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Développement des territoires / Emploi - Un modèle pour mesurer les bénéfices du télétravail pour les territoires

Alors que les lieux de télétravail connaissent un essor sans précédent en France, avec près de 700 tiers-lieux, espaces de coworking ou télécentres répartis sur le territoire, en pratique, les télétravailleurs semblent encore peu nombreux (voir notre encadré). Afin d'encourager les décideurs publics et privés mais également les salariés à franchir le pas, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a publié une série de travaux sur le sujet et met en avant les bénéfices du télétravail, aussi bien pour les entreprises que pour les salariés et les collectivités. En analysant le télétravail à travers le prisme territorial, le CGET fait du développement des territoires le cœur de son sujet et trace de nouvelles perspectives pour l'avenir.

Modéliser les gains du télétravail

Jusqu'ici relativement cantonnée à la relation entreprise-salarié, la littérature sur le télétravail s'ouvre progressivement pour prendre en compte les contextes locaux et territoriaux. Fort d'une longue expérience sur le sujet (1), le CGET fait du télétravail un outil de développement des territoires à part entière et démontre en quoi "il peut être intéressant pour tout le monde" comme le souligne Anne Faure, chargée de mission Usages du numérique au CGET. Pour elle, "l'objectif était de rendre concret, pour les territoires mais également pour les entreprises et les salariés, les gains du télétravail". Sur la base d'une enquête et de trois études de cas – les espaces métropolitains lyonnais, toulousain et strasbourgeois –, le CGET a cherché à modéliser les apports du télétravail pour les territoires. Et de poursuivre, "il s'agissait de sortir des discours pour entrer dans le mesurable". En travaillant sur les freins et les opportunités du télétravail, le CGET a pu créer un modèle théorique articulant une soixantaine d'indicateurs (dont 23 concernent notamment les collectivités) pour aider les acteurs dans leurs décisions. "En confrontant les points de vue des différents acteurs", explique la chargée de mission, "cet outil va par exemple permettre à un élu d'analyser son contexte local et de mesurer concrètement le rapport coûts/bénéfices d'une politique orientée vers le télétravail". Afin de faire du télétravail un véritable levier pour les territoires, le CGET cherche à convaincre les acteurs publics et économiques locaux des bienfaits d'une telle démarche.

Le télétravail : un outil de développement local pour les territoires

Selon Anne Faure, "tout le monde a des critères spécifiques, et les indicateurs prédominants changent en fonction des points de vue". Les indicateurs ont été définis en fonction du point de vue de chaque acteur, toutefois, ils peuvent se recouper et exprimer une même réalité comme l'explique la chargée de mission en prenant l'exemple des économies de temps de trajets : "sur 3 heures hebdomadaires économisées, un salarié va en donner une à son employeur, en consacrer une à des activités utiles au territoire (vie communale ou associative et en conserver une pour lui". Pour les territoires, les gains peuvent être mesurés grâce à quatre typologies d'indicateurs. Une première série d'indicateurs vise à définir le "potentiel" des territoires et permet de simuler le nombre potentiel de télétravailleurs, de tiers-lieux et de recenser les infrastructures existantes (tiers-lieux, dessertes locales, télécommunications, commerces, …). Des indicateurs touchant au "domaine économique" rendent compte des effets sur la population, l'emploi, la consommation ou encore la fiscalité locale mais également le prix de l'immobilier. Troisième thématique, les "déplacements". Sont ici concernés les trajets pendulaires, la congestion du trafic et la pollution. Enfin, les indicateurs liés à la "qualité de vie" permettent de mesurer le temps gagné réinvesti localement par les télétravailleurs, l'accès au service ou encore le maintien des équipements. "Jusqu'à présent méconnue, cette dimension locale peut désormais être mesurée et valorisée, au même titre que les gains en matière de décongestion urbaine", conclut Anne Faure. A terme, on espère du côté du CGET pouvoir articuler l'ensemble des indicateurs au sein d'un simulateur qui simplifierait le calcul pour les élus, les entreprises et les salariés.
Le CGET poursuivra ses travaux sur le télétravail, dans le cadre du Plan national pour le déploiement du télétravail, dont il assure le pilotage par une décision du Comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015.

Ivan Eve / EVS

(1) On peut par exemple penser, entre autres appels à projets ou études, à l'expérimentation menée par la Datar Massif central (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, aujourd'hui rattachée au CGET) entre 2012 et 2014 sur le télétravail dans 11 administrations d'Etat décentralisées sur la zone Aurillac-Figeac-Decazeville (Macéo). 

Le taux "réel" de télétravailleurs autour de 2% en France selon une enquête

Le taux "réel" de télétravailleurs salariés en France est "plus près de 2% que de 16%", chiffre cité notamment dans le rapport daté de septembre 2015 de Bruno Mettling sur la transformation numérique et la vie au travail, selon une enquête de l'observatoire spécialisé Obergo publiée lundi.
"16% de télétravailleurs salariés ? Une esbroufe", estime dans un communiqué Obergo, dont c'est la cinquième étude sur le télétravail. Les précédentes portaient sur les conditions de travail et de vie des salariés concernés par ce mode de travail.
L'observatoire en veut pour preuve les chiffres 2015 des principales entreprises de son échantillon, dont aucune n'atteint le taux de 16%. Selon l'enquête, réalisée par questionnaire ou avec les bilans sociaux des sociétés et qui porte sur plus de 500.000 salariés, Bouygues Télécom atteindrait ainsi un taux de 12% de télétravailleurs, Accenture, une société de services informatiques, 10%, la Caisse des Dépôts 8%, Orange 7%, le Crédit Agricole 2% et La Poste 0,49%.
C'est dans le secteur des technologies de l'information et des communications que le taux de télétravailleurs est "le plus élevé", souligne Obergo, mais "en général loin des 16%" bien que "la proportion d'emplois éligibles au télétravail soit importante" (cadres, salariés autonomes...).
L'observatoire cite toutefois l'exemple d'Equant France, une filiale d'Orange, où les télétravailleurs représentent "47%" des salariés.
Dans les autres secteurs, y compris fonction publique, qui regroupent 90% de l'ensemble des salariés, le nombre de télétravailleurs est "très faible", du fait aussi que de nombreux postes ne sont pas éligibles au télétravail (production, vente directe, services à la personne...).
Dans la Fonction publique, un décret doit encore préciser les modalités de télétravail, en fixant notamment un maximum de trois jours par semaine.
Depuis 2012, le code du travail définit précisément le télétravail : un travail qui "aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur", mais effectué "hors de ces locaux de façon régulière et volontaire" et encadré par un avenant au contrat de travail.
Il exclut donc le télétravail non formalisé alors que les enquêtes régulièrement publiées mêlent souvent les télétravailleurs déclarés et les autres.
La proportion de télétravailleurs de 16,7% citée dans le rapport Mettling vient d'une enquête de 2012 de LBMG Worklabs intégrant le télétravail "non formalisé" (dans plus des deux tiers des cas, selon l'étude).

AFP
 

 

 

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