Archives

Toujours pas d'indication géographique pour le savon de Marseille

Le savon de Marseille n'est toujours pas protégé. La Cour de cassation a approuvé le 16 mars 2022 le rejet du cahier des charges déposé à l'Inpi par l'Association savon de Marseille France (ASDMF) en vue de l'obtention d'une indication géographique sur tout le territoire français, validant la décision de mai 2018 de l'Inpi. Une bataille fait rage depuis plusieurs années entre les acteurs du secteur, les uns souhaitant limiter l'appellation à une zone géographique (Bouches-du-Rhône ou Paca), les autres souhaitant la lier au procédé de fabrication du produit.

 

Dans un arrêt du 16 mars 2022, la Cour de cassation a approuvé le rejet du cahier des charges "savon de Marseille" déposé à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) par l'Association savon de Marseille France (ASDMF) en vue de l'obtention d'une indication géographique sur tout le territoire français. Le motif ? Le cahier des charges est considéré comme incomplet. La cour vient ainsi valider la décision de l'Inpi datant de mai 2018 : le directeur général avait refusé l'homologation demandée par l'association (décision n°2018-69 du 22 mai 2018) considérant que le cahier des charges n'était pas suffisamment étayé pour justifier la demande de protection sur la totalité du territoire national. Pour la Cour, comme pour l'Inpi, le lien entre le produit concerné, le savon de Marseille, et la zone géographique délimitée associée, la zone France, et pas seulement la ville de Marseille, n'est ainsi pas suffisamment établi.

L'arrêt relève que, "malgré une demande de compléments d'éléments formulés par l'Inpi, le cahier des charges, quoique concernant la dénomination 'savon de Marseille', qui vise manifestement une seule ville de France et associe le produit à cette commune, précise que la délimitation de la zone géographique associée sera la zone France, le produit concerné étant fabriqué sur l'ensemble du territoire national, résultant d'un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble de ce territoire et d'un procédé trouvant son origine sur ce même ensemble", précise ainsi l'arrêt, concluant au rejet de la demande d'homologation. Le savon de Marseille n'est donc toujours pas protégé.

Derrière l'appellation, des enjeux commerciaux

L'affaire ne date pas d'hier. Cela fait plusieurs années que la question de la protection du savon de Marseille fait débat, avec des enjeux commerciaux importants selon les modalités de protection choisies. Certaines associations, à l'image de l'Union des professionnels du savon de Marseille (UPSM) ou de l'Association des fabricants de Savon de Marseille (AFSM), créée en 2014 et regroupant les onze savonneries les plus importantes des départements des Bouches-du-Rhône, des Alpes-de-Hautes Provence et du Var, souhaitent limiter l'appellation aux fabricants locaux, ceux des Bouches-du-Rhône pour la première, ceux de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) pour la deuxième.

A l'inverse, l'ASDMF estime que l'appellation doit être liée au procédé scientifique de fabrication et non à la situation géographique. Pour l'association, le savon de Marseille est produit partout ou presque en France depuis des siècles, et le limiter à un périmètre géographique ferait peser le risque d'une perte de savoir-faire et d'emplois. En gros, l'homologation permettrait de réserver l'appellation à une fabrication spécifique et non à des fabricants locaux. Il faut dire que l'ASDMF a été créée par la société nantaise Savonnerie de l'Atlantique (SDA), associant le Laboratoire Provendi, les entreprises Alepia et Bernard Cosmetics, et l'Association française des industries de la détergence (Afise). Des acteurs qui revendiquent 95% des volumes de savon de Marseille produits en France. L'enjeu commercial est donc de taille. Soit le produit est lié à une fabrication spécifique, et seules les entreprises qui en disposent pourraient utiliser l'appellation, soit il est lié à une zone géographique précise, et seuls les fabricants de cette zone pourraient alors utiliser l'appellation, les autres entreprises ne pouvant plus en profiter. Pour le moment, aucun de ces cas de figure ne semble en mesure de s'imposer.

Le dispositif des indications géographiques protégées pour les produits artisanaux a été mis en œuvre dans le cadre de la loi Hamon de 2014 relative à la consommation. Il permet aux entreprises labellisées de mieux défendre leur savoir-faire, notamment à l'export. L'homologation est délivrée à l'issue d'une instruction et d'une enquête publique. Plusieurs indications ont déjà été homologuées par l'Inpi depuis l'entrée en vigueur du dispositif, comme le grenat de Perpignan ou la porcelaine de Limoges.