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Catastrophe naturelle - Tempête Xynthia : peine allégée en appel pour l'ancien maire de La Faute-sur-Mer

L'ancien maire de La Faute-sur-Mer, René Marratier, a été condamné lundi 4 avril par la cour d'appel de Poitiers à deux ans de prison avec sursis et à une interdiction définitive d'exercer une fonction publique, pour ses responsabilités lors du passage de la tempête Xynthia qui avait fait 29 morts dans cette petite station balnéaire vendéenne dans la nuit du 27 au 28 février 2010. Les victimes, essentiellement des personnes âgées et trois jeunes enfants, ont péri noyées après la submersion de la digue censée protéger leurs habitations, en contrebas de l'estuaire de la rivière du Lay. Elles s'étaient retrouvées piégées, en pleine nuit, par une brusque montée des eaux, dans leurs maisons dépourvues d'étage où se réfugier.
A la tête de la commune de 1989 à 2014, René Marratier, aujourd'hui âgé de 63 ans, avait été condamné lors du procès en première instance, il y a 18 mois, à quatre ans de prison ferme. Estimant que l'ancien maire condamné pour "homicides involontaires", était seul responsable du décès de ses concitoyens, en ne les informant pas des risques majeurs d'inondation, la cour d'appel de Poitiers a relaxé les autres prévenus : Françoise Babin, l'ancienne adjointe à l'urbanisme de la commune, et son fils, Philippe Babin, tout comme deux sociétés de BTP locales poursuivies en tant que personnes morales. En première instance, Françoise Babin avait été condamnée à deux ans ferme et 75.000 euros d'amende. Son fils, Philippe, agent immobilier et président de l'association chargée de la surveillance de la digue submergée lors de la tempête, avait été condamné à 18 mois de prison ferme.
La cour d'appel "reconnaît l'honnêteté de M. Marratier, reconnaît le fait qu'il n'a pas voulu ces morts (...)" et "retient une responsabilité parce qu'il n'a pas compris, il n'a pas entendu les alertes qu'il a pu avoir", a soutenu Didier Seban, l'un des avocats de l'ancien maire, toujours conseiller municipal de la commune vendéenne. L'arrêt rendu lundi est très en deçà des réquisitions du ministère public, qui avait demandé quatre ans de prison, dont deux ferme, contre René Marratier, en plus de son inéligibilité. L'avocat général Thierry Phelippeau avait également demandé des peines de prison, en partie assorties du sursis, à l'encontre des deux autres prévenus.

Mauvaise gestion du risque et des secours

René Marratier a été condamné en raison de sa mauvaise gestion du risque et des secours pour ses administrés mais la cour a décidé de le relaxer, ainsi que les autres prévenus, pour la délivrance de permis de construire en zone inondable. Selon l'arrêt, les élus n'ont commis "ni fautes, ni manquements", et n'étaient pas "responsables des errements des services préfectoraux". En revanche, la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour statuer sur les intérêts civils : les parties civiles devront se pourvoir devant le tribunal administratif, seul compétent pour fixer les dommages et intérêts.
En quittant le palais de justice, René Marratier a été salué par de nombreux Fautais venus le soutenir. Mais la "décision d'apaisement" de la cour d'appel, selon les termes employés par la défense de l'ancien maire, a été accueillie par les pleurs de très nombreuses parties civiles présentes à l'audience. "C'est ignoble, c'est ignoble, vous en faites quoi de notre émotion à nous ? On a perdu des personnes, vous en faites quoi ?", a lancé Gisèle Arnault, qui a perdu son père lors de la tempête, alors que René Marratier exprimait sur les marches du palais de justice ses "pensées" et sa "forte compassion" pour les victimes et leurs familles.

Absence de "message de prévention"

Les parties civiles sont "très déçues, frustrées, mais elles acceptent", a déclaré Corinne Lepage, avocate de l'Avif, l'association des victimes, et de 115 des 146 parties civiles. "Ils ne comprennent pas très bien cette décision, en fait (...), mais ce sont des républicains et ils acceptent les décisions de justice", a-t-elle ajouté. "Le message qu'on voulait avoir, c'était un message de sécurité, de prévention. Ce n'est pas le cas. (...) On laisse faire les maires, on laissera faire les maires demain pour bâtir en zone inondable. La punition n'est pas assez sévère", a estimé le président de l'Avif, Renaud Pinoit, tout en se disant satisfait de la peine d'inéligibilité prononcée à l'encontre de René Marratier.
Après ce verdict, le parquet a cinq jours pour se pourvoir en cassation.