Mineurs non accompagnés : un arrêté détaille les modalités d'évaluation
Un arrêté du 20 novembre précise la définition de mineur non accompagné et rappelle que "le fait qu'un mineur ne soit pas considéré comme isolé ne l'empêche pas de bénéficier des dispositifs de protection de l'enfance".
Un arrêté du 20 novembre 2019 apporte de nombreuses précisions sur les modalités d'évaluation "des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille", autrement dit des mineurs non accompagnés (MNA). Cet arrêté est pris en application de l'article R.221-11 du code de l'action sociale et des familles, consacré lui aussi à l'évaluation des MNA. Il commence par donner une définition de ces derniers, en précisant qu'"un mineur est considéré comme isolé lorsque aucune personne majeure n'en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se le voir durablement confier, notamment en saisissant le juge compétent".
Une évaluation qui s'appuie sur "un faisceau d'indices"
Dans le cas où une personne manifeste la volonté de se voir confier le mineur, le texte invite le département à porter "une attention particulière" aux motivations de cette dernière, "afin de faire obstacle à toute exploitation ou emprise". L'arrêté rappelle aussi que "le fait qu'un mineur ne soit pas considéré comme isolé ne l'empêche pas de bénéficier des dispositifs de protection de l'enfance".
Il appartient au président du conseil départemental de faire procéder à l'évaluation de la minorité et de l'isolement des personnes se disant MNA. Pour cela, l'évaluation peut s'appuyer sur "un faisceau d'indices" : les informations fournies par le préfet (celles utiles à l'identification et au renseignement du fichier national des MNA), une évaluation sociale reposant sur des entretiens, ainsi que des examens complémentaires (examens radiologiques osseux) permettant de déterminer l'âge.
Pour permettre à la préfecture de jouer son rôle auprès du département, l'arrêté prévoit que le préfet s'engage à organiser l'accueil du MNA "dans un délai raisonnable, par un agent de la préfecture formé et habilité à cet effet, dans un local dédié et selon des modalités adaptées à l'accueil des mineurs", et à communiquer les informations recueillies "de façon sécurisée et sans délai aux agents spécialement habilités à en connaître par le président du conseil départemental". Le président du conseil départemental peut également demander au préfet de vérifier l'authenticité des documents d'identification. Le préfet et le président du conseil départemental peuvent conclure un protocole – susceptible d'être étendu à l'autorité judiciaire – "précisant leurs engagements réciproques et les modalités de coordination des services placés sous leur autorité".
Une formation spécifique pour les évaluateurs
L'arrêté du 20 novembre consacre aussi un long développement à l'organisation et au déroulement des entretiens d'évaluation sociale, qui peuvent être assurés soit par le département lui-même, soit délégués à un organisme du secteur public ou associatif. Les personnes chargées de l'évaluation doivent avoir bénéficié d'une formation spécifique d'une durée minimale de 21 heures et donnant lieu à la délivrance d'une attestation d'assiduité. Il convient également de s'assurer du caractère pluridisciplinaire de l'évaluation sociale. Celui-ci repose sur au moins une des deux modalités suivantes : soit les entretiens sont menés par au moins deux évaluateurs ayant des qualifications ou des expériences différentes (intervenant simultanément ou successivement), soit le rapport d'évaluation sociale est relu par une équipe composée de personnes ayant des qualifications ou des expériences différentes avant validation par le responsable d'équipe.
Dans tous les cas, l'évaluation sociale se déroule "dans une langue comprise par l'intéressé, le cas échéant avec le recours d'un interprète, faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation". La personne est informée des objectifs et des enjeux de l'évaluation sociale, "qui doit être une démarche empreinte de neutralité et de bienveillance". Elle est notamment avertie qu'elle pourra être prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance d'un autre département si elle est reconnue MNA à l'issue de l'évaluation (allusion au dispositif de répartition géographique des MNA entre départements).
L'arrêté précise aussi qu'à chaque stade de l'évaluation sociale, le ou les évaluateurs "veillent à confronter l'apparence physique de la personne évaluée, son comportement, sa capacité à être indépendante et autonome, sa capacité à raisonner et à comprendre les questions posées avec l'âge qu'elle allègue". Ils doivent également être "attentifs à tout signe d'exploitation ou d'emprise dont peut être victime la personne évaluée", l'informer sur les droits des personnes victimes d'exploitation ou de traite des êtres humains, et veiller, le cas échéant, à son accompagnement vers un dépôt de plainte.
Les six points clés des entretiens d'évaluation sociale
Un long article détaille ensuite les six points sur lesquels doit porter, a minima, l'entretien d'évaluation sociale. Chacun d'eux fait l'objet d'une description précise des éléments à investiguer. Ces six points concernent l'état-civil de la personne, la composition familiale, la présentation des conditions de vie dans le pays d'origine, l'exposé des motifs de départ et du parcours migratoire, les conditions de vie depuis l'arrivée en France et, enfin, le projet de la personne.
Après avoir effectué la synthèse du ou des entretiens dans un rapport d'évaluation sociale, le ou les évaluateurs "rendent un avis motivé sur la minorité et l'isolement de la personne" se déclarant MNA. Si des doutes subsistent, ils l'indiquent dans leur avis. Ils transmettent ensuite le rapport d'évaluation sociale et leur avis motivé au président du conseil départemental, ainsi qu'au procureur de la République si l'évaluation a été conclue avant terme Si la personne évaluée en fait la demande, le président du conseil départemental lui communique, outre sa décision, le rapport d'évaluation sociale et l'avis motivé du ou des évaluateurs.
Enfin, l'arrêté rappelle, sans qu'il en soit juridiquement besoin, que la personne reconnue comme MNA "bénéficie des dispositions relatives à la protection de l'enfance". Dans le cas contraire, le président du conseil départemental lui notifie une décision motivée de refus de prise en charge, mentionnant les voies et délais de recours applicables. Il l'informe sur les droits reconnus aux personnes majeures notamment en matière d'hébergement d'urgence, d'aide médicale, de protection contre la traite des êtres humains, d'asile ou de séjour.
Référence : arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l'article R.221-11 du code de l'action sociale et des familles relatif aux modalités de l'évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille (Journal officiel du 24 novembre 2019). |