Transition écologique : le Conseil d’analyse économique relativise les projections de destructions d’emplois alarmistes
Une note du Conseil d’analyse économique publiée mercredi 15 novembre considère qu’une augmentation du prix du carbone dans l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre conduira à des destructions d’emplois relativement limitées, mais qui pourront avoir des impacts marqués selon les territoires.
Quel sera l’impact sur les emplois d’une transition vers une économie bas carbone ? Aux différentes études qui s’accumulent sur ce sujet s’ajoute maintenant celle du Conseil d’analyse économique. L’organisation placée auprès du Premier ministre a publié mercredi 15 novembre une note qui invite à relativiser les projections de destructions massives d’emplois liées à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, tout comme celles qui anticipent la création de nombreux emplois verts à la clé. Pas de quoi renoncer, donc, à une hausse du prix du carbone pour traiter les conséquences du changement climatique, estime le CAE.
Des destructions d’emplois limitées
Les auteurs de la note ont étudié les effets macroéconomiques et sectoriels d’une augmentation du prix de la tonne de carbone. Si ce scénario s’accompagnait d’une redistribution des revenus engendrés par une taxe sous forme de réduction d’impôts pour les contribuables et les entreprises, 92.000 emplois seraient créés, soit une hausse de 0,3%. Sans redistribution, l’impact serait en revanche négatif sur la croissance et l’emploi, mais tout de même modéré : de l’ordre de -0,6%, soit 167.000 emplois en moins. Et encore, cette estimation se base sur une taxe nationale. Élargie au niveau européen voire mondial, ses effets seraient atténués pour les entreprises françaises puisque les biens étrangers seraient eux aussi concernés. De quoi relativiser le scénario dit du "job killing".
Pour autant, certains secteurs seront plus impactés que d’autres. C’est le cas, en moyenne, des industries extractives, du textile, de la chimie ou encore de la métallurgie, d’après les simulations réalisées sur le secteur manufacturier dans l’étude. Mais là encore, le CAE invite à la nuance car les consommations d’énergie peuvent être très différentes entre établissements d’un même secteur. En raison de l’hétérogénéité de leur mix énergétique, une hausse du coût de l’énergie pourra se traduire chez les uns par des baisses d’emploi tandis que celles qui sont moins émettrices seront plus compétitives.
D’importantes disparités géographiques
Gare, cependant, aux disparités géographiques. Une quinzaine de zones connaîtraient une baisse de l’emploi industriel de plus de 6%. Plus généralement, la hausse des coûts de l’énergie serait défavorable dans le nord-est et dans le centre de la France. Ce n’est pas dû à des particularités sectorielles mais essentiellement à la concentration, dans ces zones, d’entreprises au mix énergétique défavorable.
D’où la nécessité d’accompagner localement les activités les plus émettrices. Des accompagnements financiers existent déjà mais on manque d’informations sur les entreprises qui auraient besoin d’être soutenues. Un problème qui pourrait être réglé en établissant par exemple une base de données sur la consommation et les dépenses énergétiques des entreprises. "Énormément d’informations sont produites par les fournisseurs d’énergie, constate le président délégué du CAE, Camille Landais. Ce qui est catastrophique, c’est qu’elles ne soient pas partagées à l’administration pour dresser un diagnostic", ajoute-t-il.
Des créations d’emplois modérées
Quant à la création d’emplois verts, les auteurs de la note estiment qu’elles ne se compteront pas en millions. Les analyses des offres d’emploi identifiant les petites annonces de postes liés à la transition bas carbone réalisées aux États-Unis ou au Royaume-Uni y ont évalué la part d’emplois verts à 1%. "Plus on définit précisément les emplois verts, moins on en trouve", souligne l’économiste Aurélien Saussay.
Les emplois liés à la transition bas carbone "tendent à exiger une variété de compétences clés plus larges" en termes de capacités techniques, managériales et sociales. Dans certaines professions cela exigera une spécialisation accrue tandis que dans d’autres il sera nécessaire de diversifier les compétences. Les formations à ces emplois existent déjà. La priorité est surtout de leur trouver des candidats.