Développement des territoires - Les collectivités pourraient recourir plus largement au mécénat
Alors que l'horizon financier s'assombrit pour les collectivités territoriales, le mécénat pourrait constituer plus souvent un moyen complémentaire de financement pour ces dernières, indique la "première étude française" réalisée sur le sujet.
Les auteurs de l'étude - Excel, agence conseil en mécénat et la société EY (anciennement dénommée Ernst & Young) - en sont persuadés : "un marché existe" et "ses potentiels sont encore largement inexploités". La preuve : près des trois quarts des Français sont favorables au mécénat des entreprises à destination des collectivités et la moitié ne verrait pas d'inconvénient à ce que les collectivités sollicitent les particuliers pour des dons, "afin de financer des projets d’intérêt général sur leur territoire". Le sondage qu'OpinionWay a mené dans le cadre de l'étude auprès de 1.060 personnes révèle même que près d'un tiers des Français envisagerait de participer à ce type d'opération, avec un don médian se situant à 49 euros. La réduction d'impôt à laquelle ils ont droit – à l'instar des entreprises – ne serait pas le principal facteur déclenchant. Les Français seraient en effet avant tout sensibles à un projet contribuant au "développement de leur territoire" ou qui "les touche directement, eux ou leurs proches".
Ce sont effectivement des motivations de cet ordre qui ont par exemple prévalu lors de la souscription publique lancée en 2012 par le conseil général du Doubs pour l'acquisition du Chêne de Flagey de Gustave Courbet, peintre originaire de ce département. Un véritable succès, puisque 1.200 particuliers y ont participé. Leur générosité et celle de plus de 60 entreprises locales et régionales ont permis de recueillir 2,7 millions d'euros, soit plus que l'objectif fixé au départ.
Alors que cette opération était ponctuelle, d'autres collectivités sont allées plus loin, en mettant en place des démarches pérennes de mécénat pour diversifier le financement d'actions, essentiellement dans les domaines de la culture et de la solidarité.
"Sélectionner les bons projets"
La ville du Havre rassemble ainsi, chaque année, des fiches détaillées sur ses projets en tous genres (culturels, sociaux, sportifs, éducatifs…). Elle présente ce "catalogue" à plus d'une centaine de chefs d'entreprises de l'agglomération ou de la région. La quinzaine d'entreprises ayant répondu à l'appel à générosité de la ville a permis à celle-ci de réunir 600.000 euros l'année dernière. De son côté, la cellule mécénat du conseil général des Hauts-de-Seine a récolté 180.000 euros en 2013-2014, pour financer des expositions au sein des musées départementaux, ou encore la rénovation à Boulogne-Billancourt du musée dédié à la mémoire du banquier philanthrope Albert-Kahn.
De telles démarches ne s'improvisent pas. Il faut au préalable "évaluer les attentes et potentiels de dons des entreprises", conseille Patrice Moueza, en charge du dossier à la ville de Rouen. "Sélectionner les bons projets, qui répondront aux attentes du mécène" et "se conformer à l’obligation de transparence" sont deux principes à respecter impérativement, assure de son côté Sylvain Reymond, consultant chez Excel. Comme le montre l'expérience des collectivités pionnières, il faut aussi faire beaucoup de pédagogie tant au sein de l'administration de la collectivité que chez les entreprises privées. Car, de part et d'autre, les résistances et réticences se révèlent nombreuses. Au-delà du complément de financement qu'il permet, le mécénat a donc aussi pour mérite de fédérer les énergies publiques et privées au bénéfice de projets de territoire.
