Commande publique - Un PPP pour enfouir des lignes électriques ?
La direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'Economie vient de rendre publique une note, adressée à la mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat public-privé (PPP), portant sur l'usage des contrats de partenariat pour l'enfouissement de lignes électriques. Signée par Catherine Bergeal, sa directrice, elle précise les contours de la notion de maîtrise d'ouvrage pour ce type d'opération. Sans se prononcer sur l'urgence ou la complexité du projet - qui n'est pas en question ici -, elle conclut à la possibilité de recourir au contrat de partenariat pour l'enfouissement de lignes électriques et de faire participer le concessionnaire (en l'occurrence ERDF) au financement des travaux.
Revenons sur le projet : afin de réaliser des travaux d’enfouissement du réseau, la commune de Bièvres envisage de conclure un contrat de partenariat. Elle souhaite que le concessionnaire du réseau de distribution participe au financement de l’opération. Mais celui-ci, en l'occurrence ERDF, ne veut pas payer et rappelle, pour s’opposer à ce projet, que la conclusion d’un PPP implique le transfert de la maîtrise d’ouvrage au titulaire privé. Or, selon l'entreprise qui gère 95% du réseau d'électricité français, des textes législatifs et règlementaires spécifiques aux réseaux d'électricité (loi n°46-628 du 8 avril 1946 et art. L.2224-31 du Code général des collectivités territoriales, CGCT) imposent à la collectivité de demeurer maître d’ouvrage en toute circonstances. Une interprétation juridique que ne partage pas la DAJ, qui soutient la commune.
Distinction entre maîtrise d’ouvrage au sens de la loi de 1946 et au sens de la loi MOP
En règle générale, un concessionnaire est seul responsable des investissements nécessaires à l'exploitation du service public qui lui est confié. Mais les réseaux d'électricité sont soumis à des règles particulières : selon la loi du 8 avril 1946, "les collectivités locales concédantes conservent la faculté de faire exécuter en tout ou partie à leur charge" d’éventuels travaux d’amélioration des réseaux de distribution. Et le CGCT précise qu’elles "peuvent" en assurer la maîtrise d’ouvrage (L.2224-31). La DAJ souligne qu'il s’agit là d’une "possibilité" et non d’une obligation comme le sous-entend ERDF.
Pour la DAJ, la notion de "maîtrise d'ouvrage" au sens de la loi de 1946 est distincte de celle de "maîtrise d'ouvrage " au sens de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique (loi MOP). Le législateur de 1946 voulait seulement dire que la commune a "la faculté de faire réaliser certains travaux sur le réseau et de les financer". Ce qui, en l'occurrence, est bien le cas de la commune de Bièvres. Celle-ci a ensuite la liberté de réaliser ces travaux comme elle l'entend, et par exemple en utilisant l'outil du contrat de partenariat. Auquel cas la "maîtrise d'ouvrage" au sens de la loi MOP peut être transférée au partenaire privé. La DAJ ajoute que, quelle que soit la manière d'exécuter les travaux, le contrat de concession qui lie la commune à ERDF s'applique : la société ERDF est donc tenue de participer au financement desdits travaux, comme prévu. Cette obligation a été, ajoute la DAJ, réaffirmée dans la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés afin d'éviter précisément toute contestation d'ERDF sur le sujet.
L’Apasp et Hélène Lemesle
Référence : note de la direction des affaires juridiques du 30 septembre 2010, "Contrat de partenariat. Enfouissement des lignes du réseau de distribution d’électricité."
Rappels sur les partenariats public-privé
Les contrats de partenariat public-privé ont été créés par l’ordonnance du 16 juin 2004. Ce sont des contrats administratifs par lesquels une personne publique confie à un tiers, pour une période déterminée, une mission globale incluant le montage juridique et financier, le financement, la conception, la construction ou la rénovation d’ouvrages, leur maintenance voire leur exploitation. Il s’agit d’une nouvelle forme de partenariat entre secteurs public et privé basée sur des critères de performance et transférant la maîtrise d’ouvrage au titulaire privé.
Dérogatoire aux principes de la commande publique, le recours aux PPP est limité (DC du 26/06/03, n°2003-473 et ordonnance de 2004) et conditionné à l’existence de motifs d’intérêt général tels que l’urgence ou la complexité de l’opération. Une nouvelle fiche technique de la DAJ précise les trois conditions alternatives que sont : l’urgence, la complexité et l’efficience économique. Une autre propose un tableau comparatif des différents systèmes français de partenariat.