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Personnes âgées : un premier pas dans la prévention de la perte d'autonomie... toujours en attendant la loi

Agnès Buzyn a présenté ce 16 janvier la "Stratégie globale pour prévenir la perte d'autonomie". La vingtaine de mesures évoquées ne passent pas par la loi, sachant que le projet de loi Grand Âge et autonomie n'est pas pour tout de suite. Lancement d'une application d'autoévaluation, "rendez-vous prévention" pour tous les nouveaux retraités, programme de dépistage des fragilités, admission directe dans les services hospitaliers des personnes âgées dépendantes, meilleure prise en charge dans les Ehpad, renforcement des conférences des financeurs... Julien Denormandie a pour sa part insisté sur les mesures liées à l'adaptation du logement.

En présentant ce 16 janvier la "Stratégie globale pour prévenir la perte d'autonomie", Agnès Buzyn a bien pris soin d'évacuer rapidement le sujet sur lequel l'attendaient tous les journalistes présents : l'état d'avancement et le calendrier du projet de loi Grand Âge et autonomie, dont les reports successifs commencent à inquiéter les acteurs du secteur (voir l'encadré de notre article ci-dessous du 20 décembre 2019). Là-dessus, la ministre des Solidarités et de la Santé s'en est tenue à une seule phrase : ses services travaillent "d'arrache-pied" sur un projet de loi "dont les contours seront concertés au premier semestre", autrement dit qui pourrait ne pas être présenté en conseil des ministres avant la rentrée de septembre 2020.

Le logement en première ligne

S'il est vrai que la réunion était consacrée uniquement à la question – déjà très vaste en soi – de la prévention de la perte d'autonomie, seules ont donc été évoquées des mesures ne passant pas par la loi, puisque ce serait déjà dévoiler le contenu du futur texte. Avant la présentation de la stratégie de prévention, la matinée a été marquée par l'intervention – très inhabituelle dans la salle Pierre Laroque du ministère des Solidarités et de la Santé – de Julien Denormandie. Une présence qui entend symboliser le caractère transversal et interministériel de la prévention de la perte d'autonomie.

Le ministre de la Ville et du Logement n'a pas annoncé de mesures nouvelles, mais a rappelé l'action menée en la matière, en la centrant sur trois grands points. Le premier est la montée en charge de la politique d'adaptation du logement aux effets du vieillissement, pour laquelle il a fixé à l'Anah (Agence nationale de l'habitat) des objectifs "incroyablement ambitieux", dont celui de développer une offre globale allant d'aménagements ponctuels à une refonte complète du logement.

Second point, sur lequel le ministre du Logement a longuement insisté : l'aménagement et la sécurisation de la salle de bains, qui devient la pièce de tous les dangers lorsqu'apparaissent les premiers signes de la perte d'autonomie, au point d'être souvent à l'origine de l'admission en Ehpad. Un plan d'un milliard d'euros, financé par Action logement, doit permettre d'aménager 200.000 salles de bains, notamment en transformant la baignoire en douche, grâce à une subvention pouvant aller jusqu'à 5.000 euros pour les personnes à revenus modestes (voir notre article ci-dessous du 20 septembre 2019). Un site adaptation-douche.gouv.fr devrait très prochainement faciliter l'accès à cette aide.

Enfin, la troisième action résulte de la loi Elan du 23 novembre 2018 (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique). Elle concerne la création du concept de "logement évolutif". Si celui-ci a été très mal reçu par les associations de personnes handicapées – il se substitue en effet à l'accessibilité universelle prévue par la loi Handicap de 2005 –, il peut en revanche présenter des avantages significatifs pour les personnes âgées, en facilitant l'adaptation du logement au moyen de "travaux simples" (voir notre article ci-dessous du 28 octobre 2019)

De la conférence des financeurs à la conférence de l'autonomie

Avant l'intervention d'Agnès Buzyn, une table ronde a permis de procéder à un – très rapide – tour d'horizon de plusieurs initiatives en cours. Le professeur Bruno Vellas, responsable du gérontopôle de Toulouse, a ainsi présenté la démarche Icope (Integrated Care for Older People / Soins intégrés pour les personnes âgées), une application mobile développée par l'OMS permettant de mesurer en quelques minutes – et de suivre au fil du temps – les capacités d'une personne âgée, avec possibilité de s'évaluer soi-même. Pour sa part, le docteur Simone Fiorentino a présenté l'action de prévention menée par les centres de santé de l'assurance maladie et par l'assurance retraite dans le cadre de la politique du "bien-vieillir".

Autre intervention à signaler, celle de Marie-Anne Montchamp, la présidente de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), qui a insisté, au-delà des aspects médicaux et sociaux, sur la dimension sociétale de la prévention de la perte d'autonomie et, plus particulièrement, sur l'impact délétère de l'isolement de nombreuses personnes âgées. Pour l'ancienne députée et secrétaire d'État dans le champ social, la prise de conscience remonte au drame de la canicule de 2003 et la réponse ne peut passer que par des réponses de terrain. Elle compte notamment sur la réussite des conférences des financeurs, présentes dans chaque département et qui devraient évoluer vers des conférences de l'autonomie.

Enfin, Philippe Wahl, le président directeur général du Groupe la Poste, a réitéré l'engagement de son entreprise dans le développement de services de proximité auprès des personnes âgées, notamment isolées, en s'appuyant sur le réseau incomparable des facteurs. Après le service "Veiller sur mes parents", le Groupe la Poste développe aussi d'autres services comme la livraison de médicaments ou de repas (il vient de remporter un marché avec la ville de Nice). Travaillant déjà avec une dizaine de départements, le Groupe estime avoir beaucoup à apprendre de cette collaboration avec des collectivités territoriales et entend bien proposer rapidement d'autres prestations.

Rééquilibrer le préventif et le curatif

En présentant la stratégie de prévention de la perte d'autonomie, Agnès Buzyn a rappelé qu'elle s'inscrit dans une préoccupation plus large du gouvernement, visant à un rééquilibrage entre le curatif – qui a fondé le modèle français de santé – et le préventif. Cette approche a déjà donné lieu à la présentation du plan "Priorité prévention – Rester en bonne santé tout au long de sa vie", le 26 mars 2018 (voir notre article ci-dessous du même jour).

En matière de prévention de la perte d'autonomie, les mesures présentées restent relativement modestes au regard des enjeux, lorsque l'on sait qu'en 2030, les plus de 65 ans seront pour la première fois plus nombreux que les moins de 15 ans et qu'en 2040, la France comptera 10,6 millions de personnes de 75 ans et plus, soit 14,6% de la population (+5,5 points en 25 ans). Mais le projet de loi Grand Âge et autonomie pourrait apporter d'autres mesures et compléter ainsi la stratégie lancée aujourd'hui.

En attendant, la stratégie proposée comprend quatre grands axes : promouvoir la prévention tout au long de la vie pour repousser la perte d'autonomie (prolongement du plan "Priorité prévention" présenté en mars 2018), agir dès 70 ans sur les facteurs accélérant la perte d'autonomie, mettre la préservation de l'autonomie de chaque personne au cœur des priorités des professionnels et, enfin, mettre la France au niveau des pays européens les plus avancés en matière de prévention de la perte d'autonomie, grâce à la recherche et à l'innovation.

Rendez-vous prévention et applications mobiles

Parmi la vingtaine de mesures dévoilées par Agnès Buzyn, on retiendra notamment le lancement à la fin de 2020, par Santé publique France, d'une application "Avancer en âge en bonne santé", visant plus spécialement les 40-45 ans et proposant une autoévaluation de ses besoins en matière de prévention, ainsi que des conseils et des orientations personnalisés.

Sur un autre moment clé – celui du départ en retraite –, il est prévu de généraliser progressivement, dès ce début d'année, l'offre, par les caisses de retraite, d'un "rendez-vous prévention" pour tous les nouveaux retraités, en ciblant plus particulièrement les personnes fragilisées. L'objectif est d'arriver à 200.000 rendez-vous annuels en 2022. Dans le même esprit, le ministère va également lancer, en 2020, l'expérimentation du programme Icope de dépistage des fragilités (voir plus haut), en s'appuyant sur un certain nombre de territoires volontaires.

Plus surprenant : la stratégie prévoit aussi "la diffusion d'un label 'Ville amies des aînés'", distinguant les initiatives locales de lutte contre l'isolement des personnes âgées. L'association Réseau francophone des villes amies des aînés, présidée par François Rebsamen, existe pourtant depuis 2012 (le réseau mondial ayant été créé par l'OMS en 2010) et compte déjà 145 collectivités adhérentes regroupant 12 millions d'habitants. De même, il est prévu que les jeunes du service national universel et du service civique "viennent enrichir" les actions menées sur le terrain.

Objectif "zéro passage par les urgences"

Agnès Buzyn a également confirmé sa volonté d'atteindre, dans les cinq ans, l'objectif "zéro passage par les urgences" pour les personnes âgées dépendantes. Une enveloppe de 175 millions d'euros sur cinq ans devrait être affectée à l'atteinte de ce résultat. La mesure s'inscrit dans la démarche, plus large, de refondation des urgences et repose sur une admission directe dans les services hospitaliers, en fonction des pathologies et du parcours antérieur. Dans le même temps, "des mesures seront prises pour renforcer la prise en charge médicale et soignante au sein des Ehpad", qui pourront, comme les hôpitaux, bénéficier du soutien d'équipes mobiles de gériatrie.

Toujours du côté des établissements, des critères de prévention de la perte d'autonomie seront pris en compte, selon des modalités qui restent à préciser, dans la certification des établissements de santé, mais aussi dans leur tarification. Il est, par ailleurs, prévu la création d'un centre de ressources "Prévention de la perte d'autonomie", ainsi qu'un renforcement des conférences des financeurs, comme prôné par la CNSA.

Enfin, certaines mesures, qui ne visent pas spécifiquement la prévention de la perte d'autonomie, devraient néanmoins avoir un impact bénéfique. C'est notamment le cas du "100% santé", qui va améliorer l'accès aux lunettes et aux prothèses auditives. En sachant que l'isolement et la désocialisation trouvent souvent leur source dans l'affaiblissement de la vue ou de l'ouïe. L'expérimentation, dès 2020, d'un autotest de dépistage du déficit auditif pour le grand public et les professionnels de soins primaires devrait également améliorer la situation, de même que la définition de repères professionnels pour le dépistage des troubles de la vision liés au vieillissement.

 

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