, ces réformes "ont des conséquences dramatiques sur le niveau des dons. Les premières analyses effectuées au début du mois de juillet laissent apparaître des baisses dans le niveau des collectes de l'ordre de 60%".
Plus surprenant, l'évocation de "la disparition de la dotation d'action parlementaire - plus connue sous le nom de 'réserve parlementaire' - dont le rôle était indispensable pour financer des actions culturelles au niveau local et pallier les baisses de subvention des collectivités territoriales".