Télécoms : les territoires incités à se doter d'un schéma de résilience

Cosigné par la Banque des Territoires et l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), le guide "Élaborer un schéma local de résilience" incite les territoires à une approche systémique intégrant notamment les réseaux électriques et mobiles. La conception de ces schémas de résilience pourra faire l'objet d'un financement de la Banque des Territoires. 

Dans la continuité des études menées avec Infranum sur l'identification des risques pesant sur les infrastructures numériques (lire l'interview croisée d'Antoine Darodes et de Philippe Le Grand du 3 juillet 2023), la Banque des Territoires a publié en août 2023 un guide pratique sur l'élaboration d'un schéma local de résilience à destination des collectivités et des préfectures. Après la priorité donnée au déploiement des réseaux FTTH, cet ouvrage incite les acteurs locaux à réfléchir à leur résilience, définie comme "leur capacité à surmonter un évènement et à rétablir rapidement un fonctionnement normal". Une exigence renforcée par la dépendance croissante de notre société au numérique révélée par la crise sanitaire et la multiplication des événements climatiques extrêmes imputables au réchauffement climatique. Les pouvoirs publics doivent donc dès à présent s'interroger sur les moyens pour mettre en place des stratégies d'anticipation des risques et de protection de ces réseaux. 

Intégrer les risques de délestage électrique 

Mais au-delà des risques naturels ou des actes de malveillance pesant sur les réseaux FTTH évoqués dans les présentes études, le guide insiste sur la nécessité d'une approche globale de la résilience. Il invite notamment à "considérer les interdépendances avec le réseau électrique et notamment les dangers provenant des politiques de délestage". Ce dernier point a en effet émergé à l'automne 2022 avec la menace de coupures locales pour pallier la difficulté à ajuster la production à la demande d'électricité. Le guide souligne l'exposition particulière des réseaux mobiles à ce risque. Car, si les opérateurs mobilisent des batteries pour assurer la continuité des services mobiles, "l'état des batteries et les aléas des bascules et redémarrages poseraient de sérieux problèmes si les délestages devenaient fréquents et massifs". En tout état de cause, le guide considère comme "limitée" la capacité des réseaux mobiles à prendre le relais des réseaux fixes du fait notamment de la dépendance croissante des antennes à la fibre. Les auteurs plaident néanmoins pour "une meilleure insertion des réseaux de télécoms dans les paliers de priorisation en cas de délestages décidés par les différentes préfectures".  

Clarifier les responsabilités 

Autre élément mis en évidence lors de récentes catastrophes, le flou dans la répartition des responsabilités. À la multiplicité des opérateurs (infrastructure, commercial, dégroupage…) s'ajoutent celle des réseaux d'initiative publique et l'éclatement des compétences entre les différents niveaux de collectivité. Le guide comporte du reste un utile rappel sur les grands principes de la gestion de crise, la responsabilité des opérateurs d'infrastructures et commerciaux, le statut d'opérateur d'importance vitale. Il note toutefois que le cadre actuel concerne essentiellement "des crises majeures et les opérateurs les plus puissants" et "ne tient pas compte de la diversité des territoires et des acteurs". Quant aux opérateurs d'infrastructures, ils restent la plupart du temps exemptés d'une obligation de résultat et ne sont pas passibles de sanctions… Un état de fait qui conduit les auteurs à préconiser d'identifier précisément les rôles de chaque acteur en attendant un renforcement du cadre réglementaire, sujet sur lequel planche l'Arcep. Les préfets sont par ailleurs incités à intégrer les réseaux FTTH dans les plans Orsec. La loi Climat et Résilience et le décret n° 2022-1077 du 28 juillet 2022 leur permet aussi de prescrire des investissements prioritaires sur des infrastructures critiques. Cependant aucun arrêté préfectoral allant dans ce sens n'a été pris à ce jour.  

Une méthodologie en quatre phases 

Sans attendre l'évolution de la réglementation, les auteurs invitent dès à présent les acteurs locaux à se doter d'un plan de résilience sur le modèle de ce qu'ont déjà fait la Haute-Garonne, la Gironde et la Corse. Ce "schéma local de résilience" passe par un audit afin d'identifier précisément les risques, l'élaboration de différents scénarios, une hiérarchisation des priorités et d'un plan d'actions. Dans ses préconisations, le guide reprend les mesures listées par la filière telles que l'enfouissement des réseaux en aérien (plus de 500.000 km) et la sécurisation des points de mutualisation. Infranum a cependant évalué en juin 2023 à plus de 2 milliards d'euros les investissements nécessaires pour la sécurisation des réseaux.  

Mesures organisationnelles de moindre coût 

Aussi le guide insiste-t-il surtout sur la possibilité de mettre en œuvre, sans plus attendre et à moindre coût, des mesures organisationnelles. Il s'agit notamment de sensibiliser les acteurs locaux aux risques, de réviser les plans Orsec et les contrats de délégation de service public pour y intégrer un volet résilience. Il invite aussi à identifier les services publics et entreprises locales qui seraient particulièrement affectés par une rupture de réseau et pour lesquels il convient de disposer d'une solution de secours (double liaison fibre, satellite, faisceau hertzien…).  

La réalisation des études nécessaires aux schémas de résilience est éligible au fonds de la Banque des Territoires consacré à l'adaptation au changement climatique.