Territoires ruraux - Téléphonie, ingénierie : deux mesures du comité du 13 mars voient le jour
Alors que les maires ruraux ne décolèrent pas et qu'une cinquantaine d'entre eux ont manifesté devant le Conseil constitutionnel, ce samedi, pour dénoncer la loi Notr, le gouvernement souhaite mettre en œuvre rapidement deux des cinquante mesures du comité interministériel aux ruralités du 13 mars dernier. Lors d'un déplacement en Ariège, vendredi 17 avril, la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, a ainsi annoncé le lancement de l'expérimentation du nouveau dispositif d'ingénierie baptisé Aider (Accompagnement interministériel au développement et à l'expertise en espace rural) qui viendra en complément de la mission confiée aux sous-préfets d'arrondissement. "Dès les prochaines semaines, avant l'été, une équipe dédiée d'experts sera désignée pour accompagner ces territoires ruraux dans la conduite de leurs projets de développement", a-t-elle indiqué. D'après le compte rendu du comité du 13 mars, le dispositif devrait être piloté par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Ces experts, tous fonctionnaires de l'Etat, seront mis à disposition des préfets de région pour une mission de deux ans maximum. Ils "apporteront une aide concrète et suivie aux élus pour élaborer un diagnostic, identifier des aides financières possibles, monter des dossiers d'appels d'offres", a précisé la ministre.
L'autre engagement qui devrait rapidement déboucher est l'amélioration de la couverture en téléphonie mobile sur tout le territoire. Lors du comité du 13 mars, le gouvernement s'est en effet engagé à supprimer d'ici fin 2016 les zones blanches privées d'accès aux réseaux 2G et 3G, quitte à contraindre les opérateurs par la loi. Or, lors de l'examen du projet de loi Macron, les sénateurs ont adopté, jeudi 16 avril, un amendement déposé par le ministre de l'Economie lui-même, visant à atteindre cet objectif… et accessoirement à supprimer les cabines téléphoniques.
Résorption des zones blanches
La résorption des zones blanches est l'un des chevaux de bataille des maires ruraux. Les plans se sont succédé depuis 2003 jusqu'au programme de "Ran Sharing" de 2010 qui a pris pas mal de retard. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) estime ainsi à 100.000 le nombre de Français qui n'ont pas accès à ce service chez eux, alors que d'autres territoires en sont déjà à la 4G ! Une inégalité territoriale flagrante. D'après un recensement récent du CGET, 170 communes françaises ne sont toujours pas couvertes par les réseaux mobiles et ne sont pas concernées par les programmes de couverture de zones blanches existants. C'est à ces communes que l'amendement gouvernemental entend s'adresser en priorité. Mais il laisse place à beaucoup d'incertitude. Il distingue entre les centres-bourg et les autres territoires alentours où il s'avère plus délicat de mesurer le taux de couverture. Ainsi, l'amendement prévoit tout d'abord de réactualiser les listes de communes. Il dispose ensuite que les centres-bourg situés en zone blanche seront couverts par un service 2G "avant le 31 décembre 2016 ou au plus tard dans un délai de six mois suivant la mise à disposition effective des infrastructures par les collectivités territoriales ou leurs groupements". Autour des centres-bourg, le gouvernement souhaite la création d'un guichet de "couverture mobile". Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi Macron, Etat, représentants des collectivités et opérateurs signeront "une convention définissant les conditions dans lesquelles la couverture des zones où aucun service mobile n'est disponible à la date de publication de la loi". Cette convention prévoira notamment "les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après avoir constaté une carence d'initiative privée, mettre à disposition des exploitants une infrastructure comprenant un point haut support d'antenne, un raccordement à un réseau d'énergie et un raccordement à un réseau fixe ouvert au public".
Fin des cabines téléphoniques
L'amendement prévoit par ailleurs la mise en œuvre effective du programme de Ran Sharing par lequel les opérateurs s'étaient engagés à installer la 3G dans 3.600 communes. Selon Emmanuel Macron, 2.600 communes sont toujours en attente. La couverture devra être réalisée "au plus tard le 30 juin 2017".
L'amendement renforce par ailleurs les contrôles de l'Arcep pour veiller à la bonne réalisation de ces mesures. Il prévoit enfin la fin des cabines téléphonique qui n'enregistrent qu'une "utilisation résiduelle". "L'extension de la couverture mobile en zone rurale va nécessiter un engagement financier très significatif de la part des opérateurs, que la suppression de cette composante du service universel viendra pour partie compenser", développe le gouvernement, dans l'objet de son amendement.
Mais cette rédaction, qui distingue entre les centres-bourg et les alentours, fait craindre une inégalité de traitement, les petites collectivités étant mises à contribution.
"Dans de nombreuses communes de mon département, les trois quarts des habitants ne vivent pas dans les centres des bourgs. Chez moi, il y a soixante hameaux ! L'amendement du gouvernement ne les aidera en rien", a ainsi fustigé le sénateur UMP du Jura Gérard Bailly. "On demandera encore aux collectivités territoriales, les plus pauvres en l'occurrence, de mettre la main à la poche pour achever la couverture, alors que les plus riches n'ont rien eu à payer", a-t-il poursuivi.
Financement
De nombreux sénateurs ont soulevé la question du financement. Le communiste Thierry Foucaud (Seine-Maritime) a proposé un accès des collectivités territoriales au FCTVA pour les dépenses d'investissements dans les télécoms. Pierre-Yves Collombat (RDSE, Var), soutenu par Marie-Noëlle Linemann (PS, Paris), a pour sa part proposé de généraliser "la technique du fonds de péréquation utilisée pour La Poste". "Je ne crois pas à la solution du fonds de péréquation, car il s'agit d'opérateurs privés, précisément", leur a rétorqué le ministre de l'Economie.
Interrogé l'après-midi même par le sénateur NI de l'Aube Philippe Adnot, qui a prévenu que "si seuls les centres-bourg sont couverts, la révolte grondera dans le monde rural", le ministre l'a reconnu : "Les financements complémentaires pour les zones blanches hors centre-bourg, l'Etat les cofinancera avec les collectivités territoriales." Mais il a également ajouté que le financement pourrait être assuré "par l'enveloppe de 20 millions du FSN (fonds pour la société numérique, ndlr) et le plan Juncker". "Comptez sur nous pour le mobiliser", a-t-il conclu.