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Commande publique - Nouveau TGI de Paris : un PPP toujours en question...

L'affaire du recours contre le PPP lié au déménagement du TGI de Paris a été réexaminée le 14 mars par la CAA de Paris. Le rapporteur public a estimé que l'association requérante justifie d'un intérêt pour agir. Celle-ci pourrait alors saisir le Conseil d'Etat. Il a en revanche considéré que le projet remplit toutes les confitions exigées pour recourir à un contrat de partenariat.

Nouveau rebondissement dans l'affaire du déménagement du tribunal de grande instance (TGI) de Paris en dehors de l'île de la Cité. Dans les faits, l'association "La justice dans la Cité" demande l'annulation du contrat de partenariat public-privé (PPP) passé en février 2012 entre l'Etablissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) et le groupe de BTP Bouygues pour l'édification du nouveau palais de justice, près de la porte de Clichy. Dans un jugement du 17 mai 2013, le tribunal administratif de Paris avait jugé cette requête irrecevable, faute pour l'association d'avoir justifié d'un intérêt à agir suffisant contre la décision de signer le contrat de partenariat.
Portée une première fois devant la cour administrative d'appel de Paris le 14 janvier 2014, l'affaire est de nouveau examinée, de manière exceptionnelle, par la même juridiction d'appel en Assemblée plénière le 14 mars 2014. Au cours de cette audience, le rapporteur public a considéré que la requête de l'association était recevable mais il a également estimé sur le fond que certains des critères permettant de recourir au PPP étaient effectivement remplis.

Recevabilité du recours de l'association contre le PPP

Comme lors de la première audience devant la cour d'appel le 14 janvier 2014, le rapporteur public a préconisé la recevabilité de l'appel de l'association. En effet, s'appuyant sur l'article 2 des statuts de cette dernière, Olivier Rousset a déclaré que l'association avait bien "un intérêt direct, certain et légitime" à demander l'annulation des décisions du 3 et 15 février 2012 autorisant la signature du contrat et approuvant celle-ci. Les alinéas 1 et 2 de l'article 2 des statuts prévoient notamment que l'association a pour "objet d'assurer la défense du maintien du tribunal de grande instance de Paris dans l'île de la Cité, lieu symbolique de la Justice et de l'Histoire de France" ainsi que "d'assurer une meilleure organisation du tribunal dans l'intérêt des citoyens de Paris". Le rapporteur public reconnaît ainsi que l'objet statutaire de l'association correspond à l'objet du contrat de partenariat (le déménagement du palais de justice sur le site de Batignolles), lui permettant donc d'attaquer la décision de signer le contrat.

Vers un rejet de l'appel au fond ?

Si elle justifie d'un intérêt pour agir pour demander l'annulation du PPP, l'association "La justice dans la Cité" n'a toutefois pas reçu l'approbation du rapporteur public sur le moyen tiré de l'irrégularité du recours au contrat de partenariat. En effet, Olivier Rousset a estimé que la complexité technique du projet (tour de 160 mètres de haut, implantation dans une friche industrielle…) justifiait à elle seule le recours à ce type de contrat. A cette occasion, il a rappelé les trois critères alternatifs permettant de recourir au partenariat public-privé, tels que prévus par l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat. Il y a d'abord la complexité du projet : la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet. A cet égard, le rapporteur public a estimé que "la somme des contraintes et incertitudes résultant d'une partie architecturale, de la dimension exceptionnelle et des spécificités fonctionnelles de l'ouvrage, et dans une moindre mesure des particularités du site d'implantation, plaçait l'établissement public dans l'incapacité de choisir seul et à l'avance la solution technique la plus adaptée au projet".
Le projet doit ensuite présenter un caractère d'urgence, notamment pour rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, quelles que soient les causes de ce retard, ou de faire face à une situation imprévisible. Cette condition d'urgence était également remplie selon le rapporteur public, en particulier du fait de l'insuffisance de l'espace disponible du TGI sur le site actuel et du manque d'accessibilité du bâtiment pour les handicapés. La dernière condition relative à un bilan entre les avantages et les inconvénients n'a pas posé de difficulté en particulier.

Un prochain pourvoi devant le Conseil d'Etat ?

Si les juges d'appel suivent les conclusions du rapporteur public, l'association n'exclut pas de saisir le Conseil d'Etat. Ayant pris la parole devant la cour, l'avocat de l'association soutient au contraire, que les conditions pour recourir au contrat de partenariat n'étaient pas réunies. En effet, l'association conteste le choix du recours au PPP en faisant valoir que "le moyen technique à mettre en œuvre pour répondre aux besoins de l'administration, à savoir, une tour de 80.000m² était déjà défini ; que le projet ne présentait pas de complexité particulière et que l'EPPJP pouvait bénéficier de l' expertise et du savoir-faire de l'agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij) qui avait mené à terme, en maîtrise d'ouvrage public, et avec succès, de nombreuses opérations similaires". Pour l'avocat, il n'y avait donc "aucune incapacité objective pour définir seul et à l'avance les moyens techniques répondant aux besoins" de la justice. Concernant la condition d'urgence, l'avocat a soutenu que nombres d'avancées avaient été réalisées au sein du palais pour améliorer le service public, notamment pour le désengorgement des salles d'audience.
Pour l'heure, la décision a été mise en délibéré au 3 avril 2014. Affaire à suivre...

L'Apasp

PPP : un autre feuilleton emblématique touche à sa fin, celui de l'hôpital sud francilien

Symbole décrié des partenariats public-privé (PPP), l'hôpital géant sud francilien s'apprête à tourner la page de ce que ses nombreux opposants qualifient de fiasco, avec la résiliation programmée du bail qui le lie au groupe de BTP Eiffage.
Avec 1.000 lits ouverts, plus de 4.500 naissances par an, 108.634 passages aux urgences, plus de 3.700 emplois et 312 millions d'euros de budget, le gigantesque centre hospitalier sud francilien (CHSF) cumule les superlatifs depuis son ouverture en 2012.
Bénéficiant d'une architecture ultramoderne, l'établissement, à cheval sur les communes d'Evry et de Corbeil-Essonnes, avait tout pour devenir le fleuron de la nouvelle politique hospitalière initiée dans les années 2000, d'autant qu'il bénéficiait d'un cadre juridique particulièrement novateur à l'époque, le bail emphytéotique hospitalier (BEH), une forme de PPP spécifique au secteur de la santé. Lauréat de l'appel d'offres, Eiffage investissait 344 millions d'euros sur le bâtiment et percevait un loyer annuel d'environ 46 millions d'euros sur trente ans, pour la construction, l'exploitation et la maintenance. A l'issue de ce délai, l'hôpital devait être rendu à la puissance publique.
Las, la "formule innovante" vantée en 2006 par le ministre de la Santé et des Solidarités de l'époque, Xavier Bertrand, se transforme en "péché originel", selon Alain Verret, ancien directeur de l'hôpital. Elaboré dans "la précipitation" selon la Cour des comptes, le projet initial connaît plusieurs modifications qui vont se solder par autant d'avenants au contrat. S'ensuit le report début 2012 de l'ouverture du centre hospitalier initialement prévue en mai 2011. 7.000 malfaçons, selon l'hôpital, sont relevées. Des réserves classiques, répond Eiffage. L'épisode va faire exploser les surcoûts et lancer la machine à contentieux. "On n'aurait jamais dû rentrer dans ce montage juridique, car le contrat était très mal ficelé et au seul avantage du preneur", observe Catherine Fayet de SUD-Santé, opposée dès l'origine, comme ses autres collègues syndicalistes, au principe du PPP.
"En termes de finances publiques, ça fait longtemps qu'on n'avait pas fait aussi mal", souligne M. Verret, poussé vers la sortie en 2011. Tandis que le déficit de l'établissement se creuse jusqu'à atteindre près de 33 millions d'euros en 2013, sa direction met en oeuvre un plan de redressement qui ajoute à la colère des personnels, persuadés que le "loyer" annuel dû à Eiffage (48 millions en 2014) est la seule cause des déboires financiers de l'hôpital.
Engagées dans une renégociation d'une partie du PPP depuis le printemps 2013, les deux parties ont finalement choisi de résilier l'ensemble du bail "pour motif d'intérêt général" et de mettre fin à une situation qui "menaçait à court terme le bon fonctionnement et le développement" de l'établissement. Un "divorce à l'amiable par entente mutuelle", selon Jean-Michel Toulouse, le directeur du CHSF. Selon l'hôpital, cette décision "permettra de générer pour la puissance publique une économie de 600 à 700 millions d'euros".
Cette sortie négociée se soldera par un versement à Héveil, filiale d'Eiffage, d'une indemnité de 80 millions d'euros correspondant, entre autres, à la compensation des loyers futurs. S'y ajoutent les frais de transfert de propriété et de TVA, ce qui équivaut pour l'hôpital à une facture de 171 millions d'euros au total. "On aurait pu faire ça plus tôt", cingle M. Verret, mais "en toute hypothèse cela coûtera moins cher" à la puissance publique.
"Il n'y a pas de gagnant, ni de perdant", prévient le président du conseil de surveillance du CHSF, le maire (PS) d'Evry, Francis Chouat. Y compris pour Eiffage qui, malgré la perte apparente de plusieurs centaines de millions d'euros de profits, "renonce surtout à des gains futurs et sort d'un dossier qui lui causait un vrai préjudice d'image", relève un connaisseur de l'univers des PPP, Grégory Berkovicz, avocat spécialisé.
Le CHSF retrouvera le 30 septembre 2015 la responsabilité de l'ensemble de son fonctionnement.
Plusieurs chantiers réalisés en partenariat public-privé font actuellement l'objet de polémiques… à l'instar, donc, du futur palais de justice à Paris, ou de la lourde rénovation du stade Vélodrome à Marseille.

Source AFP