La transition écologique demande-t-elle de nouvelles compétences ?
Le Cereq (centre d’études et de recherches sur les qualifications) a publié le 25 octobre dernier une étude qui interroge sur "l’écologisation du travail", ou comment la prise en compte des enjeux environnementaux impacte les métiers et les formations qui y préparent.
En publiant une étude intitulée "Répondre aux besoins en compétences à l’heure de la transition écologique : représentations et réalités", le Cereq est parti du postulat que l’urgence de la transition écologique fait naître des besoins nouveaux en compétences et peut du même coup offrir des opportunités aux personnes éloignées de l’emploi, comme ce fut le cas à l’occasion de l’avènement de l’automatisation ou plus récemment de l’informatique dans les pratiques professionnelles. Opérant dans le cadre d’un appel à projets de la Dares initié dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC), le Cereq appuie ses réflexions autour de la notion "d’écologisation du travail", un phénomène qui désigne les processus pour lesquels l’environnement est pris en compte dans les politiques publiques, dans les organisations, voire dans les pratiques professionnelles.
In fine, le travail mené par le Cereq ambitionne de questionner "ce en quoi la transition écologique, en tant que processus de changement, produit des effets sur les parcours, les organisations et le travail dans des activités productives qui ne relèvent pas directement de la protection de l’environnement". En premier lieu, l’étude pointe à la fois un poids limité des emplois "verts et verdissants" et une place importante des normes environnementales dans l’activité et la formation continue des salariés. Les emplois ainsi qualifiés sont davantage une réalité pour les "primo-arrivants" (jeunes sortis de formation en 2010 et en emploi en 2017) que pour l’ensemble des salariés. Au sein de ce contingent, le Cereq relève une réelle "bipolarisation" qui se traduit par une forte part d’ouvriers, d’une part, et d’ingénieurs, d’autre part. Des salariés qui sont très majoritairement des hommes, soit non-diplômés ou diplômés du supérieur long - une catégorie au sein de laquelle les femmes sont plus nombreuses, plus diplômées et engagées sur des postes qualifiés -, souligne l’étude.
La dynamique du "marché interne de l’emploi vert"
D’une manière générale, les jeunes sortant de formations environnementales n’occupent pas spécifiquement des emplois liés à la transition écologique, même s’ils y sont plus présents, notamment sur les emplois les plus qualifiés. Le lien entre formation et nature de l’emploi semble donc limité aux "professions expertes dans un domaine lié à la protection de l’environnement", ce que le Cereq identifie sous le vocable de "marché interne de l’emploi vert". Sur un spectre plus large, seulement 10% des salariés interrogés en 2019 dans le cadre de l’enquête DEFIS (Dispositif d'enquêtes sur les formations et les itinéraires des salariés) déclarent que leur activité de travail a été modifiée par l’introduction de normes environnementales. En parallèle, souligne le Cereq, les entreprises ont consacré la même année 16% de leurs actions de formation à l’accompagnement de l’intégration de ces normes dans leur activité.
Quant au rôle de l’Etat, il est ici envisagé à travers le prisme des engagements de développement de l’emploi et des compétences (EDEC), l’outil de la politique de contractualisation de l’Etat vis-à-vis des branches professionnelles en matière d’emploi et de formation. Globalement, souligne l’étude, les branches font le constat "d’une identification encore limitée des compétences nouvelles" liées à la prise en compte d’enjeux environnementaux qui nécessitent davantage des "apports de connaissances nouvelles". La prise de conscience étant variable selon qu’il s’agit d’entreprises du secteur de l’ESS (économie sociale et solidaire), du commerce de détail ou encore du BTP "où la priorité reste donnée aux questions d’économies d’énergies". En résumé, "l’écologisation semble surtout impulsée par des pratiques militantes peu instrumentées", constate le Cereq.
Les leviers de "l’écologisation du travail"
Dans ces conditions, quels sont les leviers de "l’écologisation du travail" identifiés dans l’étude du Cereq ? Dit autrement, la transition écologique demande-t-elle de nouvelles compétences ? Le travail mené par le Cereq conclut que les normes d’application volontaire sont essentielles pour orienter la trajectoires des structures concernées, entreprises, coopératives ou autres. D’une manière générale, pour écologiser leurs activités, "les professionnels doivent raisonner toujours plus globalement" et envisager ainsi la diversification des tâches. En conclusion, "l’influence de l’aspect environnemental des actes professionnels apparaît dans la majorité des cas comme ténue".