Treize maires de grandes villes dénoncent la "situation indigne" des migrants et réclament des places d'hébergement
Les maires de treize villes, dont Anne Hidalgo, avec le soutien de l'AMF et de France urbaine, ont lancé un appel en direction de l'État pour "construire collectivement une réponse au défi que pose l'accueil des réfugiés en France".
À l'occasion d'une conférence de presse au centre social Rosa Parks à Paris, le 24 avril, Anne Hidalgo et les maires de douze grandes villes (*) ont lancé un appel pour dénoncer la "situation indigne" des migrants en France et demander à l'État la création de places d'hébergement supplémentaires. Les signataires de l'appel ont adressé le même jour un courrier en ce sens aux ministres de l'Intérieur et du Logement. Les élus y jugent indispensable de "construire collectivement une réponse au défi que pose l'accueil des réfugiés en France" et demandent à être reçus "afin d'échanger sur le dispositif d'accueil et d'orientation des migrants". Parmi les signataires figurent notamment François Baroin, maire de Troyes et président de l'Association des maires de France (AMF), et Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de France urbaine.
"On est au bout du rouleau"
"Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un engorgement des centres d'hébergement de migrants. [...] La situation est inacceptable [...]. On est au bout du rouleau", a déclaré Anne Hidalgo lors de la conférence de presse. Paris et l'Île-de-France concentrent en effet la moitié des demandeurs d'asile. Selon un décompte réalisé par l'association France Terre d'asile le 19 avril, la capitale abriterait près de 700 tentes, regroupant entre 800 et 1.500 personnes. Régulièrement démantelés, des campements se reconstituent tout aussi vite dans le nord de Paris.
La situation est tendue également dans certaines régions. Tout en indiquant que "l'État est totalement engagé pour l'hébergement des sans-abris", la préfecture d'Occitanie, interrogée par l'AFP, fait ainsi état de demandes d'asile "soutenues", avec 35% d'augmentation au premier trimestre et 37% en 2018 "alors que le dispositif d'accueil national, qui héberge les demandeurs d'asile, est saturé à hauteur de 94%". La région est en effet frontalière de l'Espagne, redevenue l'une des principales voies d'entrée au sein de l'Union européenne - avec une hausse du nombre de demandeurs d'asile de 60% en 2018 - depuis la "fermeture" de l'Italie (voir notre article ci-dessous du 26 mars 2019).
Mettre fin au "dublinage"
Plusieurs associations présentes lors de la conférence de presse rejoignent la position des maires signataires de l'appel. Florent Guegen, directeur de la FAS (Fédération des acteurs de la solidarité), demande ainsi au gouvernement de "créer 40.000 places d'ici à la fin du quinquennat, afin de proposer à chaque demandeur d'asile un hébergement". Ce chiffre correspond à peu près à l'écart entre le nombre de demandeurs d'asile (128.000 en 2018, dont 110.500 primo-demandeurs) et les places dans les structures dédiées à leur hébergement (86.500).
Pour Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris et soutien de l'appel des maires, "il faut mettre fin au 'dublinage'", autrement dit le règlement européen Dublin II, qui désigne l'État d'entrée dans l'UE comme seul responsable de l'examen de la demande d'asile et entraîne des relocalisations.
Un traitement dans l'urgence ?
Face à cette situation, l'État n'est pas inactif. Les capacités d'hébergement pour les demandeurs d'asile ont doublé au cours des dix dernières années, pour atteindre 86.500 à la fin de 2018, dont la moitié en Cada (centres d'accueil pour demandeurs d'asile). Pour 2019, le ministère de l'Intérieur prévoit la création de 5.500 places supplémentaires. Avec les places en cours de création, la capacité d'accueil devrait être portée 107.183 places à la fin de 2019, dont 98.476 places pour les demandeurs d'asile et 8.707 places de CPH ou centres provisoires d'hébergement (voir notre article ci-dessous du 14 janvier 2019). Plus largement, les crédits consacrés à l'hébergement ont progressé de 40% entre 2012 et 2016 et atteignent aujourd'hui deux milliards d'euros (voir nos articles ci-dessous du 8 février et du 6 mars 2019).
Pour sa part, Michel Cadot, le préfet de la région Île-de-France, avait réagi aux premiers appels d'Anne Hidalgo, à la fin du mois de mars, en insistant sur le "travail colossal" mené par l'État, avec notamment plus de 2.000 prises en charge depuis début de 2019. Il a également annoncé la création d'un nouveau centre d'accueil pour les migrants à Paris, au mois de juin. Mais, pour Anne Hidalgo, "l'État ne traite le problème que dans l'urgence, par à-coups. C'est beaucoup de dépenses d'énergie et de moyens. Il faut sortir de cette situation".
(*) Les treize villes signataires de l'appel : Aubervilliers, Bordeaux, Grande-Synthe, Grenoble, Lille, Metz, Nantes, Paris, Rennes, Saint-Denis, Strasbourg, Toulouse et Troyes.