Commande publique - TGI de Paris : les conditions d'urgence et de complexité sont remplies ; le PPP est validé
Portée une première fois devant la cour administrative d'appel de Paris le 14 janvier 2014, l'affaire du recours contre le partenariat public-privé (PPP) lié au déménagement du TGI de Paris a été délibérée le 3 avril 2014 devant cette même juridiction réunie en assemblée plénière. Après avoir confirmé la recevabilité de la demande de l'association requérante, elle a validé le recours au PPP et a précisé par la même occasion les critères alternatifs permettant le recours à un tel contrat, à savoir l'urgence et la complexité du projet.
Dans les faits, l'association demandait l'annulation du contrat de partenariat passé en février 2012 entre l'établissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) et une société de BTP pour l'édification du nouveau palais de justice en dehors de l'île de la Cité. Elle contestait le recours au contrat de partenariat au motif que les conditions alternatives d'urgence et de complexité du projet permettant la mise en œuvre d'une telle procédure de passation n'étaient pas remplies. La question à laquelle devait répondre les juges d'appel était donc celle de savoir si les critères alternatifs étaient bien remplis et si, par conséquent, le recours au contrat de partenariat était bien légal.
Une dérogation au droit commun de la commande publique
Pour rappel, l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat prévoit trois critères alternatifs permettant de recourir au PPP, à savoir, la complexité du projet, l'urgence et une condition liée à un bilan entre les avantages et les inconvénients du recours à un tel contrat plutôt qu'à un autre.
La cour précise tout d'abord que "le recours au contrat de PPP constitue une dérogation au droit commun de la commande publique réservée aux seules situations répondant à des motifs d'intérêt général" définis à l'article précité. Ensuite, elle s'attache à préciser ce qu'il peut être entendu par urgence et complexité du projet. L'urgence doit se comprendre comme "la nécessité de rattraper un retard, […], affectant de façon préjudiciable à l'intérêt général la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public […]". La complexité du projet doit se comprendre comme mettant "objectivement la personne publique dans l'impossibilité de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques répondant à ses besoins ou établir le montage financier ou juridique propre à permettre la réalisation de ce projet".
Urgence et complexité
En l'occurrence et en ce qui concerne la notion d'urgence, l'assemblée plénière a considéré que la dispersion géographique actuelle des services du TGI de Paris engendrait un fonctionnement anormal de cette juridiction. De même, "les exigences d'accessibilité, de sûreté et de sécurité des personnes et des biens requises dans les locaux" n'étant pas respectées, la situation devait être considérée comme "grave et préjudiciable à l'intérêt général affectant le bon fonctionnement du service public de la justice à Paris". La condition d'urgence est donc remplie sans que puisse y faire obstacle "les travaux effectués ces dernières années en vue d'atténuer les difficultés constatées".
En ce qui concerne la notion de complexité du projet, la cour considère que "les contraintes techniques et fonctionnelles induites par le choix, retenu par les pouvoirs adjudicateurs […] (tour de 160 m, aménagement sur d'anciennes emprises ferroviaires non viabilisées, performance énergétique et de développement durable, performance acoustique et thermique, maintenance et entretien des équipements, maitrise des risques…) justifient de recourir à un contrat global pour assurer la parfaite cohérence des solutions architecturales et techniques proposées par la maitrise d'œuvre, les entreprises de construction et les entreprises d'exploitation et de maintenance".
La voie du pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat demeure ouverte
De plus, le fait que certaines des réponses aux difficultés rencontrées durant la définition du projet n'ont été apportées qu'après discussions au cours de la procédure entre les différents interlocuteurs du marché, l'EPPJP se trouvait bel et bien dans l'incapacité de définir seul et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins. Cette motivation de la cour balaye ainsi le moyen qui était soulevé par l'association requérante à savoir que "le moyen technique à mettre en œuvre pour répondre aux besoins de l'administration […] était déjà défini ; que le projet ne présentait pas de complexité particulière".
Les juges d'appel font ici une interprétation rigoureuse de l'énoncé de l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat dès lors que des motifs d'intérêt général sont en considération. L'urgence devant s'entendre de manière assez large, même au sens d'un simple retard à combler. Tandis que le critère de complexité ne se borne pas seulement à la difficulté de définir seul et à l'avance un besoin mais également le moyen technique pour y répondre c'est-à-dire le projet en lui-même.
Le recours au contrat de partenariat public-privé pour la réalisation du nouveau TGI de Paris est désormais validé, les travaux de construction peuvent reprendre. Néanmoins, la voie du pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat est ouverte pour l'association requérante. L'affaire n'est donc peut-être pas encore terminée…
L'Apasp
Référence : CAA de Paris, 3 avril 2014, n°13PA02769