Emploi - Travailleurs détachés : le gouvernement veut renforcer l'arsenal législatif
Le ministre du Travail, Michel Sapin, a présenté mercredi en Conseil des ministres un "plan de lutte" contre les abus liés au détachement de travailleurs en Europe, qui passera par un renforcement de l'arsenal législatif en France.
Ce plan "contre le travail illégal et le détachement abusif" avait été réclamé le 20 novembre par le président François Hollande, alors que les pays européens négocient actuellement sur les moyens d'améliorer une directive de 1996 qui encadre les détachements de salariés dans un autre pays que le leur.
Cette directive prévoit que le "noyau dur" des règles du pays d'accueil s'applique (salaires, conditions de travail...) mais que les cotisations sociales sont dues dans le pays d'origine. Dans les faits, a expliqué mercredi Michel Sapin, "le contournement de ces règles s'accroît en France" , notamment via "des montages frauduleux de plus en plus sophistiqués", ce qui conduit à une forme de "dumping social".
Devant l'Assemblée nationale, il a ensuite relevé que pendant les cinq dernières années, "le nombre de salariés en détachement a été multiplié par quatre", la fraude se développant "de manière absolument insupportable" avec "des salariés exploités dans des conditions qu'aucun d'entre nous ne peut accepter" et "une concurrence déloyale extrêmement préjudiciable" pour l'économie.
Le gouvernement entend, a-t-il expliqué en Conseil des ministres, intensifier les contrôles, notamment via l'Inspection du travail, et prévoit un "renforcement de l'arsenal législatif national" pour mieux "responsabiliser les maîtres d'ouvrage et les donneurs d'ordre quand ils recourent à des sous-traitants multiples".
Au-delà de ces initiatives hexagonales, les Etats européens négocient actuellement sur un projet de directive pour clarifier le texte de 1996. Mais certains Etats membres craignent qu'un renforcement des moyens de contrôle aille à l'encontre de la libre circulation des travailleurs. Le dossier sera évoqué lors de la prochaine réunion des ministres européens du Travail le 9 décembre.
A la sortie du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a souligné que la France avait défendu "une position ferme" à Bruxelles sur ce dossier et n'accepterait pas "de compromis au rabais". Elle a souligné que le président François Hollande avait insisté lors du Conseil sur "la nécessité de la mise en oeuvre de contrôles d'une intensité redoublées sur les entreprises qui se livrent à ces abus" et sur "la nécessité au niveau européen de rechercher une majorité la plus large possible mais aussi de mettre chacun face à ses responsabilités".
Devant les députés, Michel Sapin a aussi souligné que la France n'était "pas isolée", assurant que "l'Allemagne est avec nous, l'Espagne est avec nous, l'Italie est avec nous, l'ensemble de cette Europe qui tient à un socle social".
Le sujet doit faire l'objet d'un débat sans vote à l'Assemblée nationale le 2 décembre. Les députés socialistes ont aussi annoncé mercredi avoir préparé une proposition de loi, qui sera affinée et publiée après la réunion du 9 décembre. Ils proposeront la création "d'une liste noire des entreprises frauduleuses qui seraient écartées des appels d'offres".