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Patrimoine - La culture de plus en plus accro au crowdfunding

Face à la contraction de leurs moyens et au recul du mécénat d'entreprise (voir notre article ci-contre du 3 avril 2014), les collectivités et les institutions culturelles ont de plus en plus tendance à faire appel aux particuliers. Le phénomène n'est certes pas propre au secteur culturel, mais il y prend un relief particulier car il surfe sur l'intérêt croissant du public. Plusieurs exemples récents montrent que les collectivités, mais aussi les institutions culturelles nationales, n'hésitent pas à faire feu de tout bois pour financer acquisitions et restaurations.

Le CACP de Bordeaux invente le "ticket mécène"

La palme de l'originalité revient au CAPC-musée d'art contemporain de Bordeaux, qui a carrément inventé - et déposé à l'Inpi (Institut national de la propriété industrielle) - le concept de "ticket mécène". Unique en France au sein des musées, "ce dispositif intègre pleinement les nouveaux réflexes du crowdfunding
 (financement participatif) dans la sphère artistique et vient s'ajouter aux processus habituels d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques", selon les initiateurs. En pratique, les visiteurs qui souhaitent participer à l'opération "ticket mécène" sont invités à verser une contribution spéciale de 3 euros minimum, en complément de leur billet d'entrée, afin de contribuer à l'acquisition de l'œuvre sélectionnée pour intégrer la collection du CAPC. En contrepartie, les visiteurs-donateurs reçoivent un magnet représentant un fragment de l'œuvre. Ils bénéficient également d'une information régulière sur l'avancement de l"opération et sont invités à la présentation de l'acquisition, en présence de l'artiste. Deux œuvres ont déjà été acquises par ce biais.
L'opération semble séduire d'autres collectivités puisque, le 2 mars 2015, le conseil municipal de Bordeaux a voté la concession - pour cinq ans et à titre gracieux - du droit d'usage du "ticket mécène" au profit de la ville de Chartres. Celle-ci en avait fait la demande en vue de contribuer au financement de restaurations ou d'acquisitions pour son musée des Beaux-Arts.

Saint Martin a son compte Twitter

Afin de financer la restauration de la statue de saint Martin de Tours (celui qui partagea son manteau) - qui a dû être déposée, il y a un an, car elle menaçait de tomber du dôme de la basilique qui la supporte -, la ville de Tours a lancé, au début du mois de mars, une grande souscription publique sous l'intitulé "Partageons les valeurs de notre territoire".
Les moyens mis en œuvre sont à la hauteur du coût de l'opération (estimé à 1,7 million d'euros) : exposition de la statue du saint dans la cour de l'hôtel de ville avant son départ en restauration, création d'un site internet dédié à la souscription publique (avec traductions en anglais, espagnol, italien et allemand), page Facebook et compte Twitter...
Les grandes institutions nationales ne sont pas en reste. Le théâtre de l'Odéon à Paris devient ainsi le premier théâtre à faire appel au crowdfunding. Objectif : lever 30.000 euros, entre le 9 mars et le 19 avril, pour étendre un programme à destination des élèves de réseau d'éducation prioritaire (REP), intitulé "Génération(s) Odéon".
Ce programme accompagne, sur deux ans, des élèves de quatrième dans un parcours de découverte et de pratique théâtrales. Les mécènes, qui peuvent faire un don sur un site dédié, seront notamment invités à la restitution du spectacle, en juin 2017 à l'Odéon-Théâtre de l'Europe.

Pierres précieuses et girafes... mortes ou vives

Autre grande institution familière du mécénat et du parrainage : le Muséum national d'histoire nationale (MNHM). Depuis la réouverture du parc zoologique de Paris (ex "zoo de Vincennes") - après six ans de fermeture et trois ans de travaux -, il est possible de parrainer une trentaine d'animaux emblématiques. Les amis des bêtes peuvent ainsi parrainer Adeline la girafe d'Afrique de l'Ouest, Aramis le jaguar, Pigloo le manchot, Tinus le lamantin ou Wami le rhinocéros blanc, mais aussi Mandi le boa de Madagascar, Tana la grenouille tomate ou Tegu la mygale terrestre. Chaque animal a sa page détaillée et les mécènes bénéficient des avantages habituels.
Plus original, le MNHM a fait appel à la plateforme de crowdfunding MyMajorCompany pour acquérir trois pierres rares pour sa galerie de minéralogie : une spharélite, une bourbonite et un béryl. L'opération se fait en trois paliers, correspondant au prix croissant de ces pièces. L'opération - qui n'était pas gagnée d'avance dans la mesure où une pierre de 6 cm de haut suscite a priori moins d'empathie qu'une girafe - a d'ores et déjà permis d'acquérir la spharélite (6.600 euros).
Enfin, si le MNHM propose de parrainer une girafe vivante, le Muséum d'histoire naturelle de Toulouse propose, lui, de parrainer une girafe... morte ! Plus précisément, le muséum - considéré comme le second de France - fait appel au crowdfunding pour financer la naturalisation d'une girafe. Dénommée Gaspard et haute de près de quatre mètres, celle-ci est décédée l'été dernier au parc animalier du Reynou, près de Limoges. Sa naturalisation représente un travail de plusieurs mois et un coût de l'ordre de 25.000 euros.

 

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