Assises de la mobilité - Trois mois pour remettre à jour la politique des transports
Le Premier ministre, Edouard Philippe, a ouvert le 19 septembre les Assises de la mobilité et la consultation publique en ligne est lancée, avec au compteur déjà une centaine de contributions. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, en a éclairé les enjeux clés et a détaillé le fonctionnement des ateliers territoriaux qui se tiendront "dans toutes les régions".
Le cap de la concertation est fixé et le ton est donné, délibérément progressiste et tourné vers les territoires et la résolution de problèmes concrets : devant un parterre d'un millier d'invités triés sur le volet, dont les principaux représentants des élus ayant la compétence transport collectif, les grands opérateurs et les think tanks influents du secteur, le Premier ministre, Edouard Philippe, a ouvert le 19 septembre le bal de ces trois mois de concertation publique, dans un palais Brongniart plein à craquer. "Trente-cinq ans après la loi d'orientation des transports intérieurs (Loti), le temps est venu de réfléchir de manière à la fois très ouverte et très organisée, à l’avenir des transports français. Et de nous poser au fond la seule question qui vaille lorsqu’on est un responsable public, national comme local : de quels transports les Français auront-ils besoin d’ici dix à vingt ans ?", a introduit l'ancien maire du Havre (Seine-Maritime) dans son discours d'ouverture aussitôt mis en ligne.
La fracture mobilité au cœur des débats
Le Premier ministre a centré son propos sur "les urgences à traiter, points noirs à résorber, inégalités à corriger et nouveaux services à prévoir, en lien avec l’évolution du pays et de ses territoires". Et mentionné, parmi les "besoins criants" auxquels il faut répondre, celui d’équité, rappelant à ce sujet que "40% de la population réside dans un territoire sans transport collectif", ce qui peut susciter "un sentiment d’injustice, d’abandon" et poser des "problèmes d'accès à l'emploi ou aux services publics".
La fracture mobilité est donc un problème posé sans détour sur la table, ce qui n'est pas sans ravir l'association Wimoov (anciennement Voiture & co, pionnier du covoiturage), qui est également intervenue lors de l'ouverture de ces assises et travaille avec les collectivités pour combattre les obstacles aux déplacements et résoudre les difficultés d'accès à la mobilité qui sont un frein à l'emploi (voir notre article du 20 janvier 2017). "L'aide concrète que nous proposons - de l'accompagnement dans les territoires, de la formation, du suivi individualisé en allant jusqu'à l'aide à l'acquisition d'un véhicule ou d'un vélo pour se déplacer - se fait via des plateformes de mobilité que Wimoov anime. Il y en a une vingtaine dans neuf régions mais pour bien faire, il en faudrait au moins dix fois plus !", indique sa directrice générale Florence Gilbert.
L'urgence de réduire "ces inégalités devant la mobilité entre des territoires ou des zones qui cumulent tous les avantages et d’autres qui cumulent tous les inconvénients ou les obstacles" est l'un des six axes de travail de ces assises, a souligné Edouard Philippe, en ajoutant que "durant ces trois prochains mois, chacune de ces questions sera instruite par les meilleurs experts dont nous disposons, sous l’égide d’une personnalité reconnue pour sa connaissance des sujets" et aussi posée "directement aux Français qui sont les premiers concernés grâce à des consultations que nous organiserons partout en France".
Les débuts d'une consultation
Dans la plateforme mise en ligne le 19 septembre et qui commence fort avec déjà une centaine de contributions figure bien, parmi les six thèmes autour desquels la consultation s'organise, celui des mobilités plus solidaires. A chaque thème ses sous-questions, précises et relativement inédites dans ce type d'exercice ouvert au public, avec par exemple l'une d'elles centrée sur "l'amélioration des déplacements dans les zones rurales et périurbaines". Autre exemple, sous la bannière d'une "mobilité plus soutenable", nécessitant de revoir les modèles économiques et de "concilier entretien, développement et gouvernance des infrastructures" : une sous-question très ciblée sur la façon dont "les règles d’urbanisme pourraient contribuer à une meilleure mobilité". "Des spécialistes de la concertation nous ont conseillé et aider à concevoir cette plateforme", nous éclaire-t-on dans les services de la ministre des Transports, Elisabeth Borne, qui prend en charge et anime cet outil que les collectivités sont invitées à s'approprier pour organiser leurs propres exercices de consultation et débats locaux sur ces questions.
Des ateliers territoriaux en vue
Elisabeth Borne s'est par ailleurs exprimée au sujet de la quinzaine de réunions publiques que son ministère va financer et organiser durant ces prochaines semaines "dans des lieux représentatifs de la diversité des territoires, pas seulement des métropoles et grandes villes mais aussi en territoire rural, et dans toutes les régions, moi-même je participerai à certaines d'entre elles". Les résultats de ces ateliers territoriaux nourriront le volet mobilité de la future loi d'orientation. La ministre a aussi expliqué que les travaux de ces assises s'appuieront sur les conclusions des Etats généraux de la mobilité durable qui ont été organisés l'an dernier par l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et le Groupement des autorités responsables de transport (Gart).
Un Etat moins bâtisseur mais plus régulateur
Ces assises, a ajouté la ministre, sont l'occasion d'une "remise à jour de nos politiques publiques" et de "faire évoluer nos modes d'intervention", d'opérer un changement de paradigme car "le temps de l’Etat bâtisseur, centré sur la politique des grands équipements, est révolu, son rôle est désormais de devenir un architecte, un régulateur, un soutien aux initiatives venant entre autres des territoires". Les attentes sont nombreuses, et de citer celles des acteurs de l'économie digitale, qui souhaitent un cadre de régulation stimulant, mais aussi celles des autorités organisatrices, qui ont "largement innové dans les transports en commun en termes d'information multimodale et de billettique mais il faut aller plus loin". Côté ferroviaire, une mission confiée à Jean-Cyril Spinetta a été annoncé : l'ex-PDG d'Air France va être chargé par le Premier ministre de remettre au premier trimestre 2018 un rapport sur la "transformation réussie du transport ferroviaire". Il faut "se poser la question de la place du ferroviaire dans l’ensemble des mobilités, ce qui suppose de se poser celle de son modèle économique", au vu de "l’endettement du réseau qui croît de trois milliards d’euros par an" et des résultats de son fleuron, le TGV, dont "70% des dessertes sont déficitaires", a appuyé le Premier ministre. Alors que le gouvernement a mis en "pause" la vingtaine de projets d'infrastructures en cours, Edouard Philippe a insisté non sur le défi financier mais sur le "défi de la sincérité". "Certains gouvernements ont beaucoup promis (...). Résultat : sur la durée du quinquennat qui commence, il manque environ dix milliards d'euros : 7 milliards pour financer les nouveaux projets pour lesquels l'Etat s'est engagé, 3 milliards pour assurer la maintenance des réseaux", a souligné le chef du gouvernement. Les prochains financements seront donc, dans le cadre de la loi, programmés "de manière précise, soutenable et dans la durée" à travers un conseil d'orientation des infrastructures que va présider Philippe Duron, qui a présidé jusqu'à récemment l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf).
Canal Seine-Nord : le gouvernement étudie la régionalisation du projet
Le gouvernement étudie la possibilité de transformer la société de projet du canal Seine-Nord en établissement public local, comme l'ont récemment proposé les élus régionaux pour permettre au projet de voir le jour, a indiqué Edouard Philippe lors du lancement des Assises de la mobilité. "J'ai chargé le ministre de l'Action et des Comptes publics (Gérald Darmanin) et madame la ministre des Transports (Elisabeth Borne) de réfléchir et d'analyser la possibilité de mettre en oeuvre une solution qui reposerait sur la transformation de la société de projet d'établissement public de l'Etat en établissement public local, les collectivités locales assumant la conduite du projet", a-t-il annoncé. Une telle gouvernance est "(inédite) pour une réalisation de cette ampleur", a-t-il ajouté. "La réflexion sur ce sujet n'est pas arrêtée, et je le dis clairement, la décision, ni dans un sens ni dans l'autre, n'est prise, le travail est indispensable. Il est en cours, il se fait avec beaucoup de bonne volonté", de la part des élus et du gouvernement, a encore assuré le Premier ministre.
Les élus régionaux et départementaux des Hauts-de-France ont proposé au gouvernement de reprendre la responsabilité du projet, soumis comme les autres projets d'infrastructures de transports à la "pause" décrétée par le gouvernement. Ils avaient également proposé au gouvernement de garantir l'emprunt, et de prendre le relais financier de l'Etat jusqu'en 2019 pour permettre le démarrage du projet.
Edouard Philippe a souligné que les deux ministres devront également réfléchir à "garantir les recettes permettant de rembourser l'emprunt, et plus généralement, le financement de l'opération, en mettant en place une ressource compatible avec la nécessité de rembourser les emprunts et compatible avec la logique de report modal qui est au coeur de ce projet".
Edouard Philippe a également indiqué, concernant le projet de tunnel ferroviaire entre Lyon et Turin, que "la France s'est engagée par un traité international", et que "le président de la République aura l'occasion d'évoquer le sujet le 27 septembre prochain lors du sommet franco-italien qui se tiendra à Lyon".
AFP