TER : du mieux, mais encore d’importantes marges de progrès, pointe la Cour des comptes
Faisant suite à son rapport de 2019, la Cour des comptes observe que les TER vont mieux à l’heure de l’ouverture à la concurrence. Malgré une qualité de service toujours défaillante, la fréquentation est à la hausse, faisant gonfler les recettes commerciales, même si le taux de remplissage reste faible. En dépit des efforts conduits pour limiter les coûts d’exploitation, l’activité reste en outre largement subventionnée par les régions. Lesquelles sont invitées par la rue Cambon à bien mesurer et partager les conséquences de leur choix de ne fermer, jusqu’ici, aucune ligne. Ce qui implique en amont une plus grande transparence des données transmises par SNCF Réseau et Gares & Connexions.
Cinq ans après un rapport particulièrement inquiétant (v. notre article du 23 octobre 2019), la Cour des comptes fait, dans un rapport de suivi, le constat de trains express régionaux en meilleure forme à l’heure d’une ouverture à la concurrence "encore parcellaire". Les marges de progrès restent toutefois plus que conséquentes, la rue Cambon observant qu’une seule des neuf recommandations qu’elle avait préconisées en 2019 a depuis été complément mise en œuvre. En l’espèce, celle invitant les régions à renforcer les bonus, malus et pénalités afin d’inciter l’opérateur à la qualité de service. Un dispositif déployé toutefois "avec une intensité variable", relève la Cour. Et, surtout, avec un succès très mesuré, puisque la Cour note qu’en la matière "les constats de 2019 restent valables : tant la proportion de trains déprogrammés ou annulés que la ponctualité se situent à des niveaux préoccupants" – constat également dressé par l’ART (v. notre article du 28 juin) ou tout récemment par l’UFC Que Choisir (v. notre article du 10 septembre) –, en dépit des différents coup de semonce lancés par les régions (comme la suspension des paiements décidée par la Normandie en 2020 ou les Hauts-de-France en 2021). Sans compter que "les outils de mesure existants de SNCF Voyageurs ne sont pas satisfaisants", ajoute le rapport.
Malgré une fréquentation en forte hausse, un taux de remplissage qui reste faible
Une qualité de service défaillante qui constitue naturellement "un obstacle à la fréquentation". Certes, la Cour met en avant "une croissance forte de l’utilisation des TER" depuis 2019 (+30% de voyageurs-km, et même +50% vs 2017), relevée par ailleurs par l’ART (v. notre article du 4 mars). Mais elle note que le taux de remplissage moyen des TER reste "particulièrement faible", "même si cette moyenne recouvre des situations contrastées, certaines lignes pouvant être saturées". Le fait que "les régions [aient] choisi unanimement de ne remettre en question aucune ligne", y compris celles peu fréquentées ou non électrifiées, n’y est sans doute pas étranger. Si la rue Cambon observe qu’il est le fruit d’une "demande forte des élus et des associations des territoires concernés", elle souligne néanmoins que "ce choix doit se faire dans la vérité des coûts : ses conséquences, notamment financières, doivent être mesurées et partagées". Elle réitère donc sa demande, partiellement mise en œuvre, de conduire des "analyses sociale, économique et environnementale de chaque ligne peu fréquentée".
Une activité qui reste largement subventionnée par les régions
D’autant que la Cour relève que "l’activité reste largement subventionnée par les régions". Et ce, même si, côté produits, les recettes commerciales progressent (+50% environ vs 2019), grâce à la hausse de la fréquentation – et au transfert des lignes de train Intercités à la région Normandie. Leur part dans les recettes d’exploitation est ainsi passée de 24,7% en 2019 à 30,5% en 2023. Et sans effet prix, puisque "les régions ont misé sur une politique tarifaire incitative", relève la Cour, observant que la plupart d’entre elles "n’ont pas cherché à réévaluer la contribution des voyageurs au-delà de l’inflation".
Et même si, côté charges, "une rationalisation des moyens humains présents dans les trains et les gares a, dans l’ensemble, été engagée" afin de limiter les coûts d’exploitation, non sans douleur (v. notre article du 1erjuillet 2021) – certaines régions soulignant pour autant "l’intérêt de maintenir une présence humaine, notamment sur les lignes rurales". In fine, les coûts d’exploitation vont tout de même croissants, notamment portés par la hausse – qui va se poursuivre - v. notre article du 16 septembre – des péages et redevances versées à SNCF Réseau et à Gares & Connexions, mais aussi par l’augmentation des prix de l’énergie et des charges de personnel. En revanche, du fait de la progression de la fréquentation, le coût par voyageur/km diminue légèrement.
Une montée en expertise fonction de l’ouverture à la concurrence
Les analyses préconisées par la Cour devraient également permettre aux régions d’avoir une "bonne connaissance des attentes et des motivations de la clientèle", alors que la rue Cambon estime que cette connaissance "peut progresser et doit s’étendre aux publics qui n’utilisent pas les trains ou les bus". La Cour met en revanche en relief le fait que "toutes les régions ont renforcé leur expertise" technique, juridique et financière dans le domaine ferroviaire. Ce renforcement est "toutefois très inégal". La Cour relève qu’il suit le rythme, lui-même variable (v. notre article du 23 mai 2023), de l’ouverture à la concurrence. Quatre régions l’ont déjà mise en œuvre (Grand-Est, Hauts-de-France, Pays de la Loire et PACA), cinq ont lancé ou programmé des appels à concurrence (Aura, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val-de-Loire, Normandie et Nouvelle-Aquitaine), mais deux ne l’envisagent pas avant la fin des conventions en cours (2032 pour l’Occitanie, 2033 pour la Bretagne – pour mémoire, tous les opérateurs devront avoir été choisis après mise en concurrence à compter de 2034).
Cadre juridique clarifié mais manque de transparence de SNCF Réseau ou de Gares & Connexions
Les dernières à se lancer bénéficieront d’un "cadre juridique clarifié", ayant permis, dans la douleur (v. notre article du 23 avril 2019), une "fiabilisation des données techniques et financières" transmises par SNCF Mobilités. La Cour souligne toutefois que des progrès doivent encore être réalisés, "notamment de la part de SNCF Réseau en matière d’information sur l’état des infrastructures". La Cour observe par ailleurs que cette "absence d’informations suffisamment précises et récentes sur l’état des installations", couplée à "l’inexistence d’une comptabilité par ligne ou par gare tenue par SNCF Réseau ou Gares & Connexions" (sic), explique en partie que le dispositif permettant aux régions de demander le transfert de la propriété des infrastructures régionales (réseau secondaire, gares locales) ait été "très peu mis en œuvre, seules deux lignes ayant été transférées" (en 2023, Montréjeau-Luchon et Alès-Bessèges, en Occitanie). Dans la même veine, la Cour plaide pour une "meilleure définition des emplois liés à un lot ferroviaire qui seront transférés à l’opérateur ayant remporté l’appel d’offres" pour maximiser les bénéfices attendus de l’ouverture à la concurrence. Et pour que cette dernière soit bien réelle, elle recommande un échelonnement des appels à concurrence, estimant que seul SNCF Voyageurs serait à défaut à même de répondre à une "accumulation de mises en concurrence concomitantes".